Juin - 5.

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Un silence gênant s'était abattu sur la petite pièce. Victor observait Yann, assis, le regard égaré quelque part. La bouche entrouverte, il cherchait ses mots, qu'il devait probablement peser avec soin pour ne pas vexer Victor. Ce conflit n'avait que trop duré.

Il sentait une boule se former dans son ventre ; il attendait cette discussion avec impatience, mais il craignait que tout s'effondre une nouvelle fois. Il faisait confiance à son couple, là n'était pas le problème, mais il avait peur de blesser Yann une nouvelle fois. Il avait peur qu'il soit déjà trop tard.

— Je me sens con...

Victor partageait le même sentiment, le sentiment d'être dépassé par quelque chose qui n'aurait jamais dû se produire. Quelque chose qui aurait dû éclater il y a bien longtemps et qui aurait dû être résolu très rapidement. Le brun ne put réprimer un ricanement amer :

— On est deux.

Ils échangèrent un petit sourire entendu. Bien sûr qu'ils se sentaient idiots. Bien sûr que cette dispute avait creusé un fossé là où ils auraient dû bâtir des ponts. Bien sûr, ils avaient commis une erreur qu'ils regrettaient amèrement.

— Bon, lequel de nous deux commence ? demanda Yann.

— Je t'en prie, commence. Je n'ai pas entendu ta voix depuis trop longtemps pour monopoliser la parole.

Yann inspira un grand coup. Victor déglutit ; la respiration de son petit ami sifflait plus encore qu'une locomotive.

— Avant de commencer... Je dois te dire que je suis retourné à la pharmacie et je prends mon traitement. Plus jamais je ne veux m'éloigner de toi aussi longtemps parce que nous n'avons pas su tenir notre langue. Surtout moi. Cette semaine... Cette semaine a été la preuve que je ne pourrais plus me passer de toi.

— Parce que tu en doutais ? ironisa Victor.

— Non, bien sûr que non ! Mais ce n'est qu'une preuve de plus. Une preuve de plus qui montre à quel point notre pari a fonctionné.

— Ah, ouais, ce pari... Ce n'en était pas vraiment un, n'est-ce pas ?

— Non, confirma Yann. Je savais que j'éprouvais des sentiments pour toi. J'ai voulu me la jouer, j'avoue. Je voulais surtout savoir s'il nous était possible d'écrire notre histoire différemment. Si tu voulais écrire avec moi notre histoire. Mais ce n'est pas de ça dont je veux te parler.

De nouveau, il inspira longuement. Ses phrases étaient saccadées. Une nouvelle masse culpabilisante s'écrasa sur le dos de Victor. En presque une semaine, son état s'était dégradé. Chaque mot semblait lui demander une énergie plus importante que le précédent.

— Ce jour-là, je dois te dire que tu avais raison. Je me suis comporté comme un imbécile. J'ai effectivement oublié de passer à la pharmacie, mais je crois que je m'en suis servi comme prétexte pour me libérer un instant de tout ce fardeau.

— T'avais oublié... Mais tu avais des pertes de mémoire à cause de ta chute, et...

— Mais comme je te l'ai dit, je m'en suis servi comme prétexte. J'en ai marre de me battre, Victor.

— Quoi ? Non...

— Attends, laisse-moi finir, s'il te plaît. Je me sens de plus en plus faible, mettre mes fringues commence aussi à me demander des efforts... Mes cours, c'est Doriane qui les prend. Mon cartable, c'est Matt qui l'a porté quand je n'étais pas bien. Aurélien m'aide aussi. Même toi !

— C'est normal que j'aide celui que j'aime, on dirait que ça te vexe que je t'aide...

— Oui, ça me vexe. Pas que toi spécifiquement, je déteste juste me laisser porter par les événements. Je l'ai trop fait dans le passé, j'aimerais simplement être acteur de ma vie pour le temps qu'il me reste.

Lie tes raturesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant