Il me regardait si intensément que je soutenais difficilement son regard. Je n'étais le genre de femme à baisser les yeux face à qui que ce soit, cependant. Cela reviendrait à me soumettre, face à un homme tel que Léandro.
Je ne comprenais pas sa présence à Beverly Hills. Il était censé être aux Pays-Bas d'après mes dernières informations. J'avais, certes, pour projet de le revoir afin de mettre tout à plat mais ce n'était pas franchement le bon moment. Ce voyage, malgré ce que j'en montrais, était suffisamment éprouvant. Je n'avais pas besoin que l'inspecteur et Léandro viennent me mettre des bâtons dans les roues.
— J'ai appris que tu avais embarqué ce matin pour la Californie. Pourquoi es-tu venu ici ? Qu'est-ce que tu faisais chez les flics ? Me bombarda-t-il de question.
Je comprenais que ma venue le questionnait. Néanmoins, il y avait autre chose qui me turlupinait.
— Comment cela se fait que tu sois déjà ici alors que je viens d'arrivée ?
— Réponds, Lake.
Ses yeux étaient sombres. Si sombre que je soupçonnais qu'il n'explose dans peu de temps. Léandro et mon père se valaint à ce niveau-là. C'étaient deux hommes caractériels qui n'avaient pas pour habitude d'être dans l'attente. Leurs voix faisaient loi. On m'avait appris à répondre à ce genre de directives mais je n'étais plus disposé à obéir à un homme depuis bien longtemps.
— Je suis beaucoup plus légitime à attendre des réponses.
— J'étais à Los Angeles pour affaire, finit-il par céder.
Il mentait très bien. Cela était indispensable, après tout, en faisant ce qu'il faisait. Je décidais de laisser passer. Je n'obtiendrais rien de plus, de toute manière. Il ne voulait pas se montrer honnête.
J'allais virer ce foutu détective. Il n'était vraiment pas bon.
— Je te rappelle que mon père est mort. Qui on appelle pour organiser des funérailles lorsqu'il y a un mort ?
Je lui laissais quelques secondes pour enregistrer cette information qui avait l'air de lui avoir échappé. Il ne devait pas être accoutumé à penser aux enterrements de ses victimes.
— Quant aux flics... tu dois te douter qu'il y ait une enquête pour retrouver son assassin. Je n'ai aucune intention de te dénoncer. Je ne suis pas une balance. En plus, j'ai plutôt envie de te décerner une médaille pour l'avoir tué. Pas t'envoyer entre quatre murs.
Il leva un sourcil, vaguement amusé. J'avais réussi à trouver, en ces quelques mots, le moyen de le remercier justement. Cela me soulagea. J'avais accompli ce que je voulais entreprendre. Cependant, je n'étais pas vraiment satisfaite. J'aurais cru qu'il avait manqué cette pièce du puzzle pour me permettre d'avancer pour de bon mais il n'en était rien alors qu'il m'observait avec toujours autant d'intensité.
Il avait eu ses explications. Il devait être satisfait. Aussi, pour fuir ce qui commençait à me déranger, je traversais la pièce, prête à quitter sa suite. Il m'arrêta, évidemment.
— Où comptes-tu aller comme ça ?
Je soupirais en lui faisant face.
— Écoute, je suis arrivé il y a même pas trois heures. J'ai dû faire face aux allégations d'un type en costume que j'ai dû apprendre à éviter lors de mon enfance, puis d'un autre, que j'ai appris à fuir durant ces dernières années. Je suis fatiguée. J'ai faim et je suis crasseuse. J'ai besoin d'une douche alors je vais trouver mon hôtel et récupérer la clé de ma chambre.
— Inutile ! Cette suite à deux chambres. La deuxième est pour toi, affirma-t-il en relâchant mon bras.
— Je n'en ai aucune envie.
— Tu vas rester ici, Lake. Ce n'est pas une chose à discuter.
À présent, j'étais en colère. Il n'avait pas à décider pour moi. Je n'avais pas échappé à un tyran pour me retrouver à devoir obéir à un autre.
— Je vais partir, Léandro, que tu le veuilles ou non. Tu n'as pas...
Tout mon corps se figea de surprise et de panique. Je ne l'avais pas vu arrivé celle-là. Je n'étais pas naïve au point de ne pas avoir vu le désir dans ses yeux mais je ne pensais pas qu'il puisse franchir le pas. Pourtant, ses lèvres se trouvaient bel et bien contre les miennes. Elles se mouvaient doucement, comme s'il cherchait mon approbation. Ses mains sur mes joues m'enserraient délicatement.
Cela était une invasion. Il ne m'avait pas demandé la permission. Il n'avait pas pris en compte mes besoins. Pourtant, mes bras restèrent plaquer le long de mon corps. La respiration coupée, je ne m'étais pas attendu à l'explosion d'émotions différentes qui m'assaillaient.
La surprise. Le dégoût. Le rejet. Cela me semblait normal de le ressentir. Par contre, il y avait aussi le contentement, le désir et un nouveau sentiment, qui me fit reculer précipitamment, que je connaissais trop bien.
Je me retournais, sans un regard pour lui, prête à faire ce que je faisais de mieux. Fuir. Cependant, il m'arrêta à nouveau. Dos à lui, il vint se coller à mon dos.
— Tu peux fuir. Cela ne me dérange pas. Je peux le comprendre au vu de ton passé. Mais tu fuis dans la chambre à ta droite. Enfermes-toi à double tour, si tu le souhaites. Prend le temps de réorganiser tes pensées mais je t'interdis de quitter cette suite, chuchota-t-il à mon oreille, m'envoyant des frissons jusqu'à me faire plier les orteils dans mes baskets.
Que m'arrivait-il ?
Je m'étais pourtant promis que je ne fricoterais plus jamais avec ce monde. J'avais bien sûr envisagé de donner ma confiance à un homme, un jour ou l'autre, mais pas à un homme du milieu. Toutefois, ce baiser m'avait remué. Je n'arrivais plus à penser correctement.
Je m'étais renié. Je le savais. J'avais refusé de voir qu'il y avait bien plus que le ressentiment, ou plus tard, de la reconnaissance, qui pullulait en moi, à son encontre. J'excluais cette évidence.
Malgré mes efforts, il venait de tout détruire. À présent, c'était la peur qui m'animait.
Lorsque je pensais à une possible relation sérieuse, cela était lointain. Je ne m'imaginais pas devoir y faire face si tôt. Je ne me sentais pas prête à donner cette confiance.
Alors que j'étais toujours figé devant la porte de la suite, il me tourna vers lui, les yeux empli de quelque chose que je découvrais chez lui.
— N'aie pas peur.
Cela fut le déclencheur de mon réveil. D'un mouvement brusque, je l'obligeais à me lâcher les bras et pris la direction de ma nouvelle chambre, choppant mon bagage, et m'enfermais à double tour, comme proposer.
J'étais incapable de lui faire face pour le moment. J'avais besoin de temps pour ne pas me ridiculiser. Je ne montrais jamais mes peurs. Cela était une exposition intolérable.
Je lançais mon sac sur le lit immense et me laissais tomber sur le lit, complètement sonner, empreinte de tant de question qui ne pouvait être résolue que par moi-même...
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Dance in the flames
RomanceLake était une jeune femme rebelle et tenace. Fuyant un passé insipide et froid, elle vivait au gré de ses envies et du chemin qui s'ouvrait devant elle. Solitaire, marginale, elle vagabondait de ville en ville de façon aléatoire jusqu'à voir ce qu'...