Chapitre 23 : Lake

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Je sentais que j'allais être malade. Me retrouver devant Omarosa m'avait mis un coup. Je ne m'attendais pas aux sentiments qui m'avaient assailli. Je le détestai autant que je l'aimai. J'avais passé tant de temps à le maudire, toutes ces années, que je m'étais persuadé que je n'en avais plus rien à faire de lui. Pourtant, le revoir m'avait perturbé. Il restait mon père, bien entendu, mais à mes yeux il était une pourriture.

À choisir entre la peste et le choléra, cette fois, je choisissais le pire. Cela valait mieux. La traîtrise était plus acceptable venant d'un inconnu.

Je tournais en rond, toujours enfermé dans cette foutue chambre. Ne pas avoir de prise sur mes mouvements, était insupportable. J'avais envie de tout démolir. Léandro m'avait averti qu'il arrivait mais je pensais que j'aurais eu plus de temps pour me faire à l'idée et ce sentiment... cela était insidieux et pervers. L'image que j'avais de mon père avant que je n'apprenne ce qu'il faisait de sa vie, puis l'image que j'avais de lui, aujourd'hui, se superposaient. J'avais passé mon enfance à encenser cet homme. Contrairement à ma mère, il avait, de temps en temps, des gestes tendres envers moi. Je l'avais idolâtré. Il n'en valait pas la peine.

J'aurais dû changer de pays...

Cette idée m'avait traversé l'esprit, quelques années auparavant. Cependant, je ne me sentais pas prête à quitter ma terre natale. Je regrettais à présent. Cela m'aurait permis de disparaître complètement. Et surtout, je n'aurais pas croisé le chemin de Léandro.

Le bruit d'un moteur me fit me précipiter à la porte-fenêtre du balcon, avec l'espoir d'y voir quelque chose. Au loin, je pouvais voir une berline s'éloigner du domaine. Je priais pour que cela soit mon père. À ce moment précis, la porte de ma chambre se rouvrit brutalement. Je pivotais pour découvrir l'intrus, tout en sachant qui se trouvait dans mon dos. Des frissons remontaient mon échine lorsqu'il se trouvait à proximité.

- Ton père est des plus désagréables.

- C'est toi qui l'a appelé.

- Je veux savoir pourquoi tu le fuis.

- Qu'est-ce que ça t'apportera de le savoir ?

Il s'approcha de moi, rapidement, et plaça sa main sur ma nuque, me tirant les cheveux par la même occasion. Je grimaçais sous la surprise. Il ne me faisait pas mal mais il avait eu ce qu'il voulait. Mon cœur accéléra et mes yeux s'écarquillèrent.

- Tu vas me répondre !

- Je ne voulais plus vivre avec un criminel ! Vous êtes l'un comme l'autre des pourritures ! Gueulais-je devant son visage satisfait.

Il me relâcha et s'éloigna de deux pas. Il m'observa un moment, dans un silence complet, avant de se détourner de moi. Il posa sa main sur la poignée de la porte avant de s'arrêter.

- Prépares-toi. Nous dînons ensemble ce soir, déclara-t-il avant de sortir sans me laisser le temps de répondre par la négative.

Je ne comprenais plus rien. Je ne comprenais pas le jeu qu'il jouait. Que cela voulait-il dire ?

Il m'avait traqué de longs mois jusqu'à m'avoir dans ses filets. Je ne m'étais pas attendu à ce qu'il m'invite à dîner. Que préparait-il ? Devais-je craindre pour ma vie ?

Tout cela était trop étrange pour moi. Stoïque devant la porte, je cherchais un moyen d'échapper à cette nouvelle rencontre. Cependant, cela pouvait aussi être bénéfique. Je me torturais l'esprit, depuis des heures, à propos de mon sort... peut-être allais-je être fixé à ce sujet. Je n'avais pas peur de grand-chose dans la vie, mais à cet instant, je tremblais. Léandro pesait plus lourd dans la balance. Il était plus puissant que mon père. Cela se ressentait. Il suffisait de voir l'allégeance que lui vouaient les hommes qui travaillaient pour lui. Ainsi que tout le faste qui nous entourait.

Il m'avait demandé de me préparer. Je ne savais pas ce que cela voulait dire. Me demandait-il de me préparer psychologiquement à la suite des événements ?

Je quittais ma position pour aller m'asseoir sur le lit quand je sentis mes jambes devenir faible. Je me savais observer et ma légendaire insolence avait disparu. Je n'aimais pas afficher une telle faiblesse face à eux mais je ne pouvais contrôler ma soudaine peur. Je préférais, certes, mourir plutôt que vivre sous le contrôle de ce type, ou finir dans un bordel, mais cela n'empêchait pas que cela était effrayant.

J'avais fui le foyer familial car j'avais choisi la vie... aujourd'hui, celle-ci allait s'éteindre. Je n'avais que vingt quatre ans...

J'allais m'allonger sur le lit quand la porte se rouvrit. Cette fois, sur la femme. Cette chambre était un véritable moulin. Elle portait dans ses bras un gros sac. Elle vint le poser sur mon lit. Je la regardais faire circonspect. Elle leva le regard sur moi. Elle semblait vigilante à mon encontre.

- Monsieur Chavez vous a fait apporter le nécessaire pour votre séjour. Il y a des vêtements, des chaussures et des produits pour votre toilette.

Incapable de parler, je me contentais de la regarder. Je craignais d'entendre les tremblements dans ma voix. Je ne voulais pas leurs faire ce plaisir.

- Monsieur Chavez voudrait que vous vous rafraîchissiez et que vous piochez dans ces vêtements pour le dîner, m'informa-t-elle.

J'étais de plus en plus perdue. Pourquoi avoir acheté autant de vêtements s'il voulait se débarrasser de moi. Je doutais qu'il prévoyait ma mort avec ce message. Aussi, je craignais le pire... Il ne s'était pas gêné pour énoncer un des plans qui lui tournait à l'esprit devant mon père. Il était hors de question de travailler dans un bordel. La mort serait préférable.

Voyant que je n'étais pas disposé à la conversation badine, elle pivota vers la porte. Je l'arrêtais.

- Que veut-il de moi ?

Ma voix me paraissait faiblarde et je détestais cela instantanément mais je n'en pouvais plus de cette incertitude. J'avais besoin de réponse. Elle se tourna dans ma direction, à nouveau, le regard plus compatissant.

- Je n'en sais rien, ma petite. Ce que je peux vous assurer, c'est que monsieur Chavez ne s'en prend aux femmes que lorsqu'elles ont fait quelque chose de grave...

Je hochais la tête. Je n'en saurai pas plus. Je ne connaissais pas le degrés de graviter, de ma soi-disant faute, selon Léandro. Aussi, je ne pouvais que restait dans l'attente. J'en apprendrais bien assez tôt. En attendant, il fallait que je me recentre car je ne voulais pas me retrouver devant lui dans cet état... 

Dance in the flamesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant