Chapitre 37

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Quelques semaines sont passées depuis le départ. Pendant celles-ci nous n'avons accosté sur aucune île, nous contentant d'avancer en ligne droite en ignorant toutes celles passant à notre portée. Je n'ai cependant pas eu le temps de m'ennuyer. Plus les jours passent plus mon père me donne de nouvelles taches et de nouvelles règles à suivre. Je me retrouve à faire ce que fait maman à la maison, la cuisine, la lessive, ce genre de chose. D'ailleurs je sais enfin ce que renferme la pièce à côté de la chambre. Il s'agit d'un garde-manger bien garni, qui sert aussi de débarras, avec une vieille cuisinière. Maman n'y est pas cachée pour me faire une blague. Ça m'a beaucoup déçue sur le coup.

J'apprends aussi à toujours trouver le nord et les rudiments de la navigation, maintenant le cap la nuit grâce à une boussole quand papa dort. D'ailleurs mon sommeil devient de plus en plus irrégulier et léger à cause de lui qui me réveille violemment à n'importe quelle heure, sous prétexte que c'est important de savoir se réveiller vite en cas de danger. Il me fait plus régulièrement ça depuis des jours. Selon la carte maritime qui se trouve sur le bureau c'est parce que nous nous rapprochons de l'île que papa a choisie. Le soir tombe. Je me relève pour aller me coucher, je n'ai pas fini de nettoyer le pont mais tant pis. J'esquisse un geste vers le poste de contrôle lorsque mon père saute du mat pour atterrir juste devant moi.

« -Tu vas prendre la barre cette nuit. Garde le même cap. Si tout va bien nous arriverons demain. Au moindre problème tu hurles.

-D'accord.

-Je veux que tu fasses bien attention. C'est la nouvelle lune ce soir.

-Oui. »

Il se retourne puis s'engouffre dans la chambre en quelques enjambées. Je soupire et me positionne à la barre dans le crépuscule. Je ne dormirai pas cette nuit. La boussole indique toujours le même cap. Ensuite je fixe la trappe, plongée dans mes pensées. Je me demande si l'homme avec qui je suis est vraiment mon père. Il a toujours cet air vide, à part dans de rare cas où il parle du voyage. Il m'interdit de parler de maman, de mes amis ou encore de l'île d'où nous venons. Peut-être qu'il est juste triste d'être parti pour me faire un cadeau. Le sujet est si sensible que si j'ai le malheur de les mentionner je me prends une correction qui me fait dormir pendant des heures. C'est cela aussi qui me fait douter de lui. Mon papa me m'a jamais frappée. Pas même une claque comme j'ai déjà vu la mère de Darrante lui mettre. L'homme ici me frappe souvent pour des raisons parfois obscures. Je n'ose même plus le regarder dans les yeux. Je ne peux pas m'opposer à lui. Nous sommes loin de tout, je ne sais même pas si je pourrai rentrer seule...

Pendant que je réfléchis la nuit tombe et comme j'avais été prévenue l'obscurité m'englobe. Je pourrais croire que je suis devenue aveugle. J'allume une lampe à huile qui se trouve à mes côtés pour pouvoir observer la boussole. Je garde mes sens en éveil, à l'affût du moindre bruit suspect. Nous n'avons jamais croisé d'autres bateaux mais il est possible de tomber sur des pirates. Papa m'a dit qu'il y en a toujours sur les mers depuis que le Roi des Pirates a été exécuté en lançant une grande vague de piraterie. La nuit passe lentement, le temps ne change pas, restant au beau fixe. La seule chose qui m'inquiète est la fumée noire que je devine et qui s'élève au loin depuis des jours. Les heures passent et se ressemblent jusqu'à ce que mon père sorte aux premières lueurs de l'aube. Il s'étire en demandant.

« -Tout s'est bien passé ? Tu n'as pas dévié ?

-J'ai continué en ligne droite comme tu me l'as demandé. La nuit a été calme. Par contre il y a beaucoup de fumée devant. »

Il se tourne vers l'horizon, où le gris et le noir ont pris la place du bleu et du blanc. Un immense sourire s'installe sur son visage.

« -Parfait. On va bientôt arriver. Va préparer le sac comme je t'ai expliqué. »

One Piece : La Huitième Grand CorsaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant