Short Story 2 - Bataille d'oreillers

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Ça fait trois jours que Papa est parti.

Maman m'a dit de ne pas m'inquiéter, mais j'arrive pas.

J'ai l'impression qu'elle me cache quelque chose.

À chaque fois que je lui en parle, elle devient bizarre, hésitante et ses yeux se remplissent d'eau.

Je trouve ça très étrange...

Normalement, une simple question ne devrait pas provoquer une telle réaction!

Les grandes personnes sont décidément très bizarres.

J'ai remarqué qu'elles aiment bien tourner autour du pot.

Elles ne disent jamais les choses telles qu'elles sont vraiment. Et quand on leur demande pourquoi, elles disent qu'il faut être grand pour comprendre.

Mais si c'est ça grandir, je préfère encore rester un petit garçon toute ma vie!

Car, dans les contes, mentir n'apporte que des ennuis.

De ma fenêtre, je peux voir les flocons de neige tomber avec douceur.

C'est tellement beau.

Ça me fait penser à la conversation que j'ai eue avec Papa il y a quelques jours.

— Papa, d'où vient la neige ? lui ai-je demandé.

Il m'a regardé longuement et a froncé ses sourcils comme s'il réfléchissait.

— Tu vois quand on joue à la bataille de polochons avec maman et que parfois des plumes s'échappent des oreillers?

— Oui papa.

— Eh bien c'est pareil. Il y a des gens qui vivent dans le ciel. Quand ils jouent comme nous, alors il neige.

Après ça, j'ai incliné ma tête sur le côté pour réfléchir, puis je lui ai dit:

— Ils doivent donc être très nombreux pour qu'il y ait autant de neige!

Papa m'a souri avec tristesse:

— Oui. Ils le sont.

Il me manque beaucoup, mon papa. Avec lui, on s'amuse toujours.

J'aime beaucoup maman aussi, mais elle est un peu trop sérieuse à mon goût. Elle ressemble à la plupart des grandes personnes. Or, papa, lui, il se comporte parfois comme un véritable enfant!

Il sourit tout le temps et il ne rate jamais une occasion de faire des blagues.

Je saute de mon lit et j'enfile mes pantoufles.

Maman m'a dit que je pourrais descendre quand le soleil se serait levé.

Peut être aussi que Papa sera là.

Pour moi, ce serait le meilleur des cadeaux!

Je descends les escaliers deux à deux et je cours au salon.

Le grand sapin de Noël est bien installé. De grosses boules rouges y sont accrochés.

Plus d'une dizaines de cadeaux sont à ses pieds.

Je m'approche tout doucement, impatient de les ouvrir. Et là, j'entends une voix:

— Joyeux Noël mon chéri.

Je me retourne. Maman m'observe avec le sourire.

Je souris à mon tour.

— Est ce que Papa est revenu?

Son sourire disparaît aussitôt. Le mien aussi.

Elle s'avance vers moi et s'agenouille pour pouvoir se mettre à ma hauteur.

— Mon chéri..., dit Maman d'une voix tremblante. Ton papa ne reviendra pas.

Silence.

— Mais pourquoi? demandé-je. Il... Il ne nous aime plus, c'est ça?

Maman secoue la tête vivement.

— Bien sur que non!

— Mais quoi alors?

Elle prend une profonde inspiration.

— Ton papa est au ciel.

Nouveau silence.

— Au ciel...?

Maman fait oui de la tête. Des larmes coulent sur ses joues.

— Il vit là bas maintenant. On ne peut pas le voir, mais lui il nous voit. Mais s'il le pouvait, crois-moi, serait là. Avec nous.

Après avoir dit ça, elle se lève en essuyant ses yeux et essaie de sourire.

— Allez viens! dit-elle. On va ouvrir tes cadeaux!

Pendant qu'elle s'éloigne, je vais lentement vers la fenêtre du salon. La neige tombe toujours, mais beaucoup plus fort.

Mon papa est au ciel... Je comprends maintenant pourquoi il ne revient pas.

Il est sûrement très occupé là-bas!

— Maman ? Tu crois qu'on le reverra un jour?

— Je n'en sais rien, mon chéri. Peut-être... Allez viens!

Je souris. Ma mère n'en est peut être pas sûr, mais moi je sais que je reverrai mon papa très bientôt, et qu'ensemble nous jouerons encore à la bataille d'oreillers.

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