Choquée par la violence de ce type, je restais immobile, affalée sur le lit durant un long moment. Il montrait enfin son véritable visage. J'étais sûre qu'il m'avait arraché une touffe de cheveux. Mon crâne me picotait furieusement. Sortie de mon état de transe, je me frottais le dessus de la tête dans une grimace. J'étais habituée à la brusquerie des hommes, l'ayant côtoyé pendant mes années à la rue. Cependant, cela n'avait rien à voir aujourd'hui. Je pouvais fuir, me défendre, lorsque cela arrivait dans la rue. Pas ici. J'étais coincée dans cette chambre, sans possibilités de fuir. Par son geste, il m'avait fait comprendre que j'étais à sa merci. J'en prenais pleinement conscience. Cela m'avait giflé en plein visage. Cela n'était que le commencement. J'en étais persuadé. Je craignais la suite. J'étais une femme forte. J'avais appris à me débrouiller seule, à prendre soin de moi et à pallier à tout danger, mais cela était différent si je n'avais pas de porte de sortie. Léandro était dix mille fois plus dangereux que mon père. Cet enfoiré me ferait presque regretter mes choix de vie car si j'étais resté chez ce dernier, je n'aurais jamais eu à craindre pour ma sécurité. Du moins, pas aussi directement.
Je me redressais doucement, un œil sur la caméra, dans le coin de la pièce. J'étais persuadé que le gars qui se cachait derrière devait s'être bien amusé de me voir en difficulté. J'étais seule... livrer à moi-même. Michaela avait beau être de mon côté, elle ne pouvait rien faire pour moi. Bien au contraire, son intervention, aussi courageuse soit-elle, m'avait appris une bonne leçon.
Elle avait réussi à gagner ma confiance avec le temps. Elle était une femme douce et juste. J'avais appris à lui faire confiance. Je savais, à présent, que je ne m'étais pas trompée sur elle. Je priais pour le voir passer cette porte. J'avais peur qu'il est pu la punir pour avoir pris ma défense. J'espérais qu'elle allait bien...
J'allais m'enfermer dans la salle de bain pour avoir un peu de tranquillité. J'avais besoin de me cacher à leurs yeux. J'avais besoin d'avoir la sensation d'avoir un minimum de pouvoir sur moi-même. Loin de son contrôle.
Assise au sol, dos à la baignoire, je posais mon front entre mes mains. Il fallait que je me calme. Malgré ce qui venait de se passer, je ne voulais pas leur faire l'honneur d'assister à une crise de panique. J'avais été élever dans la fierté après tout. Mon père n'avait jamais eu de cesse de me répéter de ne jamais baisser la tête devant qui que ce soit. Cela était ancré en moi.
Je respirais lentement et commençais à retrouver le calme quand j'entendis la porte de ma chambre s'ouvrir à nouveau. Je me précipitais à la porte pour la verrouiller. Je n'avais aucune intention de refaire face à la violence de l'homme. Mon crâne était encore douloureux. Il avait tant serré et tiré mes cheveux que j'allais en avoir pour mon compte un moment.
Des petits coups à la porte me firent lever la tête vers celle-ci.
- Lake ? C'est Michaela... ouvre-moi s'il te plaît...
Soulagée, je me remis à respirer. Je ne m'étais même pas rendu compte que le bruit, dans la pièce à côté, m'avait coupé le souffle.
- Je suis seule, niña, tenta-t-elle de me rassurer.
Elle avait dû avoir vent de la visite de son patron. Je me relevais du sol et allai lui ouvrir, sans sortir de la pièce. Je reculais pour la laisser entrer. Lorsqu'elle me vit, elle posa sa main devant sa bouche, les yeux écarquillés.
- Dios moi !
Je fronçais les sourcils, jugeant sa réaction excessive. Ce que j'avais subi ne pouvait pas se lire aussi bien sur mon visage, tout de même. Elle m'attrapa la main et me mena au lavabo, et fit couler l'eau.
- Je suis tellement désolée... C'est de ma faute s'il est venue te voir, commença-t-elle à pleurer.
Michaela était une femme sensible. Cependant, je ne comprenais pas les raisons des larmes qui coulaient sur ses joues. Que voyait-elle qui m'était inconnu ?
Je relevais le visage pour m'observer dans le miroir et compris, enfin, ce qui la bouleversait tant. Un filet de sang s'écoulait le long de mon oreille jusqu'à mon cou. Preuve qu'il n'y était pas allé de mainmorte. Ma douleur n'avait plus rien d'étonnant, à présent.
Michaela passa un gant mouillé sur mon visage pour en effacer les traces. Elle se sentait clairement coupable mais je ne lui en voulais pas. Elle avait essayé de m'aider mais son patron était un monstre de la pire espèce. Elle n'y pouvait rien.
- Il m'a laissé de choix... soit, je restais et je n'intervenais plus... soit, je partais... je ne peux pas te laisser seule avec lui, niña. J'en serais incapable... et pourtant, je ne supporte pas que tu subisses ça...
Je ne savais pas quoi dire. La dernière fois où une personne avait été aussi maternelle envers moi, elle avait été éjecter de ma vie... peut-être était-ce pour le mieux pour Michaela...
- Ce serait peut-être mieux comme ça.
- Comment pourrais-je retourner à ma vie, tranquillement, alors que tu endures ce genre de chose... tu dois avoir l'âge de mon fils, Lake. Je ne pourrais l'imaginer, seul, dans cette situation. Ça me brise le cœur. Je n'aurais jamais pensé qu'il puisse s'en prendre à une innocente. Je savais, bien sûr, qu'il n'était pas tout blanc, mais jusqu'à présent, je n'avais eu vent que des meurtres de monstres de son acabit. Mais toi... Je sais pourquoi tu es là... et tu ne mérites pas ta captivité... et encore moins ce que tu viens de vivre... Je suis tellement désolée...
- Tu n'y ai pour rien. Tu as voulu m'aider et je t'en remercie. Je sais à quoi m'attendre maintenant. Je sais que je dois le prendre vraiment au sérieux. Il n'y avait aucune hésitation dans son regard. Il était déterminé. Je sais à quoi m'en tenir et, dans un sens, c'est une bonne chose...
- Je vais trouver un moyen de te sortir de là, hija. Je t'en fais la promesse !
Sa sollicitude me touchait profondément. Néanmoins, je ne pouvais accepter. Michaela avait quatre enfants. Elle travaillait pour Léandro afin de subvenir à leurs besoins. Je ne pouvais la laisser prendre un tel risque.
- Inutile ! Pense à tes enfants, Michaela !
Elle m'observa un moment avant de se jeter sur moi pour m'étreindre avec force. D'abord interloqué, je ne bougeais pas. Puis, je me laissais aller à accepter le premier câlin que je recevais, depuis Lorna, je l'entourais, à mon tour, de mes bras. Je ne m'étais pas rendu compte à quel point cela m'avait manqué. Il était bon de pouvoir ressentir, à nouveau, la tendresse désintéresser d'une personne, d'avoir l'affection d'une personne dévouée. Aussi, je me laissais aller en plongeant mon visage dans son cou, comme j'aimais le faire avec ma mère de cœur.
À cet instant, Lorna me manquait plus que jamais. Son amour avait été le seul à m'avoir étreint durant mon enfance. Michaela remplissait bien ce rôle mais rien ne pourrait remplacer les bras de ma Lorna... je n'avais qu'une envie... retourner en arrière et retrouver cette insouciance et l'amour de ma mère...
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Dance in the flames
DragosteLake était une jeune femme rebelle et tenace. Fuyant un passé insipide et froid, elle vivait au gré de ses envies et du chemin qui s'ouvrait devant elle. Solitaire, marginale, elle vagabondait de ville en ville de façon aléatoire jusqu'à voir ce qu'...