Mars - 6.

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Victor souffla de désespoir. Allongé sur son lit, le regard rivé vers le plafond, il lança, pour la centième, ou peut-être la millième fois, une balle de tennis, la rattrapant lorsqu'elle retombait. Il arrêta au bout de quelques lancers. Encore une fois, un soupir franchit ses lèvres.

— C'est chiant... se plaignit-il.

Même s'il n'aimait pas les cours, le brun détestait encore plus les week-ends, surtout lorsqu'il n'y avait rien à faire. Pourtant, ce n'était pas le temps qui l'empêchait de sortir. Le ciel avait abandonné son manteau de nuages et exhibait ses seins azurés à la vue du monde. Mais il faisait toujours aussi froid. Depuis qu'il avait attrapé un gros rhume lors de son voyage scolaire à la montagne, il avait en horreur cette saison. Alors, mettre le nez dehors avec ces températures ? Clairement, ce n'était pas dans ses intentions.

Lassé du même geste, il envoya la balle contre le mur pour s'en débarrasser. Elle ne lui revint pas, se contentant de tomber de son lit dans un bruit étouffé. Il troqua son jouet de fortune contre son téléphone, qui, à défaut de lui offrir une vraie activité, lui permettait de combler le vide sonore qui résonnait dans ses oreilles. Il se pencha, attrapa ses oreillettes et les enfonça dans ses oreilles.

Perdu dans la contemplation de son écran, Victor s'égara dans ses pensées. En voyant la date, sur un message qu'il fit défiler, son coeur se crispa. Il ne lui restait plus que quelques mois. Quelques mois, qu'est-ce que c'était ? Rien. En pensant aux examens qui approchaient, le brun pesta. Le bac... Tout le monde en parlait depuis des années. Et il approchait à grands pas. Mais après celui-ci, qu'allait-il étudier ?

Victor n'en avait qu'une vague idée. Oui, il adorait les livres, la littérature, mais il ne s'imaginait pas passer sa vie au milieu de ces objets sacrés. Une boule d'angoisse se logea au milieu de sa gorge en pensant que le bac mettrait un terme à cette partie de son existence. Le lycée n'avait pas toujours été amusant, mais le monde des études supérieures lui apparaissait bien trop grand et trop lointain pour que l'envie de quitter sa vie de lycéen ne le submerge. Ses pensées le faisaient grogner de désespoir. Il ronchonna de plus belle quand une sonnerie retentit.

C'était Adeline, une de ses camarades. Une fille un peu banale, ni trop méchante, ni trop gentille, qu'il connaissait depuis le collège mais à qui il ne parlait pas beaucoup. Pourtant, c'était vers lui qu'elle se tournait à présent. Alors qu'elle ne prenait que très rarement la peine de le saluer.

Alors qu'il était totalement invisible à ses yeux.

— Tu me passeras ton cours ? répéta-t-il d'une voix fluette et nasillarde. Et la politesse ? Tu t'es crue pour une princesse ou quoi ? Princesse de mes couilles vertes, oui ! Bah t'attendras ma petite, pas que ça à foutre.

Un rare dégoût le saisit violemment à la gorge, et il jeta plus son portable qu'il ne le posa à côté de lui, ce qui eut l'effet de lui retirer une oreillette. Le jeune homme poussa un juron qu'il serait indécent de retranscrire, récupéra l'objet perdu et le replaça là où était sa place. Les douces notes de sa chanson eurent l'effet d'un peu de sucre en poudre sur une langue gorgée du citron le plus amer du monde.

Peu de temps après avoir reçu ce message, et comme il n'avait rien à faire, il reprit son téléphone et recommença en ignorant bien évidemment les messages de sa jeune collègue, qui se firent un peu plus nombreux.

— Parce qu'en plus d'être jamais là, elle se croit tout permis.

Au fond, Victor ne trouvait pas vraiment de raison de haïr la lycéenne. Elle n'avait été dans aucun camp, ce jour-là. N'était-ce pas pour cette raison précise qu'il avait envie de lui en vouloir ? Il soupira, chassant de son esprit ces troubles instants qui termineraient de piétiner le peu de bonne humeur qui lui restait.

Lie tes raturesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant