Février - 6.

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— Eh bien, tu n'es pas très bavard, aujourd'hui ! remarqua Pauline. Tu veux que j'imite ton beau et doux réveil ?

— Oh, ça va... râla Victor.

— T'as mal dormi ? demanda la demoiselle.

Victor ne répondit pas. La nuit avait en effet été un peu trop courte pour lui. Machinalement, il tenait sa fourchette et la tapait du bout de l'index. Une cacophonie de discussions roulait dans le réfectoire, couvrant en partie leurs échanges.

— Laisse-moi deviner... T'as rêvé de ton bel étalon ? Avoue que tu rêves de le chevaucher.

— Pauline, je sais que tu faisais de l'équitation en étant petite, mais là...

— C'est pas le sujet, répondit la demoiselle aux cheveux flamboyants. Bon, et alors, ta soirée ?

Victor baissa la tête. L'ivresse de la soirée avait chuté, et tous les mauvais souvenirs remontaient amèrement. Il soupira en regardant son amie attendre avec patience des informations qu'il n'arrivait pas à donner. Il se décida finalement et lui raconta tout ce qui s'était passé, en omettant bien évidemment le fait qu'il avait bu trois verres de rhum.

— Mon pauvre, pesta Pauline, ça n'a pas dû être facile. Si je l'attrape, je lui tire les oreilles à ton Dom Juan, et j'en fais un noeud papillon jusqu'à pouvoir l'accrocher au porte manteau de la salle d'anglais.

Le sort tragique que la lycéenne réservait à leur camarade eut au moins le mérite d'illuminer le visage de son ami.

— Si tu fais ça, il risque de ne pas y survivre, fit Victor. Yann déteste les cours d'anglais. Il est trop bon, il est quasiment bilingue.

— Justement ! On lui passera en boucle toutes les présentations orales des pires élèves du lycée !

Pauline s'arrêta un instant, but une gorgée d'eau avant de reprendre avec un large sourire :

— Toi qui rêvais de lui parler... Tu seras ravi de pouvoir lui parler et qu'il t'écoute !

Il fallut un instant à Victor pour comprendre ce que sa meilleure amie voulait dire.

— Eh ! Je dois comprendre quoi, là ?

— Ce que tu as compris.

— Méchante, bouda le brun. Je suis très bon en anglais !

— Comme un poisson japonais avec un accent néerlandais.

Shut up, girl.

— On va dire que je ne suis pas très bonne en anglais et que je n'ai pas compris que tu viens juste de me dire de la fermer, hein ?

— Ouais...

— Allez, mange tes frites, baby boy.

— Pauline, j'ai trois mois de moins que toi.

— Raison de plus. Tu veux que je te donne la becquée ? Ou je dois appeler Yann pour qu'il le fasse ?

Victor eut un mouvement de recul.

— Ah, non, hein ! Je peux très bien manger tout seul.

— Alors pourquoi tu ne manges pas ? T'as pas faim ? Ou alors...

— Paupau, je t'interdis de...

— Tu veux manger une autre frite, non ?

— Pauline !

— Victor, j'imagine que tu me reproches mon manque de discrétion, mais qui est le plus discret, là ?

Le littéraire se tut, les joues brûlantes de honte. Victorieuse, Pauline continua de manger avant qu'une question ne vienne la tarauder. Elle s'arrêta et dévisagea son camarade :

Lie tes raturesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant