Short Stories Collection

Short Story 72 - La silhouette

Tyler trouva le corps lacéré de son compagnon Harry près de sa tente aux premières heures du matin d'hiver. Il avait rapidement vomi son repas fourrager de restes de restaurant de la nuit précédente, et avait décampé. Aussi affectueux qu'il fût pour Harry, il n'avait aucune intention d'être surpris en train de flâner là-bas ou de parler aux flics. Il détestait ce putain de bruit de sirène.

Que feraient-ils d'un sans-abri mort de toute façon ?

De retour dans son propre nid derrière les dalles de béton d'un pont de la ville, il calma son estomac avec quelques gorgées d'alcool et de pilules d'urgence, tout en caressant les deux chats errants qui traînaient avec lui. Plusieurs corbeaux se trouvaient également à proximité — ils savaient que Tyler, un fourrageur expert, avait souvent de la bonne nourriture au restaurant et furent légèrement déçus quand il ne produisit rien pour eux. Mais ils ne le laissèrent pas seul.

Si Tyler avait écouté les nouvelles locales ou rejoint les groupes d'hommes blottis devant le Sally Ann ou l'un des autres refuges de la ville, il aurait su qu'il y avait un tueur en liberté, ciblant les hommes sans abri. Mais Tyler était ce rare individu véritablement solitaire qui s'était laissé tomber en marge de la société autant par son propre désir que par le malheur et des politiques cruelles. Il n'avait cherché Harry ce matin-là que parce qu'il lui devait des cigarettes. Généralement, il préférait de loin la compagnie des chats et des corbeaux à ses semblables.

Et maintenant, le ronronnement réconfortant des chats et la lueur amicale et complice dans les yeux des corbeaux lui donnaient du réconfort, et avec l'alcool et la drogue réchauffant son sang, il s'endormit dans son nid de chiffons, caché à la vue par une dalle de bétons lourdes.

Il dormit presque toute la journée, un sommeil agité hanté par le corps ensanglanté et le visage tordu du pauvre Harry, et il faisait déjà noir quand il se réveilla. Cela devait être plus tard que l'heure à laquelle il se levait d'habitude, car c'était assez silencieux – les bruits habituels du début de soirée, des voitures et des humains s'étant estompés. Il était seul, pas de chats ni de corbeaux en vue.

Le vent bruissa dans les bâtiments et le pont à proximité, puis Tyler entendit des pas.

Les pas venaient vers lui. Tyler se souvint du corps d'Harry, ramassa sa bouteille et l'écrasa contre la dalle de béton. Tenant son arme de fortune devant lui, il appela.

—Il y a quelqu'un?

Les pas s'arrêtèrent. Tyler se sentit étourdi et s'appuya contre la dalle pour se stabiliser. Les marches recommencèrent et la silhouette apparut, passant derrière la dalle, dans la maison de Tyler. Ce dernier agrippa inutilement sa bouteille brisée.

Au même moment où la silhouette bondit vers Tyler, les chats et les corbeaux attaquèrent.

L'agresseur cria de surprise, mais ne lâcha pas son couteau. L'un des chats tomba au sol, saignant et hurlant.

Tyler prit le chat blessé dans ses bras et courut.

Derrière lui, les cris de douleur humaine se mêlaient au croassement rauque des corbeaux, et il savait que ses amis iraient bien.

Ce fut seulement lorsqu'il fut totalement hors de portée qu'un détail lui revint en mémoire.

La silhouette de l'agresseur...

Même dans cette semi-obscurité, il n'aurait pu se tromper.

Il ressemblait trait pour trait à...