Si tôt il se retrouva dehors, si tôt la morsure du froid saisit Victor, qui se mit à grelotter. Sur le trottoir adjacent, Yann l'attendait, perché sur un rebord de fenêtre de magasin fermé et les yeux rivés sur son téléphone. Il arborait toujours son magnifique bonnet qu'il portait en cours et que le brun trouvait particulièrement mignon. Un sourire naquit en se rappelant qu'il avait cherché par lui-même son numéro de téléphone.
Parler avec les réseaux sociaux leur semblait bien suffisant, mais un infini plaisir s'ouvrait en lui comme une fleur en imaginant à présent le nom de son ami dans son répertoire. Comment l'avait-il appelé ? Lui avait-il donné un surnom ? Il n'en savait rien, mais le plaisir d'imaginer ceci faisait augmenter sa cadence.
Prenant bien garde de ne pas se faire écraser, Victor traversa la rue.
— Yo ! lança-t-il, une fois devant Yann.
— Salut.
Le blond rangea son téléphone dans sa poche et, avec un grand sourire, fit la bise au plus petit. Un peu troublé, le brun ne fit aucun commentaire. Les deux se mirent à marcher, Yann devant. Dire que le jeune lycéen prenait goût à cette marche serait un peu exagéré, mais il en avait au moins pris l'habitude. Ils s'échangèrent quelques mots, sur la pluie et le beau temps.
— Heureux de me voir ?
Victor haussa un sourcil. Quelle question ! Bien sûr qu'il l'était ! Si on posait ce genre de questions dans des jeux télévisés, on pourrait l'appeler champion bien plus rapidement que de faire un jeu de mot.
— Ouais.
— Je t'imaginais plus convainquant que ça ! le taquina Yann.
— Tu veux que j'écrive un sonnet à ta gloire, bel Apollon ? se moqua le brun.
— Et pourquoi pas ?
Ils rirent, s'attirant quelques regards parmi le flot de fantômes qui déferlait autour d'eux. Victor croisa les yeux ravageurs d'une petite antiquité, petite, ronde et écorchée par les griffes du temps, dont le regard semblait lancer plus d'éclairs que d'amour. Le personnage mesquin que Victor détestait. Quand ils passèrent devant elle, un murmure sortit de sa bouche. Un murmure qu'il identifia comme une insulte.
— Qu'est-ce qu'elle a dit, là ? s'insurgea le brun.
— Laisse tomber, répondit Yann en avançant. Ce débris n'en vaut pas la peine.
Comme il s'était fait distancer par son camarade, le plus petit dut le rejoindre à grandes enjambées.
— Yann...
— Elle ne mérite même pas notre attention. Tiens, regarde, un truc infiniment plus intéressant que son existence.
Victor suivit du regard et resta un instant bouche bée.
— Quand le sage désigne la lune, l'idiot regarde le doigt.
— Eh ! on peut savoir pourquoi tu me balances une phrase comme ça, gratuitement ?
— Le fait que tu regardes effectivement dans la mauvaise direction ?
Le jeune homme se rendit compte de son erreur, et, ronchonnant dans sa barbe naissante, il suivit enfin les indications de son compagnon. Un sourire se dessina sur ses lèvres :
— Comment pourrais-je refuser ?
Lorsqu'ils entrèrent à l'intérieur, une délicieuse et charmante odeur de nourriture les assaillit de toute part. Les garçons se dirigèrent vers une table où ils s'assirent.
— Décidément, tu sais me prendre par les sentiments, déclara Victor, ravi.
— En l'occurrence, c'est plutôt par l'estomac que je te prends. Mais si tu veux que ce soit ailleurs...
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Lie tes ratures
Teen Fiction"Montre-moi toute la grandeur de ton amour." Victor, à dix-sept ans, est follement amoureux de son camarade de classe, Yann. Cependant, il ne le lui a jamais dit. Il est resté silencieux pendant plus de deux ans, continuant à rallumer de temps en te...