Chapitre 18 : Léandro

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Je la scrutais intensément afin de découvrir ce qui pouvait bien se cacher dans cette noirceur que je pouvais deviner chez elle. Elle semblait imperméable à mes menaces. Je voulais connaître les pensées qui pouvaient la traverser. Des pensées qu'elle gardait jalousement secrète. Son comportement n'avait rien d'habituel pour moi. Elle ne chouinait pas. Elle ne suppliait pas. Elle gardait bouche close, le regard défiant. Je n'avais pas obtenu la réaction attendue à l'énoncer de la future visite de ce vaurien d'Omarosa. J'aurais pensé apercevoir une note de terreur, étant donné qu'elle s'était donné beaucoup de mal pour le fuir. Cependant, rien n'avait transparu sur son beau visage. Elle s'était contenté de relever le menton et de plisser les yeux. Cette femme était la défiance personnifier.

- Il a tellement hâte de te voir qu'il prend le premier vol pour Mendoza, enfonçais-je le clou.

- Tu vas me livrer à cet enfoiré ?

- Est-ce ce que tu crains ?

- Je n'ai aucun pouvoir sur la situation alors pourquoi m'encombrer l'esprit avec ce genre de tergiversation ?! Ce n'est qu'histoire de faire la causette.

- Quel est ton vrai prénom ?

- Tu le connais ! Tu as parler avec lui !

- En effet mais il est toujours bon d'avoir les deux versions.

Elle semblait en colère. Plus sa colère augmentait, plus ma satisfaction malsaine enflait. Je ne comprenais toujours pas elle se trouvait entre ses murs, si loin de chez elle. Cela était une énigme à résoudre de plus. Je m'étais acharné à la retrouver alors qu'elle n'était clairement pas une menace. Pourtant, je n'avais jamais ressenti un tel assouvissement que lorsqu'elle s'était retrouvé coincée entre ciel et terre. Pour le moment, je m'étais cela sur le compte d'un subit instinct de chasseur.

Elle ne comptait pas accéder à mon envie de la faire céder à son ancienne identité qui semblait être, pour elle, un sujet tabou. J'aimais piquer où cela faisait mal. Elle n'avait aucune envie de me faire ce plaisir. Cela ajoutait un peu de piment. J'étais persuadé qu'elle allait me donner du fil à retordre et je me surpris à attendre cela avec impatience. Je n'étais pourtant pas à court de palpitant dans ma vie, mais le défi, qu'elle représentait, m'exaltait.

Le dos droit, la tête haute, elle m'avouait ne pas être en position de force, et pourtant, elle ne capitulait pas. Elle forçait le respect pour cela.

Elle avait commencé à le gagner cette nuit-là. Sans peur, sans cri, elle s'était tout simplement fait entendre sans se soucier de la scène qui était en train de se jouer.

- Tu n'as pas eu peur à Calhoun.

- Peur de quoi ? Répondit-elle en étirant finement ses lèvres en un sourire malicieux.

- N'importe qui serait allé voir les flics.

Elle haussa les épaules, l'air ennuyé.

- Je les évite autant que tes hommes et toi.

- Tu as quelque chose à te reprocher, ma jolie ?

Elle me fusilla du regard.

- J'ai un putain de prénom et tu vas l'utiliser !

Je me levais prestement. Il était temps de remettre les pendules à l'heure. D'une main sur sa nuque, je la forçais à me regarder dans les yeux.

- Je ne reçois d'ordre de personne ! Est-ce que je me suis bien fait comprendre ?

Cela eut bon de la calmer mais ses yeux parlaient pour elle. Elle possédait une rage intérieure que je n'avais pas remarqué jusqu'à présent. Cela n'avait rien à voir avec une rage pure et malsaine, tel que la mienne. Cela ressemblait plus à une soif de vie.

- Je t'appellerais comme bon me semblera. À toi de t'y faire !

Je la relâchais et m'apprêtais à partir. Je me figeais devant la porte de sa cellule, main sur la poignée.

- Tu seras bientôt conduite dans ta toute nouvelle chambre, décidais-je avant d'ajouter... quelqu'un viendra te chercher, une fois qu'elle sera sécurisée !

Je la laissais sur ces paroles sans les réponses que j'étais venu chercher. J'en avais bien eu dans le jet mais cela n'était pas suffisant. Elle était un mystère trop grand pour que ma volonté initiale de m'en débarrasser soit de mise, à présent. Je voulais en savoir plus. Connaître chaque recoin de ses pensées afin de savoir comment elle avait pu disparaître aussi facilement de la surface de la terre durant deux mois. Qui était-elle ?

Omarosa n'avait pas été plus loquace qu'elle lorsque je l'avais contacté. Il était resté très vague sur le conflit qui l'opposer à ma jeune captive. Néanmoins, j'avais pu sentir son empressement à la retrouver. Lors de sa venue, je me tiendrais prêt à lui trouer le crâne à la moindre bavure.

Cela n'était pas habituel chez moi. Il fallait que je comprenne pourquoi elle semblait si différente des autres prisonniers, qui avaient franchi ces escaliers sombres, avant elle. Je devais comprendre pourquoi elle ne me sortait pas de la tête depuis cette nuit-là, pourquoi cette voix agacée, presque méprisante, résonnait encore à mes oreilles.

Crisper, je retrouvais Esteban dans le salon. Verre en main, il m'observait alors que j'allais m'en servir un, à mon tour. Il demeura silencieux jusqu'à ce que je m'installe dans le canapé. Je levais la main pour lui intimer le silence quand il eut l'envie de m'appliquer une de ses remarques cinglantes, et je pris mon téléphone, qui se trouvait dans la poche de ma veste, et contacter Rodrigo afin qu'il se ramène le plus vite possible.

- Qu'est-ce que tu fais ? Me questionna-t-il une fois que j'ai reposé le téléphone dans ma poche.

- Je dois gagner sa confiance.

- En faisant venir le type qu'elle fuit ?

- Leur rencontre m'en apprendra peut-être plus.

- Que veux-tu apprendre sur elle ? Franchement, Léandro, je ne saisit pas ce qu'elle fout ici et le pourquoi tu t'acharnes à connaître des détails insignifiants. Tu voulais qu'elle soit entre tes mains... c'est fait ! Que vas-tu faire d'elle maintenant ?

L'inquiétude sur son visage alluma quelque chose, en moi, d'insoupçonné. Son trouble pour la fille m'irritait un peu plus à chaque fois qu'il en faisait la démonstration.

- Ça me regarde ! Ce sont mes affaires et je t'interdis de t'en mêler !

Il me fixa un long moment avant de laisser tomber en soupirant.

- Pourquoi as-tu appeler Rodrigo ?

- Qu'est-ce ça peut de faire, mon ami ? Tentais-je de lui faire avouer sa fièvre pour elle.

Il la voulait. Cela était aussi clair que de l'eau de roc. Il ne l'aurait jamais !

- Cette histoire m'intéresse, c'est tout.

Je bus une gorgée de mon Macallan sans le lâcher du regard. Esteban était mon plus vieil ami mais son engouement pour la fille ne me plaisait pas. À croire qu'elle l'avait ensorcelé. Il n'était pas homme à se caser mais je pouvais voir une lueur d'intérêt dans son regard pour Lake. Aussi brillante qu'un phare ... cela me déplaisait fortement.

- Tu devrais rentrer chez toi, Esteban, lui conseillais-je d'une voix parfaitement menaçante, en me levant pour me rendre dans mon bureau.

Tout en elle m'appartenait, à présent. Sa personne et sa vie. J'en étais le seul et unique gardien, ou geôlier. Et étrangement, je n'avais aucune ambition à la partager... 

Dance in the flamesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant