Victor essaya d'avoir l'air le plus naturel possible, mais ce n'était pas facile avec cette maudite chaleur ! Etait-ce une goutte de sueur qui perlait sur son front ? Impossible ! C'était impossible ! Mars n'était pas fini, et dehors, le froid était si intense le soir que sortir sans doudoune était une erreur monumentale qui menait les malheureux qui osaient le faire tout droit dans les bras de la maladie !
Il jeta un coup d'oeil vers le blond qui avançait encore aux côtés de Mathéo. Il regardait d'un oeil le spectacle, mais tentait toujours de garder dans son champ de vision celui qu'il aimait. Un pas. Ils faisaient un pas dans la direction de leur table. Ils arrivent. Mais pourquoi ne vont-ils pas plus vite ?
L'atmosphère était particulièrement étouffante. Victor écarta le col de son pull, horrible étau qui le privait de respirer un air tout aussi lourd. Les deux garçons ne se situaient qu'à quelques mètres, et leurs lèvres bougeaient pourtant sans que le brun ne puisse les entendre. Oh, qu'il aurait aimé ce doux carnage mélodieux s'arrête ! Victor aurait tout donné pour comprendre pourquoi Yann souriait et pourquoi l'autre paraissait si serein, au point qu'il pouvait presque palper son aura.
Le jeune lycéen maudissait tout ce qui l'entourait : Pauline qui le surveillait et qui le protégeait, cette fille qui chantait et qui par sa voix magnifique dissimulait de possibles secrets qui se prélassaient dans les ombres, les gens autour de lui qui l'empêchaient d'avoir une vue totale et absolue sur ceux qu'il observait ; il maudissait doublement Doriane qui avait fait germer les doutes au creux de son esprit ; et enfin, après toutes les victimes de son courroux, entre mille autres, il maudissait Yann et Mathéo, leur complicité, leurs mots, leur silence, leur amitié, tout ce qui les liait. Mais de tous, de tous ces châtiés, celui qui méritait le Tartare de son esprit plus que les autres, plus que le reste du monde, c'était lui-même, son propre être, qui lui apparaissait étranger, loin de ce qu'il était, loin de ce qu'il aimait être.
Quand il les vit s'arrêter, il étouffa un rugissement. L'espace d'un instant, il eut envie de se lever et de les rejoindre, de tout claquer, de s'envoler, de partir, d'arrêter le désastre, de tout abandonner. Tout son corps vibrait. Tout son corps lui demandait d'agir. Mais il n'en fit rien.
— Putain...
Il se tourna discrètement vers Pauline, craignant qu'elle avait entendu ce juron. Heureusement, elle échangeait de nouveau avec sa nouvelle amie, une certaine Marina sur laquelle il ne parvenait pas à se faire une première impression, bien qu'elle soit plutôt positive.
C'est à ce moment qu'il remarqua qu'il ne cessait d'agiter sa jambe. Il tenta de contrôler ses tremblements, mais plus les mètres qui le séparaient des deux amis diminuaient, plus il sentait son excitation monter.
Enfin, les deux adolescents arrivèrent à leur niveau. Victor croisa le regard de Yann. On pouvait imaginer aisément que les pupilles du brun criaient toutes leurs questions, c'est-à-dire un bon millier. Le blond qui s'était absenté capta l'intensité de ce flux d'interrogations. Son regard dériva pour se perdre dans les méandres du coin de la pièce.
— Salut, lança-t-il, sur un ton qui se voulait convainquant.
Cette voix familière attira le regard de Pauline, qui, enfin, avait fini de discuter avec Marina et regardait à présent les prestations d'un oeil tout à fait intéressé. Victor se retint de soupirer, remerciant intérieurement son amie par sa facilité à parler avec les autres.
— Ah, Yann ! Te revoilà ! Viens, installe-toi.
Devant l'air distant du blond à lunettes, Pauline tiqua et comprit enfin ce qui se passait en voyant la proximité de l'autre garçon qui se tenait à côté, les bras ballants, l'air un peu perdu.
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Lie tes ratures
Teen Fiction"Montre-moi toute la grandeur de ton amour." Victor, à dix-sept ans, est follement amoureux de son camarade de classe, Yann. Cependant, il ne le lui a jamais dit. Il est resté silencieux pendant plus de deux ans, continuant à rallumer de temps en te...