Avril - 5.

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Le doux soleil d'avril, encore un peu froid, projetait ses rayons réconfortants sur la cour du lycée. Victor, en sortant dehors, se frotta les mains de bonheur. Le début de la journée lui avait paru paradoxalement très long et très court en même temps. Il ne voyait pas le temps passer quand il se trouvait avec Yann en cours ; mais il avait tellement attendu ces heures où ils pourraient écrire ensemble que chaque seconde s'étirait pour devenir une masse informe de plusieurs heures.

Devant lui, Yann semblait en pleine réflexion. Les deux garçons n'avaient rien dit depuis quelques minutes. A force de l'observer, Victor avait appris à comprendre comment fonctionnait son camarade. Ses yeux dans le vide, marchant bien droit, il le savait en intense réflexion. Il pouvait presque sentir les rouages de son esprit se mettre en marche.

Lui-même réfléchissait intensément, faisant le point sur ce qui s'était passé ces derniers mois. Il avait réalisé un de ses plus gros désirs, il avait satisfait une flamme qui embrasait son âme depuis plus de deux ans, il se sentait même proche de certains de ses camarades de classe. Victor savait qu'il s'agissait presque d'un exploit. Mais, d'un autre côté, il ne pouvait s'empêcher d'apercevoir quelques nuages sombres zébrer d'ombres le tableau de leur bonheur.

Seulement, aujourd'hui, il ne voulait pas entendre cette cacophonie de pensées négatives. Accompagné de Yann, il affronterait n'importe quoi. La force coulait en lui comme l'encre sur une feuille de papier. Sentant pulser en lui une énergie inconnue, il accéléra pour rejoindre celui qu'il aimait de tout son coeur, quelques mètres devant lui. En marchant aux côtés de son petit ami, et en le regardant dans les yeux, il sut que, maintenant, il était capable de tout surmonter.

En chemin, les deux garçons croisèrent plusieurs personnes qui saluèrent Yann de manière assez enjouée. Victor grimaça ; il trouvait ces sourires, ces échanges surjoués ; en quelque sorte, ces courbettes exagérées, agaçantes. Le lycéen populaire lui-même finit par soupirer.

— On ne peut pas être tranquille deux minutes, ici, regretta-t-il.

— Bah, fit remarquer Victor, tu n'as pas la plus mauvaise place.

— Je sais. Je te l'ai déjà dit : je ne m'en plains pas. C'est juste un peu usant parfois. Surtout quand on veut passer du bon temps.

Le sous-entendu ne pouvait être plus clair. Victor rougit jusqu'aux oreilles et tenta de faire comme s'il n'avait rien entendu. Mais même jusque dans sa démarche, il sentait transparaître son plaisir et sa fierté.

Après un long concert de salutations et de discussions ennuyantes, qui parut durer des heures pour les pauvres garçons, ils entrèrent dans la bibliothèque. Ils saluèrent poliment la dame de l'accueil et se dirigèrent vers une partie un peu à l'écart.

Ils arrivèrent devant une salle, porte fermée ; Victor lança un sourire au blond. Malgré leur habitude de venir se réfugier ici, il conservait en lui une sorte de sentiment nouveau, un peu intrigué. Comme s'il traversait la porte d'un autre monde, une excitation monta en lui. Yann agita devant lui les clefs magiques et chercha celle qui leur donnerait accès à la salle. Il la trouva et ouvrit la porte.

C'était une salle modeste, malgré tout assez large ; au centre, trônait une table et six chaises assez confortables, du moins beaucoup plus que les chaises en bois, selon Victor. Elle était entourée d'étagères, remplies de documents et de classeurs. En refermant la porte, le brun put même apercevoir un porte-manteau. Certes, il ne s'agissait pas de la plus belle salle du lycée ; mais il était plaisant d'y rester.

— C'est quand même bien pratique, commenta Victor.

— C'est marrant, tu dis ça à chaque fois qu'on vient ici.

Lie tes raturesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant