Chapitre 11 : Lake

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Pour des personnes lambda, cela aurait pu marcher mais j'avais appris à être extrêmement consciente de mon environnement. Deux types balèzes me collaient au train depuis que j'étais sorti de ma chambre d'hôtel avec mon sac, n'ayant plus suffisamment d'argent pour payer mes nuits de tranquillité.

Je tentais de trouver un moyen d'échapper à leur vigilance depuis dix bonnes minutes. Je craignais que mon père soit parvenu à retrouver ma trace. Cela ne pourrait être personne d'autres. Si cela était le cas, je ne connaissais absolument pas ces hommes mais du temps était passé depuis la dernière fois que j'avais côtoyé ce groupe d'enfoiré. Il avait certainement d'autres hommes à son service, à présent.

Je devais me rendre à ma première journée de travail mais je ne voulais surtout pas qu'ils sachent où me trouver, alors je tournais en rond dans l'espoir de trouver une solution pour leur échapper.

Je n'avais pas l'air d'avoir quitté, pour de bon, la chambre d'hôtel. Aussi, m'attendraient-ils là-bas, une fois que j'aurai disparu de leurs champs de vision. Du moins, cela était ce que je présumais. Il n'était pas question de leur faire la faveur de me laisser prendre aussi facilement, s'ils y arrivaient.

Ils ne semblaient pas se rendre compte de leur visibilité.Cela faisait des années que je guettais toujours tout ce qui m'entourait. Leur manœuvre ne pouvait pas fonctionner sur moi.

Devant moi, se présentait un énorme risque. Trois policiers interpelaient un homme et sa compagne. Cela était quitte ou double. Mon père avait de l'influence, certes, mais pas au point de prendre de tels risques. Nous étions hors de ces quartiers, loin de ses combines avec la politique locale. Je ne pensais pas que ces deux mastodontes prendraient auraient l'audace de se confronter aux agents. Habituellement, moi non plus. Cependant, je n'avais pas beaucoup d'option. Je pris mon souffle, le cœur battant, sachant que je jouais ma liberté et avançais au-devant des flics. J'accrochais un des policiers, par le bras, et m'approchais de son oreille.

- Pourriez-vous m'aider à fuir deux hommes qui me suivent, monsieur l'agent ?

Jouer les demoiselles en détresse fonctionnait toujours pour attirer la sympathie. Je savais que je ne faisais pas le poids face à ces deux types mais j'étais assez débrouillarde pour m'en dépatouiller seule. Seulement, j'étais attendu. Je n'avais pas le temps de jouer au chat et à la souris.

L'agent regarda au-dessus de ma tête, à la recherche d'éventuels agresseurs. Il ne semblait pas les apercevoir, ce qui me faisait lever les yeux au ciel. Il faut tout faire par soi-même.

- Ils portent, tous deux, un jean noir et un tee-shirt de la même couleur. Ils sont immenses et costauds.

Il sembla les repérer dans la foule. Je pus souffler. Il ameuta ses collègues et me fit passer derrière lui. Lorsqu'ils les interpella, j'en profitais pour fuir.

Je me dépêchais de prendre la première avenue sur ma droite et me mêlais à la foule.

Cela était fou. Il y avait près de deux mois, je critiquais ces gens qui se levaient chaque matin pour entretenir leur style de vie, entrant dans le système au détriment de leur propre bonheur, et aujourd'hui, j'y participais. Cela était hypocrite de ma part mais je n'étais pas stupide au point de ne pas me rendre compte que tout un chacun n'avait pas le choix de suivre le mouvement. Cela était ainsi, à défaut de finir comme moi. J'avouais être fatigué de, toujours, devoir regarder derrière moi, de ne pas savoir où j'allais dormir, si j'allais subir la brutalité de l'espèce humaine.

J'étais à l'aube de mes vingt-cinq ans. Il était temps de ranger la révolter que j'étais au placard. Mais pas a n'importe quel prix. J'avais triché, certes, mais j'allais pouvoir accéder à un métier qui me tenait à cœur. Cela ne me revenait certainement pas de réparer un peu du tort causé par mon père mais je ne pouvais m'empêcher de m'y contraindre. Il nourrissait les gens de substances qui ne faisait que les détruire. Peut-être pouvais-je, à son contraire, les aider à en sortir afin qu'ils aient une petite chance d'accéder à une meilleure vie.

Je dus faire un énorme détour pour arriver aux bureaux du siège social. J'étais en retard à cause de ces connards. Cela était limite pour un premier jour. Je me pressais à monter au deuxième étage. Nancy, la secrétaire, m'attendait visiblement. Elle m'offrit un large sourire et s'empressa de me rejoindre pour me conduire à la fameuse Pat.

- Tu verras ! Pat est une femme adorable. Elle a son boulot accroché aux tripes.

Je lui accordais un sourire de circonstance mais j'avais la tête ailleurs. Mon père m'avait retrouvé et j'avais les nerfs par ce fait. Il me lâchera jamais.

Nancy tapa à la troisième porte du couloir que nous avions emprunté, la veille, et entra. Il semblerait qu'elle ne connaisse pas l'usage d'attendre la permission.

- Pat, je te présente notre nouvelle assistante sociale.

La femme était une petite brunette, maigrelette, cachée derrière une paire de lunettes, assez large, qui lui mangeait la moitié du visage. Elle portait un regard excessivement doux et un sourire innocent. Je n'en revenais pas que Hayley m'ait confié à cette femme. Mon manque d'émotion, lors de notre entretien, aurait dû la diriger vers une personne plus tenace, une personne de ma trempe. La femme que j'avais face à moi était trop tendre. Je ne l'étais pas.

- Bonjour, je m'appelle Patricia.

Elle me tendit la main pour que je la sers, ce que je fis. Elle grimaça. Il fallait que je me calme. J'étais trop sous tension.

- Désolée...

- Vous avez de la poigne, dis donc, dit-elle en secouant la main, comme si cela allait faire disparaître la douleur.

Je m'en voulais. J'étais en retard, et en plus, je faisais mauvaise impression. Tout cela en une journée. Super !

- Bien, commençons. Nous avons un premier rendez-vous avec un certain monsieur Mire. C'est la première fois que nous le recevons au sein des locaux. Je n'ai donc pas de dossier complet sur lui. Je vais m'occuper de ce cas. Puis, je vous laisserais vous occuper du rendez-vous suivant. Je dois observer vos compétences mais avant tout, je vais vous faire visiter, en détail, les locaux. Il faut que vous vous familiarisez avec votre nouveau lieu de travail.

- Pas de problème mais on pourrait passer au tutoiement. On est collègue, ça sera plus facile. Je n'ai pas l'habitude de vouvoyer les gens.

- Il n'y a pas de soucis mais garde le vouvoiement avec les personnes que tu reçois. Il faut mettre une distance entre eux et toi. C'est important.

- Je vais faire de mon mieux.

La demi-heure suivante fut bénéfique. Elle me fit visiter chaque foutu coin du bâtiment. Cela me permit de m'occuper l'esprit et faire redescendre la tension qui m'avait animé plus tôt. Il fallait que je reste concentrer sur le travail. Quant à mon père, cela se réglerait plus tard. Je ne pouvais rien y faire, pour le moment, alors autant mettre cela de côté et continuer à envisager l'avenir, même s'il était incertain.

- Bien, nous en avons terminé. Monsieur Mire ne devrait plus tarder. As-tu des questions ?

Je secouais la tête. J'avais en mémoire tout ce dont j'aurais besoin. Il allait être évident que mes lacunes allaient parler pour moi, durant la journée, mais j'apprenais vite. De plus, Pat était une crème. Elle ne m'en tiendrait pas rigueur. Aussi, c'était avec confiance que je regardais Nancy entrer pour annoncer l'arrivée de l'homme... 

Dance in the flamesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant