J'ai appris la nouvelle quand j'ai levé les yeux de ma tasse de café chaude et que j'ai vu un immeuble familier sur l'écran de télévision à la salle de pause, un téléscripteur défilant au bas de l'émission pour pomper une chaîne audacieuse de mots accrocheurs avec un horrible sentiment d'urgence. Il ne m'en a fallu que deux pour que mon estomac se retourne, que mon cœur tambourine dans ma poitrine et que je sois saisi d'une sorte d'étourdissement, partagé entre une incrédulité stupéfaite et une terreur indescriptible.
Tireur actif.
–Hey, m'a dit une voix qui semblait provenir de très loin, puis j'ai senti une main se poser sur mon épaule. Ce n'est pas là que ta femme travaille ?
J'aimerais pouvoir dire que le reste est flou, mais je me souviens de tout avec une horrible clarté. Je me souviens du bruit de ma tasse qui s'est brisée sur le sol ; je me souviens comment j'ai agrippé mes clés si fort, alors que je courais vers le garage de stationnement, qu'elles mordaient dans la chair de ma paume comme des dents en métal ; je me souviens du hurlement de colère des Klaxons de voiture et du bruit strident des pneus s'arrêtant pendant que je conduisais avec un manque total de prudence.
Durant tout ce temps, je n'ai pas cessé de l'appeler. J'ai appelé tellement de fois que chaque sonnerie ressemblait à une perceuse qui transperçait mon crâne, mais elle n'a jamais répondu.
Arrivé à son lieu de travail, j'ai été accueilli par le gémissement des sirènes de police et par le flash rouge des lumières d'ambulance.
J'ai vu ses collègues ; certains s'étreignaient, des taches de sang sur leurs vêtements et une expression de choc gravée sur leurs visages alors qu'ils pleuraient, tandis que les autres, les blessés, étaient bandés par des ambulanciers paramédicaux ou emportés sur des brancards.
Mais elle, je ne l'ai pas vue.
Il a fallu quinze ans pour construire notre mariage, et juste une balle pour y mettre fin.
Durant les jours qui ont suivi ses funérailles, lorsque le chagrin est devenu si intense que même les somnifères n'avaient plus aucun effet, j'ai décidé de rendre visite à un de ses collègues qui était encore hospitalisé. Mes raisons étaient égoïstes : j'étais obsédé par ce qu'avaient été les derniers moments de ma femme et je me demandais s'il pouvait me dire quelque chose, quoi que ce soit, qui pourrait répondre aux questions qui me gardaient éveillé la nuit dans un lit maintenant vide et froid.
–On se cachait dans un placard, a-t-il dit dans un murmure, visiblement peiné par chaque mot, son corps s'étant transformé en un labyrinthe de tubes et de gaze. Elle avait plaqué une main sur sa bouche, et moi, je retenais mon souffle en écoutant les pas du tireur aller et venir dans le bureau. Je ne pense pas qu'il savait où nous étions. Finalement, j'ai entendu le bruit d'une poignée de porte qu'on tournait de l'autre côté de la pièce, comme s'il était sur le point de partir, et puis...
–Et puis quoi ?
Sa réponse me hantera jusqu'à la fin de mes jours.
–Son téléphone a sonné.
![](https://img.wattpad.com/cover/121884181-288-k606227.jpg)
VOUS LISEZ
Short Stories Collection
Short StoryVous souhaitez lire une histoire intéressante, intrigante ou encore « effrayante », mais pas trop longue ? Si oui, ce recueil d'histoires courtes est pour vous. Si non, eh bien... y faire un petit tour ne vous fera pas de mal ;)