Short Story 23 - De quoi avez-vous peur?

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La discussion du jour est très importante : de quoi avez-vous peur ?

–Des serpents ! répond Jean. Surtout ceux qui sont gros. J'ai peur qu'ils s'enroulent autour de ma gorge et qu'ils serrent encore et encore jusqu'à ce que mes yeux sortent de leurs orbites !

Certains des autres garçons se mettent à rigoler tandis que Jean fait semblant de s'étrangler, reconstituant de façon dramatique une attaque de serpent.

Quelques-uns d'entre eux ont du mal à dormir durant leur adaptation et il est important de leur montrer, à la lumière du jour, à quel point leurs peurs sont ridicules. En plus, il fait vraiment beau aujourd'hui. Pas un seul nuage en vue.

–Et les araignées alors ? dit Marc. Elles sont tellement effrayantes. Mon grand frère m'a dit qu'elles peuvent pondre des œufs dans ta peau, ce qui fait apparaître de grosses taches rouges sur ton corps. Et lorsque ces grosses taches rouges éclatent, des centaines de bébés araignées sortent de toi.

Ron, assis en tailleur dans un coin de la pièce, jette un coup d'œil à la toile d'araignée derrière lui et s'en éloigne aussi vite qu'il le peut.

–Ce sont des choses stupides à craindre, dit une voix au fond de la salle.

–Abstiens-toi de critiquer tes amis, Zac, dis-je en écrivant un mot le concernant dans mon rapport. Et s'il te plait, enlève ta capuche.

Il obéit, mais continue de rester dans l'ombre.

–De quoi as-tu peur, Zac ? lui demandé-je.

Il hésite.

–Oui ? insisté-je tout en continuant d'écrire avec mon stylo rouge.

–J'ai peur du soleil, dit Zac.

Les autres garçons se fixent d'un regard vide. Actuellement, les rayons du soleil perlent justement à travers la vitre, réchauffant nos corps.

–Je crains le ciel bleu, continue Zac.

A ces mots, ses camarades partent dans de grands éclats de rire à demi-réprimés.

Mais sans se laisser démonter, Zac poursuit :

–Parce-que durant les jours ensoleillés, sans nuages, ils peuvent nous voir d'en haut.

Silence.

–Qui ? demande l'un des garçons.

–Eux, répond Zac en me désignant de la tête et en me regardant droit dans les yeux. Ils nous suivent. Ils se renseignent sur nous. Et s'ils décident qu'ils ne nous aiment pas – Bam ! Ils nous tuent !

Les autres garçons se lancent des regards apeurés.

–Mais ils ne peuvent pas nous voir quand le temps est nuageux.

Je lâche un gros soupir.

–Voilà une chose incroyablement stupide à craindre, Zac, dis-je en écrivant furieusement une remarque dans son dossier.

–Vous avez tué mon père ! rétorque-t-il.

–Non ! Ce n'est pas vrai ! Ton père était un homme très méchant, et il a abandonné sa famille pour faire de très mauvaises choses ! Nous t'avons recueilli, nous t'avons nourri ! Et toi, en retour, tu racontes des bêtises pour faire peur aux autres !

–Vous mentez ! Vous mentez !

Comme il fallait s'y attendre, plusieurs des garçons se mettent à pleurer.

J'ouvre le canal sur le talkie-walkie :

–Venez prendre Zac, il a encore effrayé les autres.

Aussitôt, un des soldats entre dans la pièce et, aussi poliment que possible, entraîne Zac dehors.

Si cela ne tenait qu'à moi, nous le renverrions dans le trou à rats duquel nous l'avons sorti. Mais chaque garçon qui résiste à la rééducation finira inévitablement avec un AK-47 dans ses mains. Nous allons lui laisser un peu plus de temps, mais Zac aura probablement droit à une résiliation.

C'est triste.

Mais il a raison. Si nous le relâchons, nous ne pourrons plus le surveiller 24h/24 et 7j/7.

Nos drones ne peuvent pas voir quand le ciel est nuageux.

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