J- J
15h45
Vernazza, Italie
Dans ce petit village de la campagne italienne, on avait rarement vu un mariage aussi bref. Le maire avait à peine eu le temps de prononcer le nom des deux époux, Mattia et Sofia, que le marié attrapait la taille de sa femme, la faisait basculer en arrière et l'embrassait sous les hourras de leurs amis.
Les témoins étaient peu nombreux, rien qu'une poignée de jeunes gens bien habillés aux sourires contagieux. Ils applaudirent comme si une foule en délire se cachait entre les quatres murs étriqués de la mairie.
Une minute à peine après avoir signé le resgiste, la joyeuse troupe s'enfuyait dans les rues du village, leurs talons claquants sur les pavés mal enfoncés des ruelles alambiquées.
Il fait beau, trop chaud, le soleil commençait à peine à décliner à l'horizon et les touristes étaient rentrés chez eux depuis plusieurs mois maintenant. Alexander leva la tête et ferma les yeux pour profiter de la chaleur des rayons du soleil sur son visage mais Cece, qui lui tenait fermement la main, le tira en avant et il reprit sa course effrénée pour monter sur les hauteurs de la ville.
Sa femme, sa belle Sofia, était éblouissante dans sa robe blanche, comme un ange tout droit tombé du ciel.
Emilio, Julia, Caleb, Hayden et Rosalia étaient derrière eux et les rejoignirent rapidement en haut de la colline qui dominait le vallon. Des éclats de rire fusaient de toutes parts, entrecoupés seulement des blagues désastreuses d'Emi et des sourires tacites des jeunes mariés. C'était un jour fabuleux, le plus beau de tous, et alors que tout le groupe prenait enfin le temps d'observer le paysage, la mer au loin et les maisons colorés sur la falaise, Alexander et Cece comprirent que c'était ça le vrai bonheur – ou en tout cas le seul qui comptait vraiment. Ils s'embrassèrent une nouvelle fois, sous les plaintes de Julia qui ne voulait pas voir ça et de Caleb qui riait de voir ses amis aussi romantiques.
Hayden tenait la main de Rose dans la sienne et souriait de toutes ses dents. Emilio tenait celle de Julia et la regardait si tendrement que la blonde dû lui rappeler plusieurs fois que s'il la demandait en mariage maintenant elle lui dirait non et lui flanquerait un coup de poing en pleine tête. Caleb, loin de se sentir exclu de la vague d'amour qui surplombait leur petit cortège, se sentait en paix avec lui-même.
Jamais de leurs vies, ils n'avaient été aussi heureux.
Ils se sentaient légers, les cheveux au vent, le visage offert au ciel. Ils étaient devenus des oiseaux, des êtres libres d'atteindre les plus hauts sommets, indomptables, imprévisibles. On entendait leurs cris jusque dans le fin fond du village mais personne ne pouvait les voir. Ils étaient des ombres parmi les ombres, des créatures insaisissables qui avaient défié le temps pour s'offrir une nouvelle vie, loin du chaos de la précédente.
Un jour sans doute, ils paieraient le prix de leur insouciance mais pour l'instant, ils étaient simplement heureux d'avoir sauté ensemble dans le vide. Le reste viendrait, la peur de se perdre, celle de ne jamais retrouver la surface, de devenir un monstre ou de ne plus faire la différence entre le bien et le mal, mais à cet instant précis, en haut de la colline du village de pêcheur, ils étaient simplement les rois du monde.
Une heure plus tard, le groupe disait au revoir aux jeunes mariés. Au volant d'une voiture vintage dénichée par Hayden, Cece adressa à tous ses amis un signe bref et disparut en trombe sur les routes du village, pressée de profiter de sa lune de miel avec le roux fou de joie qui embrassait ses mains à chaque occasion.
Les trois compères, les inséparables Julia, Emilio et Caleb, sautèrent ensuite dans un taxi pour retrouver le calme leur nouvelle maison, une villa construite au fond d'une allée de pins centenaires, au vignoble millésimé, nouveau quartier général des Roses de Rome. Ils avaient promis d'avancer sur le cas épineux de la National Gallery, dans lequel se cachait l'un des tableaux préférés de leur patronne.
Hayden et Rose, eux, n'étaient pas pressés de les rejoindre. Le blond entraîna sa compagne dans les dédales du village, l'obligea à prendre un verre avec elle à la terrasse d'un café et à tremper ses pieds dans l'eau de la mer. Ce jour-là, Rosalia ria de tout son cœur, incapable de contenir sa joie et d'afficher son sempiternel regard mystérieux. Elle sauta dans les bras d'Hayden sur la plage, l'embrassa lorsqu'il sirota sa limonade et courut plus vite que lui dans les escaliers qui menaient sur les hauteurs de la ville.
Épuisés, le couple finit néanmoins par rejoindre leur voiture. Hayden ouvrit la portière passager, laissa Rose s'installer puis se dépêcha de rejoindre le siège conducteur. Avant de faire tourner la clé pour démarrer le moteur, il se tourna vers la femme à côté de lui et lui offrit un sourire qui fit fondre le cœur de pierre de la plus belle rose de Rome.
— On recommences tout ? demande-t-il.
Elle secoua la tête mais ses lèvres étaient le reflet d'un bonheur sans faille, le souvenir bref de la jeune femme qu'elle aurait pu devenir si elle n'aimait pas tant la violence.
— Non. Mais on écrit une histoire plus douce, plus simple, répondit-elle sur le même ton.
Hayden la regarda et oublia le temps d'un instant que c'était la femme la plus dangereuse de tout le pays.
— Du genre « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants ?
Son sourire carnassier le ramena bien vite sur le droit chemin. Devant lui, il n'aurait jamais une épouse douce et conciliante, non. Il aurait le droit à une femme tempétueuse, une intrépide combattante qui se lancerait corps et âme dans chaque guerre qui se présenterait, une messagère de la justice qui ne reculerait devant rien ni personne et à son constat, il l'aima encore un peu plus.
— Plutôt du genre « Il y a un Degas à Pragues que j'aimerais beaucoup voler alors accélère avant que nous ayons la police aux trousses »
Il enfonça la pédale d'accélérateur et la voiture vrombit quand elle s'élança sur la route.
Au loin, le clocher sonna six heures.
L'heure des morts.
FIN.
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ANAIDÉIA | LES ROSES DE ROME T.2
Action↪ ceci est le second tome de la duologie : il est nécessaire d'avoir lu NÉMÉSIS pour comprendre ANAIDÉIA ❀ Rome, Italie Ils étaient derrière vous mais vous ne les avez pas vus. Ils vous ont tout dit et pourtant, vous n'aviez pas compris. Vous n'ave...