0 | Prologue

341 13 8
                                    





Une société a besoin de monstres sans morale

pour définir ce qu'est le bien et ce que représente le juste.







J- 80

18h00

Quelque part près de Palerme





Au loin, le clocher sonna six heures. L'heure des morts.

Un observateur extérieur n'aurait pas pu discerner ce que la soirée, là-bas, en contrebas de la colline, cachait jalousement en son sein. Il aurait aisément été capable de repérer les visages les plus connus du gratin italien mais il n'aurait pas eu la possibilité de se douter du jeu de dupes qui se tramait. Dans la résonance du clocher de la Santa Maria, toute cette agitation ressemblait simplement à une fête beaucoup trop luxueuse pour être amusante.

C'était plutôt comme une foule de curieux rassemblés au pied d'une crypte sinistre, presque agglutinés autour d'un spectacle macabre dont ils ne pouvaient détacher les yeux. Sans surprise, les invités avaient tous répondu présents : ils n'auraient raté l'évènement de l'année pour rien au monde.

On avait rarement vu autant de sourires le jour d'un enterrement.

Il y avait bien quelques mines tristes dans l'assistance mais la majorité des invités plaisantait à s'en tordre le ventre, buvait à en être saouls et espérait bien que tout ce cinéma allait vite prendre fin. Jamais ils ne leur serait venu à l'esprit de pleurer la mort de ces quelques criminels qui s'étaient finalement révélés plus embêtant qu'utiles. La veille, ils auraient pu ramper aux pieds des malheureux pour implorer rien qu'une miette de leur attention mais maintenant, ils passaient de table en table, l'air tranquille et supérieur, champagne à la main et plaisanteries au bout de la langue. C'était amusant de constater que l'admiration et l'intérêt avaient si vite fait la place à l'ennui et l'indifférence.





Il y avait trois cercueils sur l'estrade en bois montée pour l'occasion et trois portraits en noir et blanc qui dépeignaient les traits de ces malchanceux dont personne ne déplorait la perte.

Le premier, bien sûr, était celui du grand Donato Grimaldi, le Lion qui ne mugirait plus. Le jour de sa mort, les informations locales n'avaient été bonnes qu'à relayer les plus beaux faits de l'homme, ses donations dans les grands musées du pays et ses chèques pour la paix dans le monde. Personne n'avait jugé bon de rappeler que c'était sûrement l'un des monstres les plus corrompus de son époque et qu'il était mort comme il avait vécu : au milieu de gens qui le haïssaient plus que tout.

Pour beaucoup, la bombe qui avait fait exploser le riche Sicilien était une bénédiction. Il Leone était bien moins dangereux maintenant qu'il était six pieds sous terre et tout le monde savait que les affaires seraient drôlement plus florissantes désormais que le vieil homme n'était plus. Ce cercueil en pin sombre était la promesse d'une vie meilleure pour tous les hommes d'affaires réunis près de l'estrade.

Ils ignoraient encore que l'enfer ne faisait que commencer.

Le second, sans grande surprise, était celui de la belle Rosalia Spinam, la Rose qui avait fané trop vite. S'ils avaient été stupéfaits d'apprendre que la belle blonde qui avait fait la une des journaux quelques semaines plus tôt n'était déjà plus qu'un souvenir lointain, ils respiraient tous bien mieux depuis que l'engeance de l'Épine n'était plus. Rosalia, à leurs yeux, n'avait été qu'un rappel douloureux de tout ce qu'il avait perdu lorsqu'Alberto Spinam était le roi du monde.

ANAIDÉIA | LES ROSES DE ROME T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant