Après une journée à remplir une vingtaine de dossier de demande d'aide en tous genres, j'avouais être déçu du métier. Je n'avais pas envisagé cela ainsi. J'aurais préféré avoir l'action du terrain. Patricia avait remarqué mon ennui. J'avais dû sortir une excuse bidon face à mon désintérêt total, inventant une mauvaise nuit de sommeil. Cela n'était pas tout à fait faux, néanmoins. J'avais été trop tracasser par le manque d'argent et par l'idée de mal faire mon boulot.
Je passais devant Nancy et lui fit un signe d'au revoir puis passait la porte des locaux. J'avais hâte de respirer l'air frais. Le constat que je pus faire après cette journée, cependant, fut qu'il n'y avait aucune raison aux démissions de mes prédécesseurs. Les personnes qui venaient dans nos bureaux étaient des gens lambda. Pour une première journée, je n'avais observé aucun problème de comportement. Cela était seulement de pauvres personnes en difficulté, vivant dans la misère la plus totale. Cela n'était pas représentatif du métier, car je en pouvais me vanter d'expérience mais aucun d'eux n'était ingérable. Ils me faisaient plus de peine qu'autre chose. Ce n'était pas un job facile mais il était, tout de même, gratifiant.
Je levais la tête vers le ciel, après avoir scruté les environs, pour être sûre de ne pas avoir les deux gorilles au cul, une nouvelle fois. Il était bon de servir les rayons de soleil sur ma peau. Il fallait dire que le bâtiment ne disposait pas des meilleurs aspects. Ressemblant plus à un entrepôt, qu'à un immeuble. Il avait été construit, à la hâte, après l'ouragan Katrina. Le quartier Lower Ninth Ward avait rien d'étincelant. Je dirai, même, qu'il avait été reléguer au second plan dans les préoccupations des élus. Cette population n'était pas la priorité, de toute évidence. Cela était le problème du système Américain. Cela me rappelait le film Titanic. Les premières classes et deuxième classe en premier. Cela était d'une tristesse...
Je restai vigilante jusqu'à m'installer à la terrasse d'un café, en ville. Je commandais un café, avec les derniers dix dollars que j'avais en poche, et demandais, par la même occasion, le journal. Il fallait, maintenant que j'avais un travail, un appartement.
Il était dix-sept heure, le café disposait d'un téléphone public. Je commençais, alors, à consulter les petites annonces, quitte à loger dans le même quartier où se trouvait mon boulot. Je me foutais de vivre là-bas. Au contraire. Je supposais que peu de personnes viendraient m'emmerder, là-bas, et je serais près de mon lieu de travail.
J'appelais plusieurs propriétaires et fus ravie d'obtenir quatre rendez-vous pour le lendemain. Deux se situer à Lower Ninth Ward. Un autre à Saint Claude et le dernier était dans le vieux carré. Le loyer de ce dernier était beaucoup plus élevé, et il était trop exposé, mais si cela ne marchait pas pour les deux premiers, je ne me verrais pas le choix que le prendre.
J'étais contente car les choses avançaient. Je n'avais jamais imaginé que ma vie allait prendre cette ampleur. Un boulot, un logement, de l'argent, toutes les fins de mois. J'étais en train de me construire une stabilité qui avait été impossible à envisager, il y avait encore quelques jours. Tout allait très vite. Cela n'était en rien ce que j'avais imaginé mais la vie n'était pas un conte de fées. Loin de là. J'exécrais les gens qui courait, tous les jours, pour un boulot qu'ils n'aimaient pas, pour un salaire de misère. J'étais en train de rentrer dans le même moule qu'eux, aujourd'hui. Il fallait savoir s'adapter... que l'on aime cela, ou non...
Je profitais de ma consommation pour squatter le café jusqu'à ce que la nuit commence à tomber. Je parvenais mieux à disparaître lorsqu'il faisait noir. J'avais des hommes en noir aux trousses. Je ne pouvais me permettre de me promener à ma guise. Pas question que mon père me mette la main dessus.
Je passais de ruelle en ruelle, tentant de ne pas déranger les sans-abri qui avaient priorité sur les lieux. Je respectais toujours les lois de la rue. Il y avait des emplacements habités, qui était imprenable. Comme un logement classique, ses hommes et femmes vivaient à ces endroits depuis longtemps et en avaient la propriété. C'était chez eux. Je finis par trouver une impasse, où vivaient trois vieux, qui me permirent de rester avec eux. Ils avaient allumé un feu, dans un baril, pour se réchauffer. Je n'avais pas l'habitude de faire pitié, mais de toute évidence, les trois vieillards, souhaitaient me prendre sous leurs ailes. Il était rare de tomber sur des personnes ouvertement bienveillante dans notre situation. Les trois hommes avaient des traits affables. Ils transpiraient la sympathie. Cela me rendait vigilante. Il était mauvais d'être aussi fraternel. Ils disposaient d'un excellent emplacement. Ils devaient être un peu plus sur leur garde. D'autant plus, que je doutais qu'ils soient en position de force, à leur grand âge.
J'étalais mon sac de couchage et mon ventre gargouilla à l'odeur de marshmallow griller. Je n'avais pas mangé depuis trop longtemps. Lors de la pause-déjeuner des filles, j'avais feinté ne pas avoir faim lorsqu'elles ont sortie leur tupperware emplit de plats cuisiner aux senteurs plus délicieuses, les unes que les autres. J'étais simplement repartie dans le bureau de Patricia pour travailler sur les dossiers de l'après-midi afin d'être la seule à entendre mon estomac grogner.
Je les regardais, hypnotiser, faire griller leurs sucreries, au bout d'un bâton terreux. L'un d'eux le remarqua et me proposa, d'un geste, de les rejoindre. Je refusais. Une règle à connaître dans ma situation, ne rien devoir à personne. Je m'y contraignais à chaque instant de ma vie. Ne rien demander. Se d'emmerder seul. Cela évitait de s'infliger des ennuis inutiles.
Ils insistèrent et je me détournais d'eux, l'estomac creux et douloureux. Je me glissais dans mon sac de couchage. J'avais une longue journée qui m'attendait, le lendemain. Je devais me reposer et cela me permettrait d'oublier ma faim. Il me restait huit dollars en poche. J'avais prévu de m'acheter une part de tarte, dans le café où je m'étais arrêté plus tôt, car elle ne coûtait qu'un dollar et cinquante cents.
Lorsque j'ouvris les yeux, le soleil était en train de se lever, donnant un aspect rougeoyant au ciel. Je me relevais, en position assise, et m'étirais les bras. Mon regard se posa sur un petit sac en plastique, à côté de mon sac de couchage. C'était dans un froissement de sourcil que je m'en emparais et ouvrais pour en découvrir le contenu. Je détournais le regard vers les vieillards. Ils dormaient à poing fermé. Mon cœur s'était serré en voyant le paquet de bonbons, entamé, ainsi qu'une bouteille de jus d'orange. Il était rare de trouver de la générosité dans mon monde. Je connaissais le troc, plus que la bienveillance. Aussi, je fouillais mon sac un petit moment, jusqu'à tomber sur ce que je recherchais. Je me mis debout et m'avançais vers les trois hommes. Je déposais délicatement, près d'eux, un vestige de mon passé, garder trop longtemps. Mon bracelet en or. Cela était un souvenir d'une époque que j'avais chéri des années. Il me rappelait l'innocence de mon enfance. Je n'avais jamais pu m'en séparer. Il était temps. Ma vie prenait un nouveau tournant. Je n'avais plus besoin de me raccrocher à l'image du héros, qu'était mon père à mes yeux lorsque j'étais petite fille, car ce héros n'avait jamais existé. Je vivais plutôt avec le méchant des belles histoires.
Je mangeais une partie du paquet de marshmallow, et buvait quelques gorgées de jus avant de récupérer toutes mes affaires. Je n'avais pas l'intention de revenir et leur donner l'occasion de me rendre ce cadeau. Ils m'avaient donné bien plus que bien des gens. Ils le méritaient.
Durant mon trajet, je guettais l'endroit le plus sûr, pour cacher mon sac jusqu'au soir. Je ne tenais pas à exposer ma situation au travail.
Je trouvais, finalement, un renforcement d'une porte condamnée, dans une ruelle cradingue, près du bureau. Je me changeais, rapidement, et à l'abri des regards.
Après avoir déposé le sac, avec l'espoir de ne pas me le faire voler, je me rendis au boulot. Avant de monter les étages, je lissais mon tee-shirt froisser. L'apparence avait son importance.
Je me rendis compte que je n'avais pas fait attention aux alentours et la panique m'étreignit violemment, en sachant que mon père était à mes trousses. Habituellement, prudente, j'avais été trop distraite par la grandeur d'âme de mes colocataires d'une nuit.
Mon corps entier se contracta à la vue des deux gorilles de la veille, qui m'observaient de loin. Ils se trouvaient à trois mètres de moi, environs. J'étais dans la merde... ils m'avaient retrouvé...
Tentant de garder un semblant de calme, je cherchais une échappatoire mais rien ne pourrait m'aider, cette fois. Je ne connaissais pas suffisamment le quartier pour disparaître sous leurs yeux. J'allais perdre mon travail si je ne m'y rendais pas... j'étais coincée...
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Dance in the flames
RomanceLake était une jeune femme rebelle et tenace. Fuyant un passé insipide et froid, elle vivait au gré de ses envies et du chemin qui s'ouvrait devant elle. Solitaire, marginale, elle vagabondait de ville en ville de façon aléatoire jusqu'à voir ce qu'...