Mars - 17.

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 Quand il lui fallut descendre les marches, Victor n'y arriva que par pur miracle. Comme un automate, il traversa la foule pour rejoindre la table où se trouvaient sa meilleure amie, mais aussi Marine et Mathéo. Le regard droit devant, il ne se retourna pas pour voir Yann le suivre. Son pas mécanique l'avait programmé ainsi ; et il ne devait surtout pas croiser à nouveau le regard du blond : il serait bien incapable d'y survivre ou de ne pas devenir encore plus rouge que le sang.

Sentant ses jambes faillir sous la pression, il s'avachit sur la banquette à proximité et garda la tête basse. Les motifs du sol lui paraissaient bien plus intéressants que le regard de son petit ami. Au fond de lui, il se détestait. Il avait attendu des années ce regard, cette sensation, ce désir dans les yeux de Yann. Il avait espéré ce signe pendant des années. Il avait patienté et fantasmé dessus des heures incalculables.

Mais face à l'instant présent, face au moment décisif, sa main pleine d'as s'était changée en une suite de cartes faibles. Pourquoi n'arrivait-il pas à soutenir les prunelles du jeune homme qu'il aimait tant ? Pourquoi tout ceci lui paraissait-il si difficile à accepter, à ressentir ? Les ombres derrière l'idée lumineuse se resserraient autour de son coeur fragile.

Perdu dans ses pensées, ce fut une main vigoureuse qui s'abattit amicalement sur son épaule qui le fit revenir à la réalité. Il releva la tête. Cette main ne pouvait appartenir qu'à une seule personne. Pauline le regardait avec une tendresse et une énergie qui firent plaisir au brun. Ses prunelles flamboyantes pétillaient.

— Tu sais que tu chantes superbement bien ? lui lança-t-elle finalement.

Victor écarquilla les yeux. Il savait qu'il avait une belle voix. Mais Pauline aimait trop le taquiner. Rares étaient les fois où elle le complimentait sur sa capacité à chanter.

— Oh, toi, t'es complètement beurrée, ricana-t-il, ne sachant plus où se mettre.

— Non mais je suis sérieuse ! Tu le sais que je te dis la vérité. Je suis ta meilleure. Et j'ai le meilleur des meilleurs. Voilà. Je t'aime mon Totor.

— Ah, euh... Bah... Moi aussi... Puis bon, c'est vrai que t'as le meilleur ! Je suis sûr que je gagnerais un show télé !

Un petit sourire aux lèvres, Victor regarda son amie. Cette dernière l'enlaça avec force.

— Tu es mon ange, chantonne Lili. Ouais, un ange, un bel ange, le plus bel ange du monde, et pourtant il est gros le monde !

— Je suis bien accompagné.

— Faut dire que tu le mérites. Ouais, tu mérites d'être heureux putain. T'es beau quand t'es avec Yann. Et lui aussi il est beau. Vous êtes magnifiques. Victor, tu mérites d'être heureux.

— Lili...

— Prends pas trop la confiance, fit-elle avec un sourire. Demain, avec ma gueule de bois je te trouverai aussi doué qu'une casserole. Mais en attendant, Victor, je te jure que je ne te laisserai pas être malheureux. Je ne laisserai plus aucun de mes proches être malheureux.

Victor garda le silence face à cette simple phrase. Le doux éclat de ses yeux se perdit dans ceux de Victor. Ce dernier fronça les sourcils. Le contact visuel ne dura qu'un court instant, un instant de silence, un instant de flottement durant lequel les deux adolescents ne se lâchèrent pas. Finalement, elle lui passa une main sur la joue. L'effet que produisirent les longs doigts de sa camarade le firent se tendre. Elle le pinça alors tendrement, comme le ferait une soeur pour son petit frère.

— Je voudrais surtout pas te voir pleurer. Je veux plus de ça.

— Lili...

— Eh, Apollon ! héla Pauline.

Lie tes raturesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant