Avril - 2.

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— C'est incompréhensible !

Pauline écumait de rage. A côté d'elle, Victor l'écoutait d'une oreille distraite, effondré sur la table, la tête reposant sur ses bras, comme un enfant qui s'endormait.

— J'en reviens pas. Le laisser seul ? Mais qu'est-ce qu'il veut, au final ? Être dans un couple mais rester seul ? Qu'est-ce que c'est, ce bordel ? Putain ! Quel... ah ! Ouais, quel connard ! Et toi, tu vas rester sans rien faire ? Bouge-toi, merde !

— Pauline, pas la peine de jurer... marmonna Victor, la voix toujours tremblante.

— Non mais t'es pas d'accord avec moi ? Hein ? C'est lui qui a raison, donc ?

— J'ai pas dit ça...

— Je t'avoue que je ne le comprends pas. Je ne vous comprends pas.

Elle se leva d'un coup. Cela faisait plusieurs heures que Victor avait reçu ce terrible message. Il avait bien essayé de répondre, en vain. Aucun mot ne venait. Seule la terrible réalité s'imposait à lui.

Pourtant, le message n'avait rien de violent. Yann ne l'insultait pas, et il ne le larguait pas non plus ; il avait connu des choses bien plus violentes. Il lui rappelait même qu'il l'aimait. Mais il imposait à Victor une sorte de distance que le brun ne parvenait pas à supporter.

Ce qui blessait le plus l'adolescent, c'était finalement cette impression que Yann voulait le mettre à l'écart d'un événement qui le dépassait, peut-être même qui dépassait l'autre garçon. Ne pas pouvoir aider celui qu'il aimait de tout son coeur pulvérisait sa bonne humeur. Pire, l'imaginer refuser son aide le terrifiait.

— Tiens.

La voix de Pauline l'extirpa de ses pensées. Devant lui, la jeune venait de déposer une tasse de thé. Après cette journée désastreuse, son devoir de meilleure amie l'avait obligée à traîner ce pauvre Victor chez elle. Elle considérait évidemment que le laisser rentrer seul chez lui dans son état s'avérait impossible.

Le jeune garçon releva la tête vers Pauline. Les larmes manquèrent de tomber. Il ne céda pas et déglutit douloureusement.

— Merci... sourit-il piteusement.

— Je préfère. T'es beaucoup plus mignon quand tu souris. Il ne se rend pas compte de la chance qu'il a d'être avec toi.

— Lili...

— J'espère qu'il va bien, quand même, remarqua-t-elle, et que ce n'est pas trop grave.

— J'en sais rien... Il ne m'a rien dit. Je lui aurais bien posé la question, mais je ne sais même pas comment le lui demander. Du coup, j'ai même pas répondu. Putain, j'espère qu'il va pas faire la gueule.

— Tu crois qu'il va penser que tu l'abandonnes.

Dépité, Victor acquiesça.

— Bois, lui conseilla Pauline. Tu réfléchiras mieux le ventre plein.

L'adolescent, devant le ton sans appel de son amie, n'eut d'autre choix que d'obéir. Il prit la tasse entre ses mains, et malgré la chaleur de cette dernière, en but une gorgée sans broncher.

Alors qu'elle s'apprêtait à se remettre à table, une petite voix fluette s'éleva d'une pièce, à côté. Pauline leva les yeux au ciel.

— Il m'appelle toujours quand je suis sur le point de me poser. A croire qu'il a un don et qu'il le fait exprès... J'arrive ! s'exclama-t-elle.

Elle se leva et commença à sortir de la pièce. Cependant, elle sembla s'arrêter un instant, l'air de vouloir dire quelque chose à Victor, avant de finalement disparaître, silencieusement.

Lie tes raturesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant