1 Kiara

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Mon chauffeur s'impatiente en se tournant une fois de plus vers moi, ma main est sur la poignée depuis cinq minutes mais je n'arrive pas à descendre. Je suis stressée, pas à cause de son impatience ou de ses regards d'irritations mais à cause de tous ses souvenirs. Cette boule dans ma gorge et toute cette douleur qui m'alimente, les regrets qui ne me quittent pas.

Je dois descendre, maintenant je suis plus forte, j'y arriverai, je n'ai pas passé trois mois de thérapie pour rien. Je vais bien réussir à ouvrir cette porte !

Le portail est ouvert, je me demande si il m'a vu arriver ? Sûrement, sa belle voiture de luxe est garée à côté d'une décapotable rouge, flambant neuve. Qui d'autre est là ? Anita vient à pied et elle n'a pas les moyens pour se permettre ce luxe, même si son salaire est plus que correct.

Rien que de voir ces deux voitures j'ai envie de vomir, mon ventre se tord. Je les déteste. Je déteste les voitures.

J'actionne la poignée sous son soupire, c'est quoi son problème ? Il a été payé et avec un beau pourboire. Il ne se rend pas compte à quel point c'est difficile pour moi.

Revenir ici est un soulagement et en même temps une angoisse qui me ronge jusqu'à l'âme.

Je dois vivre avec, dit mon psychologue, accepter et me pardonner mais je n'y arrive pas.

J'ai à peine refermé la porte, ma valise n'a même pas encore touchée le bitume dans l'allée qu'il démarre dans un grand dérapage. Je lui fais un beau doigt d'honneur avant de me retourner vers cette maison, ma maison. Je serre de toutes mes forces la poignée de ma valise, j'ai promis de ne pas pleurer, je repousse mes larmes en inspirant profondément et j'avance.

À chaque pas mon cœur se brise, rien n'a changé, même si je suis de retour, qu'il m'a manqué, je suis seule. Cette solitude je la mérite, ainsi que la douleur, je n'ai pas le droit d'être heureuse, je me l'interdis.

— Kiara !

J'essaye de faire un beau sourire rassurant quand la porte s'ouvre sur mon père. Il a l'air toujours aussi pressé, il déverrouille sa voiture au loin en me rejoignant.

— Salut papa.

Il est à peine sept heures trente qu'il est déjà en retard, avec son costume gris foncé et sa cravate rouge qui coûtent une blinde. Il vit pour son travail, qui lui prend énormément de temps. Je dirais qu'il rentrera vers deux heures du matin, comme toujours. J'ai envie de le prendre dans mes bras, de me sentir aimée, je veux être importante pour lui, plus que son travail.

— Comment tu te sens ? Ça a été la route.

Je hoche simplement la tête, il est en retard et occupé, j'ai l'habitude de passer en dernière. Il m'examine de haut en bas avant d'ouvrir sa portière arrière pour déposer sa mallette. Son téléphone sonne, encore, ça aussi j'ai l'habitude. Il se dépêche de mettre son oreillette. Il demande à sa secrétaire de lui donner une minute quand j'ouvre la bouche pour parler.

— Qui est là ? demandé-je en lui désignant la deuxième voiture.

— C'est pour toi Kiara. Demain tu commences les cours. Il te faut une nouvelle voiture.

Quoi ?! La panique monte, je tremble de partout, je ne veux pas conduire, il le sait.

— Papa, elle est magnifique mais je ne peux pas. Tu sais que j'ai peur.

— Elle est maniable, elle tient parfaitement la route, elle est neuve. Je ne peux pas te déposer tous les matins, je suis sûr une affaire importante.

Comme toujours, j'entends ça depuis des années. Je crois même que ma première phrase était « J'ai pas le temps »

— Mais papa...

BRISÉE Où les histoires vivent. Découvrez maintenant