51 | Aux fantômes du passé

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CALEB

J- 21

01h34

Au bord du Tibre, Rome, Italie

      

Je regarde le corps déchiqueté d'Anton Melkinov disparaître dans les remous du Tibre. La nuit est douce donc je ne tremble pas, assis sur les berges du fleuve, essoufflé d'avoir dû trainer le corps d'un homme de quatre-vingt kilos dans les ruelles les plus sombres de la capitale. Je fouille dans mes poches à la recherche d'une cigarette mais le paquet que j'ai volé au cadavre qui se noie près de moi est vide. Je souffle et lève les yeux pour essayer d'apercevoir les étoiles mais la pollution lumineuse de la ville gâche tout et je ne vois rien d'autre qu'un ciel noir.

Cette fois encore, on a bien merdé. C'est certainement notre marque de fabrique quand on y pense.

Rome est silencieuse ce soir. Seul le clapotis de l'eau à mes pieds me rappellent que je suis bien vivant, que tout ça est bien réel. Je devrais être en colère contre moi-même de n'avoir pas pris mon tour de garde comme convenu mais en fait, je suis simplement soulagé que tout ça soit fini. Je ne sais pas comment elle l'a tué, je me moque des détails car tout ce qui compte c'est qu'elle en vie, que nous soyons tous en vie et qu'enfin, après tant d'années à courir après, nous allons avoir le droit à notre happy end.

Je contemple la lune et je me demande si, là où il est, Thomas la regarde aussi. Cecilia a eu tort de me dire qu'il valait mieux attendre mais je ne lui en veux pas. J'ai ressenti la même colère qu'elle quand on m'a raconté que c'est Thomas qui avait tiré sur Rose. J'ai vu ce qu'il manigançait trop tard et je n'ai pas été la hauteur. Encore une fois, j'ai mis ma famille en danger parce que je voulais croire aussi dur que fer que c'était un homme bien. Et, au final, sans doute que c'en est un.

Je ne me dépêche pas de rentrer. Comme cette après-midi-là près de la Tour Eiffel, je réalise que j'ai besoin de calme avant de foncer droit dans la tempête. Avec un petit sourire, j'imagine déjà les cris d'Alex quand il va découvrir ce que Rose a dû affronter et les insultes de Julia quand elle saura que c'est à elle de nettoyer la chambre avant que les infirmiers, au matin, ne reviennent. Je ne suis pas encore prêt à soutenir le regard vide d'Hayden qui ne réalise pas bien qu'elle a survécu, ni celui d'Emilio qui me dévisage comme si c'est moi qui devait déterminer ce que nous allions devenir.

En fait, je n'ai pas non plus la force d'affronter ce que je ressens. J'ai l'impression d'être un monstre si j'ose dire aux autres que je ne me suis jamais senti aussi bien que maintenant. Je n'ai jamais ressenti une telle tranquillité d'esprit, un tel calme dans ma tête et une telle paix dans mon âme. Alors qu'ils sont tous sur les nerfs et anxieux à la moindre parole de ses docteurs, moi je vais bien.

Même ce soir-là, je n'ai pas réussi à avoir peur. Rose ne peut pas mourir, c'est un fait clairement établi maintenant : c'est un fantôme trop coriace pour que quiconque ait raison d'elle. Alors, je n'ai pas pleuré comme les autres dans la voiture qui nous conduisait dans la banlieue parisienne parce que je savais déjà au fond de moi que c'était une question de jours avant qu'elle se réveille.

Après tout le mal qu'elle nous a fait, c'est la moindre des choses de sa part de se battre pour survivre.

Maintenant, c'est à nous d'écrire l'histoire. Nous sautons dans le vide avec le sourire aux lèvres. Toute notre vie, nous avons poursuivis des chimères, pourchassés des monstres pour rendre le monde meilleur mais c'est enfin à notre tour de profiter. Le monde doit nous rendre ce que nous lui avons donner et il le fera.

Plus personne ne viendra plus jamais nous mettre de bâtons dans les roues. Plus personne n'osera se mettre en travers de notre route. Plus personne n'osera me dire que je suis rien, que je ne vaux rien, que je ne trouverai jamais ma place nulle part.

ANAIDÉIA | LES ROSES DE ROME T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant