LOGAN - MARVEL

Chapitre 88 : Aveux douloureux

Le silence est retombé dans la cuisine, bien que nous entendions d'ici les rire de mes camarades profitant d'une source fraiche de par cette chaleur estivale. Je finis par délaisser ma tasse trop chaude pour moi, préférant attendre que mon thé se refroidisse pour le boire entièrement.

« Tu sais Logan, je ne t'en voudrais pas si tu décidais d'aller t'amuser avec les autres. La vie de femme en cavale n'est pas un jeu d'enfant, alors il faut profiter de tous les moments de calme que l'on peut trouver.

- Je sais, mais en fait... j'ai besoin de te parler de quelque chose. Je ne sais juste pas comment commencer, c'est assez difficile à aborder. »

Elle fronce les sourcils et débarrasse nos tasses. Elle sort deux verres et une bouteille de Vodka, avant de nous servir une quantité plus haute que la normale. Je la regarde avec un sourcil haussé.

« Je ne t'en ai jamais parlé, mais je suppose que tu es au courant maintenant. James m'a dit que tu avais fait des recherches, et qu'il t'avait expliqué pourquoi Hydra t'a choisie pour leurs expériences.

- Toi aussi, tu as reçu un sérum de supersoldat. Mais le conditionnement ne fonctionne pas sur toi.

- Donc l'une comme l'autre, on ne peut pas être saoules. Mais si tu comptes me parler de quelque chose d'important qui pourrait te mettre mal à l'aise, ça n'est pas de trop d'avoir une bouteille ou deux dans les parages.

- Je suis d'accord, soupirais-je. »

Je bois d'une traite tout le liquide dans mon verre, puis je me resserre. Je réfléchis quelques instants, ne sachant par où commencer.

« Je sais qu'on vient à peine de se retrouver, et je n'aimerais pas qu'on se sépare déjà. Mais je n'arrive pas à garder ça pour moi, je ne peux pas te cacher la vérité plus longtemps. Ça fait déjà quelques temps que c'est arrivé, et tu mérites de connaître la vérité.

- Prends ton temps, je t'écoute, ma chérie. »

Allez Logan... tu peux le faire.

« Le... le vingt-trois juillet milles-neuf-cent quatre-vingt-seize. »

Elle fronce les sourcils. Cette date lui rappelle forcément quelque chose.

« Je me souviens parfaitement de cette journée-là, commençais-je. Il faisait beau à l'extérieur, j'étais en Allemagne avec Sasha. La veille au matin, à mon réveil, je me sentais vraiment bien, et inconsciemment, je souriais beaucoup. Le chef qui nous contrôlait n'en était pas ravi. Il pensait que mes liens familiaux avec Sasha en étaient la cause, ou que quelqu'un d'important pour moi continuait à me parler, ou à me manquer. Il a donc décidé que tout ça devait cesser. Juste avant le midi, pendant notre entraînement, il nous a demandé de l'accompagner à Iakoutsk, alors on l'a fait. Seulement, il nous a lavé le cerveau et reconditionnées, il nous a remis à zéro. Et pour être certain que nous n'ayons plus aucune marque d'affection existante, en dehors d'elle et moi, il... il nous a ordonné de... »

Je cesse de parler un instant, puis inspire profondément.

« Je me souviens encore parfaitement de cette journée du vingt-trois juillet. Les ordres étaient clairs, on n'avait pas de questions à se poser. Ce chef à cette époque a décidé que Sasha devait regarder, pendant que je me débarrasser de toutes nos attaches sentimentales. J'ai été chargée d'abattre ma meilleure amie, ainsi que celle de Sasha. Et... après ça... il voulait... il voulait vraiment qu'Hydra soit notre seule famille, alors pour lui... il était impossible que notre vraie famille puisse subsister en ce monde. »

Je vois le visage de ma mère se décomposer à vue d'œil. Je détourne le regard, trop peureuse pour la regarder.

« Ce vingt-trois juillet, c'est... c'est moi qui... je... je suis vraiment désolée, je n'arrive même pas à le dire. »

Une larme silencieuse m'échappe.

« Je me souviens encore de ce moment, où j'ai dû appuyer sur la détente. Matthew avait déjà été très amoché par Sasha, alors il ne s'est pas débattu. Mais papa... je me souviens de l'avoir entendu crier... mais il ne criait pas parce qu'il avait peur de mourir, il criait parce qu'il espérait pouvoir me sauver. Et quand il a su qu'il ne pouvait pas y arriver, il a abandonné. Il m'a regardée avec les yeux remplis de larmes, et... il m'a dit... il m'a dit que ce n'était pas grave. Que j'avais le droit d'échouer aujourd'hui, pour mieux réussir demain. Lorsque ça a été fait et qu'on est rentrés à la base, Sasha a commencé à se rendre compte de ce qu'on avait fait. Elle m'en a voulu, elle aurait bien voulu me tuer, sur le coup. J'étais bloquée, incapable de lui répondre, alors qu'elle m'insultait, qu'elle hurlait, et qu'elle me frappait. Lorsque je me suis à mon tour rendu compte de ce qui était arrivé, de ce que j'avais fait... j'ai cru sentir mes entrailles se déchirer en millions de morceaux. Quand elle s'est rendu compte à son tour de l'état dans lequel j'étais, elle a commencé à se calmer... puis, on a décidé de se battre comme il nous l'avait demandé dans ses dernières paroles. On a retrouvé l'homme qui nous a donné les ordres... on l'a fait souffrir avant de mettre fin à sa vie, mais ça n'a rien changé. »

Je me pince les lèvres et essuie ma joue.

« On pensait qu'on allait le venger, mais ça n'a rien changé parce que ça ne l'a pas ramené, et aussi parce que c'était nous qui l'avions fait. Au final, Hydra avait eu ce qu'elle voulait. On a perdu les membres de notre famille qui n'étaient pas utiles à Hydra, on a perdu nos émotions, on se détestait un jour sur deux... et on s'est renfermés dans une bulle de haine dont ils avaient besoin pour s'assurer de notre conditionnement. »

Je soupire et me passe les mains sur le visage, désolée de ce que je viens de lui annoncer. Mais elle devait savoir. Elle devait savoir comment son mari et son fils sont morts. Elle ne pouvait pas rester dans l'ignorance, et continuer à chérir leurs meurtrières. Alors que le silence m'assomme, je suis surprise par ses mains qui attrapent mes poignets. Elle retire mes mains de mon visage pour me regarder dans les yeux. Ses joues sont couvertes de larmes, mais elle me sourit toujours.

« Ce n'est pas grave, lâche-t-elle. Je ne t'en veux pas, ni à ta sœur. Je connais le fonctionnement du conditionnement, je sais que vous ne pouviez pas échapper aux ordres. Et puis, tu sais... je me doutais un peu que cette version de l'histoire était possible. Après leur mort... c'est James qui est venu frapper à ma porte dans le but de m'assassiner. J'ai su que c'était Hydra, ça ne pouvait pas être une coïncidence... »

Elle s'humecte les lèvres en faisant une pause.

« Logan... je suis fière de toi. Je vois à quel point ça te blesse d'en parler, je vois à quel point tu t'en veux, je vois que ça a été difficile pour toi de me le dire... comme ça, face à face, le premier jour de nos retrouvailles... Mais tu l'as fait. Je suis tellement désolée que tu ais dû faire face à cette situation, je m'en veux tellement de n'avoir rien pu faire pour t'aider... Mais tout va bien maintenant, n'est-ce pas ? On est réunis, toutes les trois... et plus rien ne pourra faire tomber notre famille. Plus rien. A partir d'aujourd'hui, on se battra toutes les trois à chaque fois qu'une menace arrivera. On se battra, et on exterminera tous ceux qui se mettront au travers de notre chemin. Je refuse que qui que ce soit fasse de nouveau du mal à mes petites filles.

- Je suis vraiment désolée, maman...

- Je sais, je sais... tout va bien, d'accord ? »

Tout va bien... je n'en suis pas encore certaine. Mais... ça va mieux, et je pense que je peux me contenter de ça.

Finalement, ce sont quatre bouteilles de Vodka que nous avons bu après notre conversation. Nous n'avons fait que de ruminer sur Hydra, telles de vieilles voisines agacées par les nouveaux du village. Je pensais vraiment que cette révélation allait détruire notre entente, mais je suis bien contente que ce se soit bien terminé. Si ma mère n'avait pas vécu une expérience semblable à la mienne, elle n'aurait sans doute pas compris, et ça aurait été plus compliqué. Mais elle méritait de savoir la vérité... c'était le moins que je puisse faire pour elle, après lui avoir enlevé deux membres de sa famille le même jour. Elle s'est retrouvée toute seule tout ce temps, espérant nous retrouver. Puis il y a eu James, une promesse, et finalement, nous nous sommes retrouvées. Je pense que sans lui... je n'aurais jamais su que ma mère était encore vie... je ne me serais jamais souvenue de ma petite-sœur... et ma famille serait détruite à jamais. J'ai une dette envers James que je ne pourrais jamais rembourser.