48 | Le théâtre des marionnettes

15 7 0
                                    

THOMAS

J- 31

23h57

En face de l'hôpital clandestin, Montreuil, France

         

Il n'y a qu'une seule pensée qui m'obsède depuis le début de ma captivité : s'ils me tuent, je ne reverrai jamais ma sœur. Prononcer son nom a fait sauter la digue que j'avais érigée dans mon esprit pour me préserver de mes démons mais désormais, ils se font une joie de me rappeler qu'elle est retenue captive dans une prison glacée et que je ne peux rien faire d'autre qu'espérer la voir une dernière fois.

Le temps passe vite quand on a mille pensées à ressasser. Julia est la seule à oser rentrer dans la pièce où ils m'ont jetés pour me nourrir mais j'entends leurs voix derrière la porte fermée à double tour. Plusieurs soirs, j'ai cru mon heure venue en remarquant l'ombre inquiétante de deux pieds à travers l'interstice mais Hayden a plus de maîtrise de lui-même que je ne l'ai cru le soir où je lui ai tiré dessus.

Il me détesterait encore plus s'il savait que je ne regrette pas mon geste. Je l'ai fait pour ma sœur, parce que l'homme qui l'a enlevé me l'a demandé, et si c'était à refaire, je recommencerai sans hésiter. Ils ne le comprennent sans doute pas mais le choix à faire entre une bande d'inconnus et ma sœur, la seule famille qu'il me reste, a été d'une facilité déconcertante.

Je ne dis pas que c'est juste mais je les avais prévenu.

Il y avait un prix à payer pour m'avoir à leurs côtés et dans un sens, c'est aussi de leur faute de m'avoir cru assez docile pour devenir leur ami, eux qui ont menacé de me détruire pour me recruter. Et puis, ils sont simplement arrivés trop tard. Avant eux, un autre homme avait déjà usé du même stratagème.

Depuis des mois, je me creuse le cerveau pour savoir comme il a fait, comment il a pu trouver le nom de ma sœur et l'enlever sous mes yeux, alors même que je me terrais dans ma cave sordide pour des conneries sans nom. Il a pris ma sœur et m'a obligé à devenir un monstre à mon tour. Il a dit que c'était le seul moyen de la retrouver en vie et j'ai passé tellement de jours à me répéter ça en boucle que la dernière proposition de Rose a sonné faux à mes oreilles. Il n'y avait pas d'autre moyen de la sauver.

Je devais tuer Hayden Wolff pour la deuxième fois et il me rendrait ma sœur, c'était ça le deal. Sauf que je n'ai pas réussi. Le prince anglais est en vie, Rose se débat dans les griffes de la mort et moi, je suis condamné à une fin terrible sous les mains de ces amis que j'ai trompé.

Le désespoir va leur faire faire des choses terribles, je le sais mieux que quiconque.

Je me souviens de la peur que j'ai ressenti en levant l'arme vers le cœur d'Hayden mais depuis ce soir au Louvres, je n'arrive plus à demander pardon. J'ai été terrifié, sincèrement terrifié par Rosalia et la promesse de sa vengeance, si bien que j'ai oublié que la peur, la véritable peur nichée au fond de mes entrailles, c'était celle de ne jamais pouvoir entendre le rire de Camélia une nouvelle fois.

Ils m'ont jeté dans une chambre froide et mal éclairée pour m'obliger à craquer mais ils se trompent s'ils pensent que leur technique peut fonctionner. Je n'ai plus peur d'eux aujourd'hui car j'ai vu leur visage déboussolés, goûté leurs larmes et entendu leurs cris de détresse. Ils sont comme moi, rien que des humains qui pensent que la colère et la violence sont suffisants pour les préserver de la souffrance.

Je me suis trompé, moi aussi, en pensant que devenir comme eux aurait été la solution. Quand je les ai rencontré, quand j'ai cru que Caleb pouvait m'aider à faire rendre les choses plus douces, je me suis dit qu'il existait peut-être un monde où ils m'enseigneraient la manière de tuer un homme sans trembler. Je me suis dit qu'une fois que ma terrible mission serait achevé, je prendrai le premier train pour la Russie et je l'abattrai de mes propres mains.

ANAIDÉIA | LES ROSES DE ROME T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant