50 | Les crimes de mon père

21 7 0
                                    

ROSALIA

J- 22

20h18

Clinique privée de la Pietà Divina, Rome, Italie

        

La peur est une amie étrange.

Quand les gens me regardent, ils pensent que je ne sais rien d'elle mais ils se trompent. Je connais le moindre de ses tours, le secret de toutes ses manigances et la férocité insupportable de ses crocs.

J'ai voulu mourir parce que j'étais terrifiée à l'idée de rompre la promesse que je m'étais faite plus jeune. J'ai pris cette balle à sa place parce que je suis terrifiée à l'idée de voir Hayden mourir sous mes yeux et je me suis battue pour survivre parce que je suis terrifiée à l'idée de les perdre tous, eux, mes amis, ma famille qui s'est battue pour me montrer que parfois, le soleil passe à travers les nuages, aussi sombres soient-ils.

La peur est l'adrénaline le plus puissante que vous ne ressentirez jamais. Elle nous prend aux tripes et s'accroche, s'accroche jusqu'à ne faire plus qu'un avec le cœur pourri qui l'accueille. Anton Melkinov ne le comprends pas, mais ce sont ceux qui ont peur qui font les monstres les plus dangereux et les plus imprévisibles. C'est cela qu'il lui manque pour devenir l'homme le plus puissant du monde, le genre d'homme dont l'évocation du simple nom suffit à faire trembler une foule entière.

Moi, je suis terrifiée par l'arme qu'il pointe sur moi, par le regard froid qui l'habite et par le serment que je lis sur son sourire, celui qu'il va me tuer et que je n'aurais pas le force de me défendre. Sauf que j'ai tellement peur que je ne montre rien car je sais pertinemment, que c'est ce qu'il attend. Il veut me voir vaciller de mon piédestal et ramper à ses pieds pour implorer sa pitié. Il n'attends que ça, que je chute, que je révèle que de nous deux, c'est lui qui a toujours été le plus puissant.

Il a oublié qu'une Spinam ne s'agenouille jamais.

— Comme au bon vieux temps, souffle-t-il. Je crois que tu connais bien les règles.

Le cliquetis de son revolver est un sanglant présage de ce qui m'attend. Anton me dévisage comme si j'étais une brebis égarée, une créature si faible qu'il suffit d'un coup de pied pour m'envoyer au tapis. Il est persuadé que je suis vulnérable parce que mon cœur vibre contre ma blessure et me fait vivre un enfer sans nom. Dans ses yeux défigurés par la haine, je lis tout ce qu'il ne dit pas, tous les mots qu'il refuse de me dire pour ne pas passer pour le petit garçon détruit par la mort prématurée de sa mère qu'il est pourtant.

Mon père ne me laissera donc jamais tranquille. J'ai tout fait pour lui, essuyer le sang de ses crimes sous ses pieds et mener la vengeance qu'il n'a jamais eu le courage de conduire lui-même mais ça ne sera jamais suffisant pour qu'il disparaisse. Toute ma vie et durant toute ma mort, je serais confronté à ses ennemis qui croient que c'est juste de me faire payer les crimes de mon père. Je suis sans doute mal placée pour tenir ce genre de propos mais comment peut-il me regarder et croire que c'est moi, que c'est de ma faute si mon incapable de père a eu la lubie, un matin en se réveillant, de tuer sa mère dans un jeu morbide ?

Ce fut l'un des derniers secrets de mon père, l'un de ceux qu'il a voulu me révéler avant que je ne lui fasse sauter le crâne. À cette époque, j'aurais presque pu croire qu'il m'aimait, que j'étais plus qu'un pantin entre ses mains sales. Il m'a fait venir dans son bureau et m'a raconté toute l'histoire de la chute de la maison Melkinov. Il m'a dit comment Donato et lui avait tué la femme d'un ambassadeur russe et m'a décrit les cris de détresse de son mari quand il a découvert le corps sans vie de sa femme, les larmes de son fils à peine plus vieux que moi et le spectacle macabre du sang pourpre qui se glissait sur les dalles de marbre dans une grâce presque divine.

ANAIDÉIA | LES ROSES DE ROME T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant