Les quatre premiers jours, je m'étais fait discrète. Je n'étais pas sortie de ma chambre. Je n'étais pas stupide. Je savais que je serais surveillé dès que je mettrais un pied en dehors de cette chambre.
J'étais seule, à présent. Michaela avait démissionné, le jour même de ma demande. Des gorilles diaboliques, travaillant pour le diable en personne, traînaient partout sur la propriété. Pourtant, j'étais persuadé qu'il ne m'était pas impossible de trouver une solution. Il y avait toujours des failles dans un système bien rodé.
Mes yeux se baladaient chaque jour, sur la longue allée avant, jusqu'au portail. Il y avait en moyenne, dix-sept hommes armés qui prenaient leurs postes, à six heures du matin, chaque jour. Ils couvraient l'ensemble du terrain. La première relève se faisait à une heure de l'après-midi. Durant quelques minutes, environ neuf minutes, le terrain était sous tension. Ce moment-là, l'allée était un champ miné. Ils étaient trop nerveux.
J'avais observé quatre jours durant mes possibilités. J'en avais conclu qu'il me serait impossible
de me déplacer, discrètement, en journée. Cela était évident mais il fallait que j'en sois sûre.
J'avais besoin de plus de temps pour en connaître davantage concernant la nuit. Il était plus compliqué de me faire une idée de leur petit manège. Le ballet de la relève était presque infaillible en plein jour mais tout était différent à la lueur de la lune. L'obscurité ambiante les rendrait certainement plus nerveux. Ils appuieraient plus facilement sur la gâchette. Cependant, la nuit noire me conférait une excellente cachette.
Le couvert d'un arbre m'offrirait un bon point de vue sur l'ensemble des gardes.
J'adorais m'amuser à grimper dans les arbres lors de mon enfance, donnant de belles frayeurs à Lola. Lorsque je voulais me cacher pour qu'elle ne me retrouve pas, je grimpais haut sur le chêne qui prônait au milieu du jardin. J'étais une bonne grimpeuse.
Par chance, il y avait de grands arbres dans cette forêt artificielle. Cela représentait ma plus grande chance. Il me restait plus qu'à connaître les heures de tourner des gardes pour parvenir à la forêt sans me faire repérer.
Celle-ci ne se trouvait pas aux points de gardes des statiques. Elle était surveillée par ronde. Il y aurait, donc, des percés. Il fallait, également penser aux caméras. Je ne doutais pas qu'il y en ait partout. Cependant, une fois que j'aurais grimpé dans un des nombreux arbres, j'aurais toutes mes chances. Ces gars étaient des terrestres. Je les voyais mal jouer aux petits singes pour me rejoindre à plus de cent mètres du sol mais il fallait que je sois préparé à cette possibilité. Il ne fallait rien laisser au hasard.
Après cela, il me suffirait de passer d'arbre en arbre, sous le couvert de leurs feuillages abondants jusqu'aux grands murs qui entouraient la propriété.
Je ne savais pas ce qui m'attendait de l'autre côté. Cela était le seul point que je ne pouvais prévoir. C'était un paramètre trop aléatoire pour ne pas y penser. Dans le meilleur des cas, ils ne remarqueront pas mon absence et j'aurais le temps de m'enfuir tranquillement. Dans le pire des cas, cela serait une course-poursuite qui aurait des complications. Je n'avais aucune prise sur l'avenir. Aussi, je tenterais et advienne que pourra.
Cela sera ma seule chance. S'ils me choppaient, cela en serait terminé. Je n'aurais plus la possibilité de fuir. Ils seraient trop sur les dents. Il fallait que cela marche.
Le plan de la suite était clairement établi dans ma tête. Disparaître, une nouvelle fois.
Comme pour mon père avec Lola. Léandro me chercherait chez Michaela en premier. Je n'étais pas assez stupide pour me rendre chez elle. L'Amérique du sud était un continent immense. Le crime était aussi insidieux que dans mon pays. Je trouverais le gars nécessaire à me construire une nouvelle identité. Les chirurgies étaient moins chères sur cette partie du globe. S'il fallait en passer par là, je n'hésiterais pas, même si cela ne me plaisait pas vraiment.
J'étais vraiment une poissarde. S'il y avait un criminel dans les deux kilomètres, il était pour moi. Aussi, il fallait que je fasse taire ma grande gueule. Cette histoire avec Léandro m'aura, au moins, servi de leçon.
La nuit commençait à tomber et j'allais m'installer, comme la veille, dans le fauteuil que j'avais installé sur le balcon, enfin ouvert. Cela intriguait le type qui m'observait depuis son écran. Il était venu me trouver, la nuit dernière, pour me demander des comptes. Heureusement pour moi, le niveau de chaleur explosait. J'avais donné pour excuse à mon surveillant que je ne supportais plus cette chaleur et que je préférais dormir dehors, pour profiter la brise. Je savais qu'il ne me croyait pas totalement mais, au moins, il ne m'avait pas plus posé de questions.
Assise ainsi, je me trouvais dos à la caméra. Le fauteuil avait un dossier haut, qui recouvrait entièrement ma silhouette. Aussi, il ne verrait rien de mes observations.
Il était neuf heures. J'arrivais pile au moment où le quart, du début de la nuit, s'installait. Je les regardais prendre place alors que les autres se dirigeaient vers un bâtiment annexe, sur ma droite. Cela devait être leur quartier. Ceux-ci reprendraient leurs services à sept heures du matin.
Je jetais un œil sur ma gauche et la première ronde s'effectua. Je mémorisais l'horaire. Quatre gars armés se croisaient alors qu'ils partaient, par groupes de deux, dans des directions opposées. Un groupe continuait jusqu'à l'avant du manoir. L'autre se rendait à l'arrière.
La nuit dernière, j'avais compté douze hommes tourner en rond autour de la maison. Ils s'entrecroisaient en permanence. Cela sans discontinuer. J'avais la chance de connaître ce jeu. Il en était de même chez mon père, à l'époque. Cela ne m'avait jamais empêché de me faufiler entre eux pour faire le mur. Cela ne m'avait pas empêché de disparaître dans la nuit, non plus. Je pouvais le refaire.
Léandro était parano, ce qui faisait qu'il y avait bien plus de gardes que chez Omarosa mais je partais du principe que rien n'était infaillible. Je trouverais ce que je cherchais.
Cinq minutes. Cela était le temps qu'il fallut pour voir deux autres groupes de deux passer sur ma gauche.
Me diriger vers la forêt de droite était impossible. Le bâtiment des gardes s'y trouvait. Cela serait une erreur stratégique de prendre cette direction. Aussi, je ne surveillais pas cet endroit. Je me concentrais uniquement sur ma gauche. Je n'avais pas la possibilité de vérifier l'arrière, ce qui compliquait les choses. Il y avait sûrement des hommes par dizaines à l'arrière.
Je continuais à scruter chaque aller et venue avec minutie, toute la nuit durant. Je ne laissais rien au hasard.
Chaque croisement, me laissait cinq minutes de marge. Cela était très court mais j'étais rapide. Cela était faisable.
Cependant, il ne fallait pas précipiter les choses. J'allais avoir besoin de rester sur mon perchoir, encore quelques nuits, pour m'assurer que le ballet était bien rodé à ce laps de temps.
Très franchement, si cela restait ainsi chaque nuit, je pouvais dire que cela était une erreur stratégique. À partir du moment où tu connais suffisamment le système, il est facile de le craquer. Aussi, il fallait toujours le renouveler, régulièrement. Cela était d'une logique implacable. Il suffisait de voir à quel point il m'avait été facile de tromper la vigilance des gardes d'Omarosa.
Je n'allais pas m'en plaindre mais c'était une véritable faute de débutant. Je me doutais que Léandro n'en était pas un. Cela était la raison qui me poussait à me montrer patiente et voir comment les choses fonctionnaient...
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Dance in the flames
RomanceLake était une jeune femme rebelle et tenace. Fuyant un passé insipide et froid, elle vivait au gré de ses envies et du chemin qui s'ouvrait devant elle. Solitaire, marginale, elle vagabondait de ville en ville de façon aléatoire jusqu'à voir ce qu'...