Avril - 8.

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Cinq hirondelles, battant des ailes avec grâce, tranchaient les cieux de leur vol. Elles survolaient la ville tranquillement et finirent par disparaître derrière les autres bâtiments. Victor poussa un soupir à s'en fendre l'âme, consumé par un ennui terrible. Il avait beau essayer de se concentrer sur son cours d'histoire, rien à faire. 

Le souvenir de leur soirée et de leur nuit occupait toutes ses pensées. Et si ce n'était pas le fait d'avoir dormi ensemble qui le préoccupait, c'était tout le reste. Ce qu'ils s'étaient dit. Leur avancée sur leur roman. La fatigue de Yann avait mis fin à leur session alors que certains week-ends, ils travaillaient à distance jusqu'à deux ou trois heures du matin.

Pourtant, cette fois, sa passion pour l'écriture avait été transcendée d'une manière qu'il ne pourrait vraiment expliquer. Parfois, certains jours sont juste plus agréables que d'autres ; nos sentiments sont exacerbés, au-delà de ce que nous ressentons les autres jours. Et c'était exactement ce que pensait Victor ; cette journée avait été magique.

Il poussa un autre soupir en observant le vacarme autour de lui. Tout le monde parlait avec tout le monde, le microcosme de la classe s'agitait comme un troupeau de vers de terre qui grouillaient d'excitation. Il leva les yeux au ciel en observant Jordan, toujours le nez dans son téléphone. Ce dernier arborait un air encore plus renfrogné que d'habitude. 

De leur côté, Charlotte et Naomi discutaient en lançant des coups d'oeil rapides au tableau pour ne pas prendre trop de retard. D'autres filles ne prêtaient qu'une oreille à la leçon qui se déroulait au tableau. La classe ressemblait plus à une basse-cour qu'à ce à quoi elle devait ressembler.

Victor soupira, épuisé par l'ambiance de classe. Il n'avait jamais été le cliché du premier élève de la classe comme certains pourraient se l'imaginer. Il n'était même pas le plus attentif. Il tenait même une petite rancoeur envers cet univers scolaire qui l'avait tant blessé par le passé. Il préférait quand c'était plus calme. Non pas silencieux. Mais aujourd'hui, c'était un peu trop ; même pour lui.

Pauline, à côté, griffonnait sur son cahier. Victor, embarrassé, jetait des petits coups d'oeil vers son dessin. Magnifique. Sa meilleure amie avait un sacré don, bien supérieur à ce qu'il pouvait lui-même réaliser. Mais il resta silencieux. Il n'avait pas encore eu le temps de lui dire qu'il avait dormi chez Yann. Elle lui avait raconté son dîner avec son excentrique voisine au caractère plus que lunatique et lui avait demandé comment ça s'était passé avec Yann.

Victor était resté très vague, sans vraiment comprendre pourquoi. Peut-être était-ce pour éviter un interrogatoire en bonne et due forme, peut-être était-ce parce qu'il aimait garder ces instants au plus profond de son coeur, jalousement, comme un dragon couverait ses oeufs... Probablement même les deux.

Pauline avait mis un peu de temps à le croire, puis avait jeté l'éponge après quelques tentatives infructueuses. Mais le petit lycéen n'était pas dupe ; il savait que ce n'était que pour mieux revenir à la charge, au meilleur moment. Il n'ignorait pas qu'ils finiraient par en discuter. Cette simple pensée l'épuisa déjà.

Victor se tourna en direction du tableau, essayant tant bien que mal de se concentrer. Les résultats du bac blanc venaient de tomber et ils n'étaient pas fameux. Il fronça les sourcils devant la série de dates qu'il notait presque machinalement depuis le début de l'heure. Il essaya de relire ce qui était écrit, mais plus il se plongeait dans ses cours, plus ils lui semblèrent encore plus flous.

L'heure, comme le reste de la matinée, passa à une vitesse qui ferait même honte à un escargot. Et pour cause. Car si la plupart de ceux qu'il appréciait avaient eu le courage de venir, celui qui avait su conquérir son coeur manquait à l'appel.

Lie tes raturesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant