Chapitre 39 : Léandro

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Le médecin partit, elle se sentait mieux. Il avait fait baisser la fièvre et avait préconisé du repos. La jeune femme était épuisée.

Lorsque je l'avais ramené à la porte, il s'était tourné vers moi, craintif. D'une tape amicale sur l'épaule, je l'avais invité à se détendre. Je n'avais pas pour projet de lui faire du mal. S'il était là, c'était pour la jeune femme. Il avait fait son boulot, correctement.

Il avait, alors, ouvert la bouche.

- Cette jeune femme est amaigrie, monsieur Chavez. Elle souffre de malnutrition. Il faut absolument l'alimenter.

Je n'avais pas eu besoin de lui pour constater son état de santé préoccupant. Lake avait refusé de manger quoi que ce soit depuis le départ de ma gouvernante. Elle n'avait pas plus dormi, trop préoccuper à trouver un moyen de fuir le domaine.

Avant d'arrivée chez moi, elle n'était pas des plus en forme mais elle se maintenait un minimum. Elle savait prendre soin d'elle en toutes circonstances. Lorsque j'informais la médecin de son refus de manger, il s'était tourné vers elle avant de revenir vers moi.

- Il faut que vous la forciez, alors, monsieur Chavez, ou que vous l'hospitalisiez, si elle souffre de trouble du comportement alimentaire.

J'avais renvoyé l'homme à la suite de cette conversation.

Lake ne souffrait pas de troubles mentaux. Elle était seulement une femme déterminée qui, lorsqu'elle avait un objectif, se laissait engloutir par celui-ci, négligeant le reste. Cependant, j'avais pu voir l'acceptation dans son regard, cette nuit.

Il semblerait qu'avoir tué Omarosa l'ait radoucie, comme si elle portait un poids en moins sur ses épaules, ce qui était compréhensible. Cet enfoiré avait fait naître la peur dans les yeux de son enfant. Elle avait passé sa foutue vie à fuir, à se cacher et à se blinder. Elle ne faisait confiance à personne.

Après avoir subi cela, il était impossible de donner, à nouveau, sa confiance. Si son propre père pouvait la torturer de la sorte, que pouvaient faire les étrangers ?

Elle était devenue sauvage à toute approche. Cela expliquait énormément de choses qui m'était longtemps resté mystérieux, à son sujet. Dans sa fixation à disparaître, elle était devenue un fantôme parmi les vivants. Elle avait aiguisé ses capacités à ne pas être vue au point, de parvenir à s'éclipser à sa guise. Cependant, il en était autrement entre ses murs.

Elle s'était endormie. Elle avait finit par tomber d'épuisement après une lutte acharner pour ne pas céder. Lake était une battante à ne pas en douter. Sa vie, un véritable cauchemar.

Lorsque j'avais pris la décision de la pourchasser, cela était dans le but de faire de sa vie, un enfer. Je ne me doutais pas, à ce moment-là, que cela était déjà le cas. Tout avait été remis en question à l'annonce de cet enfoiré d'Omarosa.

Elle avait trop subi pour que je puisse me permettre d'en rajouter une couche. Je n'étais pas homme à épargner. Je me foutais du vécu de mes victimes. Néanmoins, jamais je ne pourrais tolérer les violeurs d'enfants. D'autant plus, lorsque celui-ci s'en prenait à ses propres enfants. Cela était plus monstrueux que tout ce que je pourrais accomplir en une vie.

Omarosa me surpassait en qualité d'horreur et je lui laissais le titre avec les honneurs, autant qu'il le souhaitait.

Malgré mon choix de vie, et tout ce qui l'accompagnait, je ne pourrais jamais m'abaisser à de telles pratiques. Lake était sa fille, bordel !

Les poings serrés, je me levais du fauteuil, où je m'étais établis depuis le début de la nuit, et quittais, prestement, la chambre. Lake voulait partir du manoir. Elle voulait retrouver sa vie. Omarosa était mort, ce qui lui rendait sa liberté complète si je prenais cette décision. Cela était-il la bonne chose à faire ?

La véritable question était, devais-je penser à elle, plutôt qu'à moi, pour une fois ?

Je voulais la garder. Cela n'avait pas changé mais savoir ce qu'elle traînait comme bagage, me faisait douter de mes choix. L'empêcher de s'enfuir avait été un acte d'égoïsme. Lorsque je voulais, je prenais. Cela avait toujours été ainsi avec moi. Néanmoins, il avait, à présent, d'autres paramètres à prendre en compte.

Elle avait suffisamment été puni pour rien du tout. Elle avait subi pour son père. Cela devait en être terminé. À présent, sa personne dépendait de moi.

Il me fallait, cependant, quelques jours pour accéder à sa volonté. Je ne voulais pas la lâcher dans la nature, toute seule. Bientôt, nous aurions une visite qui allait tout changer pour elle. Seulement, à ce moment-là, elle serait libre de quitter mon domaine, si elle le souhaitait. Pas avant cela.

Je n'avais pas pour habitude de prendre soin de qui que ce soit d'autre que moi-même. Pourtant, avec ce que je savais d'elle, je ne voulais pas qu'elle soit livrée, à nouveau, à elle-même. Elle faisait naître en moi un sentiment de compassion et de bienveillance qui n'avait pas lieu d'être dans mon métier. Cela était dangereux. J'avais une réputation à tenir. C'était cela qui m'avait permis à accéder au rang que je tenais. Ce que m'évoquait Lake était inapproprié et révoltant.

J'avais tué pour elle. Cela était suffisant. Je m'apprêtais à la laisser entre de bonnes mains. Cela lui permettrait de reprendre une vie normale. Mon implication allait s'arrêter là.

Je me dirigeais vers mes quartiers, déambulant dans les couloirs jusqu'au dernier étage. Il était cinq heures du matin et j'avais besoin de dormir un peu avant de reprendre le travail mais j'avais, surtout, besoin qu'elle sorte de ma tête.

Dès que le soleil pointerait le bout de son nez, j'allais agir. J'avais envie qu'elle reste au manoir mais ce sentiment était malsain pour l'un comme pour l'autre. Elle avait raison de vouloir se barrer. Plus j'y pensais, plus mon esprit bataillait mais je savais que cela finirait mal. Il fallait qu'elle parte.

Elle m'attirait trop pour rester à mes côtés.

La regarder dormir, avec les informations que j'avais en tête, aurait pu me rendre dangereux pour toute personne qui l'approchait. J'avais senti poindre la violence lorsque Marco l'avait ceinturé. Mon obsession pour la fille devenait incontrôlable.

Elle ne demandait pas à être protégé. Seulement, libre. Je n'avais rien à faire dans sa vie. Elle souhaitait entrer dans le moule. Elle allait avoir ce qu'elle souhaitait.

Nous reprendrions nos routes. Chacun de notre côté. Cela était ce qu'il y avait de mieux à faire... 

Dance in the flamesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant