Chapitre 9 : Lake

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Je me suis toujours juré de ne jamais rien faire d'illégal, à la suite de ma fuite de chez mes parents. Je ne voulais pas leur ressembler. Pourtant, aujourd'hui, je marchais tranquillement dans les rues de la Nouvelle-Orléans en proposant des curriculum vitae, totalement faux. Je partais du principe où je n'avais pas le choix. Il me fallait une nouvelle identité. Cependant, l'excuse n'apaisait pas la petite voix qui me hurlait que je prenais la même direction que mon père.

Après mon arrivée dans la ville, cinq jours plus tôt, j'avais postulé auprès de plusieurs entreprises mais chacune d'elles était sur le point de déposer le bilan et n'avait pas les moyens de payer un employer. Par crainte, je n'osais pas côtoyer les quartiers plus valoriser. Malgré les documents dans mon sac, je voulais continuer à me faire petite.

J'avais un dernier entretien auprès d'un service administratif. Cela était l'entretien que j'attendais, et mon dernier espoir, avant de prendre des risques que je m'échinais à éviter depuis si longtemps. Je n'aurais certainement pas le choix. À défaut, je serais contrainte à reprendre la vie que je menais, dans la rue.

Ils avaient très vite accepté de me recevoir, lorsque je m'étais rendu à leur bureau, la veille. Il semblerait avoir pénurie, dans ce petit bout de la ville, défavoriser, d'assistante sociale. Ils étaient débordés et avaient besoin d'aide, m'expliquant que le poste intéressait pas. J'avais compris que l'endroit où il y avait le plus besoin d'aide, les étudiants favorisaient les beaux quartiers. Cela n'avait pas de sens, à mon avis. Je n'étais pas habilité à exercer cette profession et, si rien ne venait me mettre des bâtons dans les roues, j'allais devoir apprendre sur le tas sans attirer l'attention sur mon inexpérience.

Je m'arrêtais devant le bâtiment de deux étages vétuste. Le moment était arrivée de me prouver que je pouvais intégrer la société d'une manière normalisée. Entrée dans un quotidien que j'exécrais autant que la vie que me proposait mon père était loin d'être réjouissant mais je ne pouvais pas continuer éternellement à vivre comme une nomade. J'étais jeune mais je ne le serai pas continuellement. Je ne serais, donc, pas toujours en capacité de faire face aux épreuves de la vie dans ces circonstances. J'en avais parfaitement conscience. Aussi, voilà, la raison de ce revirement. L'opportunité s'était présenté lors de la proposition de Redgie. Il m'avait tendu une perche que j'avais attrapée.

Je grimpais rapidement les étages et ouvris la porte qui menait au bureau d'accueil. La secrétaire se leva en un bond, à ma vue. Elle quitta son bureau pour venir me saluer, tout sourire.

- Salut. Hayley m'a prévenu de ta visite. Tu es très attendue.

Je n'étais pas une femme expressive. Elle semblait très haute en couleur et éloquente.

- Je dois t'emmener à son bureau mais tu n'as pas de soucis à te faire. On est tellement désespéré que ton entretien n'est qu'une formalité, ajouta-t-elle en m'indiquant le couloir de droite en avançant.

Je la suivis jusqu'au fond du couloir. Elle tapa un coup à la porte avant d'ouvrir celle-ci. Elle s'effaça pour me laisser entrer dans la pièce. Cela était ma chance. Si je me contraignais à devenir le mouton que le gouvernement voulait que je sois, autant que cela soit à mon goût.

La fameuse Hayley leva la tête notre irruption. Les yeux cernés montraient sa fatigue mais ses lèvres étaient étirées en un sourire ravie. La secrétaire, dont je ne connaissais pas encore le prénom, referma la porte derrière moi, nous laissant seules. Hayley me fit signe de prendre place sur la chaise face à elle, et elle repoussa le dossier bleu sur lequel elle était penchée à mon arrivée.

- Je vous remercie de me recevoir aussi rapidement.

- Vous venez d'arrivée en ville, c'est ça ?

- Oui.

- Quand vos études se sont terminé ?

- Il y a un an. J'ai pris une année sabbatique pour voyager.

Elle soupira.

- Quelle chance vous avez... avez-vous les documents que mon assistante vous a énuméré lors de votre dernière visite ?

Je sortis le dossier que j'avais constitué, à l'hôtel, avec mon diplôme, mes papiers d'identité, ainsi que les fausses lettres de mes « professeurs ». Elle prit peu de temps pour les consulter. Cela m'étonna. Elle était, certes, désespéré, mais cela était-il une excuse pour ne pas s'assurer de confier des personnes dans le besoin à n'importe qui ?

Je n'allais pas m'en plaindre mais j'allais devoir donner toute mon énergie pour ne pas échouer. Il y allait avoir des personnes, et leurs bien-être, sous ma responsabilité. Avant d'entrer dans ce bureau, je ne m'étais pas attendu à ressentir cette charge sur mes épaules.

- Eh bien ! Columbia ! Pourquoi vouloir postuler ici avec de telles références ?

- Je vais là où on a besoin de moi, me contentais-je de répondre.

- Vous n'avez pas d'adresse fixe ?

- Pas encore. Je vis à l'hôtel pour le moment.

- Il faudra me renseigner cette information lorsque vous aurez trouvé ce logement.

- Bien entendu.

- Vous n'avez pas idée à quel point on a besoin de personnel, souffla-t-elle, subitement. Nous ne sommes que sept pour près de neuf cents personnes.

- Ma venue n'arrangerait rien, constatais-je.

- Non. Préparez-vous à devoir travailler dur, sans compter vos heures... nous avons eu beaucoup de passage ici, mais beaucoup abandonnent...

- Je veux ce poste. Le travail ne me fait pas peur.

- Vous m'avez l'air rigoureuse et distante. Ces gens ont besoin de nous. Ils vivent dans la misère. Lorsqu'ils viennent nous voir, ils recherchent de l'aide mais aussi de l'humain.

- J'ai l'air froide mais ce n'est qu'une façade. J'ai à cœur d'aider mes concitoyens. Tout un chacun à un passé.

Elle hocha la tête, compréhensive.

- Vous pouvez commencer dès demain ?

- Bien sûr.

- Vous aurez une tutrice pour votre première journée. J'espère que ça sera suffisant. Elle pourra vous montrer les locaux et vous présenter vos premiers dossiers.

- C'est parfait. Je vous remercie pour la confiance que vous m'accordez.

- Nous n'avons pas vraiment le choix. Nous ne pouvons pas faire la fine bouche avec la conjoncture actuelle mais vous êtes qualifié pour ce boulot et je peux ressentir votre motivation. Je dois avouer que vous êtes envoyé par le ciel pour nous, rigola-t-elle doucement.

Elle se leva de son siège et me tendit la main. Je la serrai énergiquement.

- Venez me trouver demain matin et je vous présenterais à Pat.

J'acquiesçais avant de quitter la pièce avec un mélange de contentement et de stress. La réalité me percutait de plein fouet. Je me lançais dans un défi que j'espérais pouvoir relever. 

Dance in the flamesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant