52 | Peinture écaillée

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ALEXANDER

J- 15

01h34

Au bord du Tibre, Rome, Italie

         

Je ne sais pas comment lui annoncer alors je baisse la tête et tente de comprendre les mots inscrits sur les pages de mon magazine. Je toussote mais elle ne sourcille pas et continue sa propre lecture. Du coin de l'œil, je l'épie pour tenter de déterminer le meilleur moment pour aborder le sujet.

Elle va beaucoup mieux désormais. Sa confrontation avec Anton Melkinov a accéléré sa guérison. Plongée dans la lecture d'un traité sur l'art néerlandais au XVIIème siècle, c'est à peine si elle a conscience de ma présence sur le fauteuil à côté du sien.

Cece m'a conseillé de ne pas y aller par quatre chemins, de foncer tête baissée et de ne m'arrêter de parler sous aucun prétexte mais elle fait sans doute partie de la congrégation des rebelles donc j'ai du mal à me fier à son jugement. Un sourire et un baiser ont su me faire taire sur le moment mais je leur en veux parce que Thomas était à Rose. C'était à elle de décider de son sort, pas à une poignée d'amis trop généreux pour en vouloir vraiment à l'homme qui a failli la tuer.

Anton a reçu le sort que mérite les traîtres et Thomas aurait dû bénéficier du même traitement. C'était mon ami alors bien sûr qu'au fond, je comprends leur geste mais ils n'avaient pas le droit de la priver de sa vengeance. Elle a navigué entre la vie et la mort pendant plusieurs jours et maintenant qu'elle est hors de danger, je ne sais pas comment lui expliquer qu'encore une fois, la situation m'a échappé des mains.

Nous avons failli la perdre quand elle a affronté le Russe et même si elle refuse d'en dire un mot et d'expliquer quoi que ce soit à quiconque, je vois dans ses yeux gris que son geste lui en a coûté. Trop occupé à traquer l'un des sbires de l'oligarque dans les dédales de la villa Mercurio, nous avons oublié qu'un tableau ne serait jamais aussi précieux que Rose.

Mon cœur n'est pas assez accroché pour suivre la cadence des évènements, pour s'habituer au frisson de peur qui me parcoure le dos quand j'apprends qu'elle est toujours en d anger. Je ne sais pas d'où me vient cet élan de protection fraternel mais ça demande plus de force et de courage que je n'en possède.

J'ai pensé que lui dire la vérité serait plus simple que recoudre ses plaies ensanglantées mais je me suis trompé. J'avise une nouvelle fois son visage par-dessus le bord de mon journal mais elle ne me regarde toujours pas et moi, je suis muet comme une carpe. Je n'ai pas envie de subir son courroux, de me manger ses insultes et d'entendre que je suis un bien mauvais second – ce qui, pour être honnête, n'est pas tout à fait faux.

— Bon, qu'est-ce que tu veux à la fin ?

Rose ferme son livre d'un coup sec et je manque de faire tomber mon magazine quand sa voix me tire de mes pensées. Je déglutis derrière les pages de mon journal et rassemble mon courage pour l'affronter. Délicatement, je replis ma revue et lève les yeux vers les siens qui me scrutent avec un ennui mal dissimulé. Je suis incapable de prédire sa réaction.

— On va pas y passer la journée, Alex. Dis-moi ce que tu as à me dire et c'est tout.

Je prends une grande inspiration tandis qu'elle lève les yeux au ciel. Elle est bien sympathique mais ce n'est pas elle qui tient une bombe à retardement entre ses mains. Elle va me zigouiller sur place quand elle saura que nous avons laissé son assassin filer.

Bon sang Cece, je te hais presque autant que je t'aime !

— Il est parti, cédé-je.

— Qui ça ? Qui est « il » ?

ANAIDÉIA | LES ROSES DE ROME T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant