CECILIA
J- 32
14h45
En face de l'hôpital clandestin, Montreuil, France
Rosalia est inconsciente depuis plusieurs jours.
Je remonte la couverture élimée sur mes pieds et redresse les jumelles contre mes yeux. De l'autre côté de la rue, la fenêtre de la chambre de Rose est abandonnée. Julia est partie il y a dix minutes donc je ne vois rien d'autre que le rideau d'un gris impersonnel qui se balance au gré du vent. Une porte claque derrière moi et je discerne du coin de l'œil la silhouette de Caleb mais le brun ne s'arrête pas à ma hauteur et vaque à ses occupations sans se soucier de moi.
Je ne sais pas où sont partis les autres. En dehors du brun et de Thomas retenu prisonnier dans la petite chambre au fond du couloir, le salon est désert. Nous avons loué l'appartement en dernière minute, à un propriétaire habitué aux clients discrets du cabinet médical d'en face. Un courant d'air traverse la pièce d'est en ouest mais c'est la seule chose que nous avons pu trouver aussi près de la chambre dans laquelle Rose tente de survivre.
Les médecins ont dit qu'elle allait s'en sortir et je me rappelle de la bouffée de soulagement que la nouvelle a provoqué en moi. Nous avons passé la première nuit à retenir notre souffle, persuadé que c'était la fin mais il faut croire que l'intervention de Caleb lui a sauvé la vie ou, tout du moins, a retardé l'échéance.
Le docteur Caligari – un nom de code bien sûr – a lui aussi quitté la chambre il y a un moment donc je ne sais pas bien ce que je suis censée observer mais dans un sens, avoir choisi ce rôle me donne tout le loisir de réfléchir à la situation sans avoir à affronter les yeux embués de larmes d'Hayden.
Thomas a eu raison de dire qu'ils ne poseraient pas de question. Je ne veux pas savoir comment il a eu vent de l'existence d'un tel établissement mais le fait est qu'ils n'ont demandés ni nos noms ni un quelconque document d'identité. Ils se sont contentés d'une liasse de billets froissées et d'un serment de silence pour emmener Rose dans un cabinet mal éclairé où ils ont sortis la balle de son corps.
Le Français est resté en retrait tout le temps de l'opération. Alexander a bataillé avec Hayden pour l'empêcher de l'étriper sur place mais dans l'ensemble, on pouvait entendre le vent souffler tellement nous étions silencieux. La peur nous tenaillait le ventre et l'ambiance lugubre de l'hôpital clandestin n'arrangeait pas les choses.
Un nouveau frisson me parcoure le dos et je referme mon gilet contre ma poitrine pour me protéger du vent qui souffle par la fenêtre. Je n'ai pas vu revenir Caleb dans la pièce principale donc je sursaute et manque de faire tomber les jumelles par terre quand il allume la télévision. Nous échangeons un coup d'œil rapide mais aucun de nous deux n'a la force d'avoir une discussion alors nous reprenons bien vite nos occupations.
Des voix indistinctes se mettent à résonner dans l'appartement tandis que Caleb zappe pour trouver une chaîne dans une langue qu'il pourrait comprendre. Je reprends ma surveillance mais le monde de l'hôpital est résolument immobile. Ce que je fais est peut-être inutile mais surveiller sa chambre me donne l'impression de veiller sur elle.
— Le son te dérange ? me demande Cal.
— Non.
Je tends l'oreille quand il finit par trouver une chaîne d'information diffusée en anglais. Depuis deux jours, les journalistes ne parlent plus que notre coup d'éclat mais la victoire n'a pas le goût attendu. Dans le coin de la pièce, deux tableaux prestigieux sont entassés mais c'est à peine si nous leur avons jeté un coup d'œil depuis que nous les avons déposé là.
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ANAIDÉIA | LES ROSES DE ROME T.2
Action↪ ceci est le second tome de la duologie : il est nécessaire d'avoir lu NÉMÉSIS pour comprendre ANAIDÉIA ❀ Rome, Italie Ils étaient derrière vous mais vous ne les avez pas vus. Ils vous ont tout dit et pourtant, vous n'aviez pas compris. Vous n'ave...