Chapitre 39

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De retour à la rive près de notre embarcation papa me demande de l'attendre. Il finit par revenir avec un seau et une vieille canne à pêche qui semble avoir beaucoup servie puis s'assoit sur la côte les pieds dans le vide. Je l'imite et l'écoute en silence.

« -La pêche est une activité qui demande beaucoup de patience et de dextérité. Pour commencer tu dois mettre un appât au bout de ta ligne comme ça. Ensuite tu l'envoies bien loin. Ici c'est parfait. Et ensuite tu attends en donnant de temps en temps quelques coups de moulinets pour attirer les poissons. »

Je scrute attentivement chaque étape, me demandant comment des poissons peuvent survivre dans cette eau noire pendant qu'il poursuit.

« -Pendant la pêche le fait de parler ou de bouger fait fuir les poissons. Tu dois faire la statue le plus possible. »

Joignant le geste à la parole il ne pipe mot et ne bouge plus d'un poil. Je prends exemple sur lui les vingts minutes qui suivent, fixant le petit bouchon jaune vif qui flotte sur l'eau, jusqu'à ce qu'il s'enfonce subitement sous la ligne de flottaison tirant au maximum la corde. Mon père réagit au quart de tour et enchaîne entre des moments de relâchement et de lutte contre la proie. Ce n'est que dix minutes plus tard qu'il tire de la mer un gros poisson qui fait environ ma taille.

« -Voilà notre repas de ce soir ! Je vais te montrer comment le cuisiner à présent. Viens. »

Nous retournons sur le navire où il lâche nonchalamment le dîner encore débordant de vie sautant sur place pour essayer de regagner l'océan. Il s'engouffre ensuite dans le bateau avant de revenir avec une petite table en bois pliable et une planche à découper puis ramasse l'animal par la queue pour l'étaler sur la planche avant de lui donner un coup sec de machette dans ce qui pourrait s'apparenter au cou. La tête du poisson, n'étant plus rattachée au corps alors qu'il bondissait, se retrouve propulsée jusqu'au bastingage où elle rebondit mollement, recouvrant au passage le bois de sang. Liquide qui s'échappe aussi du corps du poisson qui est pris d'un dernier soubresaut. Un haut le cœur incontrôlable fait remonter de la bile dans ma bouche. Je la ravale avant de dire.

« -Papa... Je crois que je vais vomir.

-Retiens-toi ! Des animaux tu vas en tuer plein pour survivre. Si tu ne sais pas le faire ce n'est pas la peine que je t'apprenne plus !

-D... D'accord... »

Il me fixe encore quelques instants avant de me faire signe d'approcher pour mieux voir. Il se met à expliquer.

« -Tout d'abord tu dois couper la tête comme je l'ai fait. On ne dirait pas comme ça mais la plupart des poissons sont très fort. Ils pourraient te casser des côtes rien qu'avec un coup de tête. Tu fais une coupe nette. Non seulement ça ne les fera pas souffrir mais en plus ils se débattront moins que si tu te loupes. Ensuite tu dois couper le poisson en deux dans le sens de la longueur. Tu dois bien suivre l'arête. Tu vois bien ce que je fais ?

-Oui...

-Bien. Tu suis l'arête jusqu'à la queue, après tu ouvres l'animal et tu la retires. Ce n'est pas comestible. Tu peux pousser avec ton couteau pour t'aider. N'oublie pas de retirer les organes. Ici tu as les intestins, là l'estomac, le pancréas et ainsi de suite. Inutile de retirer la peau, la viande cuira dessus ça évitera qu'elle ne brûle dans la poêle. Rappelle toi juste que ça ne se mange pas. Tu as des questions ?

-Non...

-Je vais amener notre dîner en bas. Rejoins-moi dès que tu auras fini de nettoyer ce bazar. »

Il rentre à peine dans les entrailles du bateau que je passe ma tête en dehors du bateau pour vomir tout ce que je peux. Une fois la crise de vomissements apaisée je me redresse faiblement et m'approche de la table. Les viscères dérivent lentement dans la rigole de la planche à découper où le sang s'est accumulé. Mon estomac se tord de plus belle, je ravale ma bile en prenant la planche à bout de bras avant de jeter ce qu'il y a dessus à l'eau. Je m'approche par la suite de la tête où mon reflet apparaît dans l'œil globuleux visible. Je recule avant de prendre mon courage à deux mains et de toucher la tête visqueuse puis de m'en emparer pour qu'elle puisse rejoindre les restes déjà éjectés. Une fois la tache accomplie je nettoie le sang avant de rentrer la table et la planche dans le garde-manger où je retrouve mon père, une poêle à la main.

One Piece : La Huitième Grand CorsaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant