Chapitre 27 : Lake

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Michaela avait débarqué en trombe dans ma chambre, plus tôt. Complètement paniquée, elle m'avait annoncé le retour du propriétaire des lieux. Cette semaine sans sa présence m'avait permis de me remettre de cette agression. Cela avait été compliquée et loin d'être de tout repos mais il m'avait fallu ce temps pour intégrer que ma vie était ce qu'elle était à présent. J'avais subi la violence du maître des lieux et cela n'allait pas être la dernière fois.

Inconsciemment, je n'avais pas imaginé que cela puisse m'arriver. Cela était stupide. Après tout, il était le plus grand trafiquant d'Argentine, d'après Michaela. Sa réputation le précédait. Il était un homme d'affaires hors pair et un sanguinaire abominable lorsqu'on se mettait en travers de son chemin. Cependant, Michaela avait été furieusement surprise de me voir arriver au manoir. Elle m'avait raconté ne pas avoir souvenir qu'il est pu s'en prendre à des innocents. Je n'étais pas aussi sûre qu'elle. Un homme tel que lui, dans le monde dans lequel il vivait, il était impossible qu'il fasse la distinction entre un monstre de son acabit et un innocent.

Durant ces quelques jours, j'avais nourri cette haine qu'il m'inspirait. Cela me permettrait de ne plus faire preuve de désillusion. Je savais que je n'avais rien de bon à attendre de lui. Peut-être allait-il faire de moi son punching-ball. Une chose était sûr... j'allais tout faire pour ne plus lui donner la satisfaction de voir la peur dans mon regard.

Michaela n'avait plus quitté la chambre. Protectrice, je lui avais pourtant demandé de rester en dehors de tout ça. Je ne voulais pas qu'il puisse l'atteindre. L'amitié que nous avions créée était déjà une erreur en soi. Dans le meilleur des cas, il la virerait, comme mon père avec Lorna. Dans le pire des cas, il déciderait quelque chose de plus radicale et je ne pourrais rien faire pour l'en empêcher. Michaela ne voulait rien savoir. Elle était restée sur ses positions.

«- Je ne pourrais jamais me pardonner s'il t'arrivait quelque chose, hija. Tu as une force de caractère qui m'impressionne mais tu ne fais pas le poids face à lui... je ne peux pas rester à rien faire... »

Cela était tout à son honneur. C'était une bonne personne. Cependant, je ne pensais pas qu'elle se rendait réellement compte des risques qu'elle prenait, et des risques qu'elle faisait prendre à ses enfants.

Elle tournait comme un lion en cage dans la chambre, jetant, de temps à autre, des regards nerveux sur la porte. Elle m'avait dit qu'il avait semblé plutôt détendu lorsqu'il avait franchi les porte de son domaine et cela l'inquiétait d'autant plus. D'après elle, cela ne pouvait vouloir dire qu'une chose... il avait décidé ce qu'il allait faire de moi. Il était temps. Cela faisait plus d'un mois que j'étais enfermé dans cette chambre, avec pour seul visite ses gorilles et sa gouvernante. Malgré la peur, je m'ennuyais ferme. Cela était certainement le cadet de ses soucis.

- Il est onze heures trente... m'informa-t-elle.

Je levais un sourcil dans l'incompréhension de cette information.

- Je vais devoir descendre en cuisine pour aider les cuisiniers et vous apporter vos repas...

- N'aie pas peur. Tout va bien, je t'assure.

- Après ce qui s'est passé, je ne lui fais pas confiance. Il attend sûrement que je te laisse pour venir te voir.

- Qu'il vienne ! Je ne me laisserai plus surprendre !

- Je ne suis pas du même avis, niña.

- Ne t'en fais pas pour moi. Et en plus, je commence à avoir faim, la poussais-je à accomplir sa tâche.

Il ne fallait pas qu'elle s'attire des ennuis. Je ne pouvais pas lui permettre cela. En ce qui concernait une possible visite de Léandro, j'étais sincère. J'étais prête à le recevoir. Je ne voulais plus être dans l'ignorance. S'il avait décidé, comme le pensait Michaela, alors qu'il vienne m'en informer. Cela me permettrait de ne plus être dans le flou. Quoique cela soit, j'étais prête à tout entendre. Je m'étais préparé à n'importe quelle annonce de sa part.

- Très bien. J'y vais mais s'il te plaît... pas un mot plus haut que l'autre... ne sois pas insolente.

- Je vais faire ce que je peux, lui promis-je.

Néanmoins, je ne me gênerais pas si je sais que je n'avais plus rien à perdre. Je n'avais aucune envie de mourir mais si cela était le cas, autant partir avec un certain panache qui m'avait toujours caractérisé.

Elle quitta rapidement la chambre. Avec son départ, le silence devint assourdissant. La solitude n'avait jamais autant fait partie de ma vie. Même dans la rue, je m'étais toujours entouré, ne serait-ce que par sécurité. J'avais été, certes, seule, mais pas physiquement. Le silence était nouveau pour moi, aussi. Le bruit de la circulation me manquerait presque. Mon sac de couchage. Ne pas savoir où j'allais dormir. Les petits boulots. Les journées d'errances. Ma vie me manquait.

Je commençais à me demander si Michaela était une voyante, ou quelque chose de ce genre, quand la porte s'ouvrit silencieusement sur l'objet de toute ma haine. Je me levais, au cas où j'aurais besoin de me défendre. Je ne comptais plus me laisser faire. Il en était hors de question. Je n'avais pas la carrure pour battre un tel homme mais j'aurais, au moins, la fierté de ne pas m'être laissé battre sans répliquer. Après tout, j'étais la fille de mon père.

Il s'arrêta au milieu de la pièce sans un mot. Il se contenta de me regarder avec des yeux noirs. Il me fixait si intensément que mon corps se contracta, prêt au combat. J'allais certainement dérouiller mais je m'en fichais.

Nous étions tous les deux là, moi, sur mes gardes, lui, jubilant probablement sur son pouvoir. Je l'observais un peu plus qu'habituellement étant donné qu'il ne semblait pas vouloir bouger. Il était vrai qu'il avait l'air plus détendu qu'à notre dernière rencontre. Cela me perturba quelque peu. J'attendais un quelconque mouvement de sa part mais cela ne vint pas. Par contre, il finit par ouvrir la bouche.

- Nous déjeunons ensemble.

Là, il m'avait perdu. Je ne comprenais rien. Une semaine avant, il m'avait arraché une énorme touche de cheveux et maintenant, il voulait que nous déjeunions ensemble ? Il pouvait toujours courir.

- Non.

Je pus voir ses mâchoires se contracter. Il était irrité par mon refus. Je n'en avais que faire.

- Ce n'était pas une question Lake.

Il ouvrit la porte en grand et me fit signe de la franchir. Cela était plus que tentant après avoir observé chaque recoin de cette pièce en long, en large et en travers. Cependant, cela sentait le piège à plein nez.

- Je suis sûr que tu ne veux pas connaître l'autre option si tu ne viens pas de toi-même, menaça-t-il.

Il avait raison mais mon esprit contradictoire ne l'entendait pas ainsi. Je croisais les bras sur ma poitrine dans un regard de défi. J'étais complètement folle. J'avais mis quatre jours à pouvoir me laver les cheveux.

Un de ses sourcils s'arqua et un sourire mauvais étira ses lèvres avant qu'il ne me fonce dessus par surprise. À son approche, je levais les poings mais il était rapide l'enfoiré. Il me bascula sur son épaule et prit la direction de la porte. Je m'accrochais à l'encadrement de la porte pour l'empêcher de m'emporter. Ce fut à ce moment que j'entendis la première fois un rire sortir de sa bouche. Cela n'avait rien de joyeux. Cela était presque diabolique... 

Dance in the flamesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant