Chapitre 10 : Léandro

643 70 1
                                    


Jorge débarqua en trombe dans ma chambre d'hôtel, à Bueno Aires. Au téléphone avec Weber, un client de longue date, je poursuivais ma conversation. Loin d'être professionnelle, cette conversation avait toute son importance. Suffisamment pour faire patienter l'inopportun. Celui-ci tourna en rond. L'information semblait le mettre dans tous ses états, au point de manquer aux règles établies, de ne pas entrer sans mon autorisation dans mes appartements.

Weber m'expliquait les avancements de ses affaires alors que Jorge paraissait de plus en plus agité. Cela ne voulait dire qu'une seule chose. Luis et lui étaient en charge de l'emmerdeuse américaine. Son comportement agité parlait pour lui. Ils l'ont. Ce qui voulait dire que je l'avais.

Près de deux mois. Elle avait accaparé deux de mes meilleurs hommes, près de deux mois.

La jouissance de la prendre dans mes filets me fit perdre le fil de la conversation que j'entretenais avec l'Allemand.

- Tu es avec moi, Léandro ?

- Je vais devoir raccrocher. Le boulot n'attend pas.

- À bientôt, mon ami.

Je déposais le téléphone sur la table basse devant moi et choppais le verre de bourbon qui m'attendait. Jorge vint devant moi.

- Cette salope nous a fait parcourir la moitié des États-Unis. Elle est à la Nouvelle-Orléans. À peine, à sept heures de Calhoun, ragea-t-il.

- L'important est que nous savons où aller la chercher.

- Elle a cherché du boulot un peu partout à la Nouvelle-Orléans.

- Appel Lourenco et Santiago. Nous partons dans deux heures.

Il exécuta mon ordre et quitta la pièce. Ce contretemps allait bouleverser mon emploi du temps mais je ne pouvais plus attendre. Jorge avait raison. Elle nous avait bien assez fait courir. Je la voulais. J'allais l'avoir. Enfin. Cette affaire allait pouvoir être derrière moi.

Je rassemblais mes affaires et contactais Esteban pour annuler ma présence lors de la sortie que nous avions prévu, pour le soir même.

- Pourquoi poursuivre cette femme si elle n'a toujours pas parlé aux flics ? Questionna-t-il, intrigué.

- Elle a vu un type se faire tabasser. Elle parlera un jour ou l'autre.

- Ça m'étonnerait et je suis sûr que tu penses la même chose.

- Tu connais ma prudence.

- Tu ne l'as jamais été autant. Pourquoi ne pas l'avoir descendu, ce soir-là, si ça t'inquiète tant ?

Il commençait à me gonfler avec ses questions. J'hésitais à raccrocher. Je ne le fis pas, néanmoins. Esteban était un ami d'enfance. Je ne pouvais faire preuve d'un manquement de respect envers lui.

- Tu sembles ne pas avoir de réponse à cette question, mon frère. T'aurait-elle fait de l'effet ?

- C'est une musaraigne ! M'indignais-je, sombrement.

- C'est souvent les meilleures, ricanait-il.

Je grognais, lui faisant comprendre que la conversation n'était pas à mon goût. Elle était, seulement, une épine dans mon pied et je comptais bien la retirer, maintenant que je savais où elle se trouvait.

- Je vous accompagne. Il faut que je rencontre la femme qui parvient à te faire sortir de tes gonds sans même faire partie de ta vie, s'amusa-t-il de la situation.

- Va te faire foutre !

J'eus le temps d'entendre son éclat de rire avant de raccrocher.

Mes sacs de voyage dans la voiture, un frisson d'anticipation dévala mon échine. Je montais en voiture et consultais mon agenda afin d'annuler tous mes rendez-vous de la semaine. Je ne lâcherais rien tant qu'elle ne serait pas entre nos mains. Le commandant de mon jet privé avait été prévenu. Le trajet allait durer plus de dix heures. Dix heures pour ruminer ma colère.

Esteban avait mis ses désirs à l'œuvre. Il m'attendait sur le tarmac, habiller de son éternel costard trois-pièces. Son élégance, et son visage ouvert, étaient trompeurs. Cet homme était presque aussi monstrueux que moi lorsqu'il s'agissait de son business.

Je lui passais devant, sans un regard pour son sourire moqueur,et montais dans l'avion. J'allais m'installer et fis signe à l'hôtesse de me servir un verre. Il allait me falloir l'ivresse pour supporter cet enfoiré. Esteban prit place face à moi. Il n'allait pas me foutre la paix du voyage. Il était toujours le premier pour se foutre des gens. J'étais visiblement sa nouvelle proie.

- Comment elle est ? Commença-t-il les hostilités.

Je haussais les épaules. Je n'avais pas vraiment de réponses à lui apporter. Mes souvenirs étaient flous la concernant. De plus, il faisait sombre sur les quais de Calhoun. Cette femme n'était qu'une silhouette, pour le moment.

- Pourquoi tu es aussi obsédé par cette nana si tu ne l'as pas vu ?

- Je ne suis pas obsédé.

- Tu l'es. On va où, exactement ?

- À la Nouvelle-Orléans, parviens-je à dire entre mes dents serrées, par son attitude.

- Je me demande encore comment elle a pu t'échapper... tu perds en vigilance, mon pote.

- Tu vas jouer au con tout le voyage ?

- Je dois avouer que c'est assez plaisant, se marra-t-il.

Je bus mon verre d'une traite, prêt à me mettre une mine, seulement dans l'espoir de perdre conscience.

- J'ai hâte de rencontrer cette petite demoiselle.

- Profites-en bien, alors, parce qu'elle ne sera pas longtemps dans le décor, m'énervais-je.

Cela le fit froncer des sourcils. Je savais que ma vindicative allait le faire tiquer. Je ne m'en prenais que très rarement aux femmes. Seules, celles qui avaient commis des fautes graves, voyait leur espérance de vie, radicalement, raccourci.

- Tu vas tuer cette femme ?

Je ne répondis pas. Je me tâtais encore de l'avenir de la femme. Quoi qu'il en était, sa vie allait changer à jamais. Elle s'était mêlé d'une chose qui ne la regardait pas.

Pourquoi ne s'était-elle pas enfui en voyant la scène ? Pourquoi n'avait-elle pas été effrayer par ce groupe d'hommes armer, prêt à tuer ?

Il fallait qu'elle sorte de ma tête. J'étais prêt à tout pour cela...  

Dance in the flamesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant