Je repoussais mes boucles dans mon dos. J'avais chaud, trop chaud. Cela était une habitude qu'il allait me falloir prendre. La température n'était pas aussi élevée aux États- Unis. Cependant, je me sentais bien. Je n'avais plus connu de telles sensations depuis mon enfance. La tranquillité paisible qui m'animait était agréable à ressentir. La seule ombre au tableau était les quatre mastodontes qui ne me lâchaient pas dès que je mettais un pied en dehors du manoir.
Voilà cinq jours que Léandro était partie pour la République Tchèque. Cinq jours où il m'avait fait découvrir un tout autre monde charnel à celui que j'avais connu. Cinq jours où j'étais sur un petit nuage. Le sexe avait une saveur douce-amère, à présent. Des années de perdus pour la perversité d'un homme. Des années que je comptais bien rattraper avec le seul homme qui pouvait me toucher sans que l'envie de castrer ne me saisisse. Il avait été d'une douceur sans nom. Attentionné et précautionneux, il n'avait pas fait un seul faux-pas. Il avait tout entrepris pour que je me sente en sécurité et choyée. Ce fut à ce moment précis que quelque chose avait jailli en moi. Léandro ne me laissait pas indifférente. Cela était un fait indiscutable mais après cette après-midi passée entre ses bras, cette étincelle s'était transformé en quelque chose de bien plus fort.
Je savais ce que cela voulait dire mais cela allait à l'encontre de tous mes préceptes d'antan. Je n'avais plus à me préoccuper de ma sécurité. Je n'avais plus à faire attention à chaque personne autour de moi. Néanmoins, rester distante était ancré en moi et j'avais besoin de temps pour parvenir à me détendre suffisamment pour accepter ces sentiments qui débordaient de ma poitrine. De plus, je n'étais pas une femme de sentiments. J'avais du mal à exprimer cela. Cela ne me semblait pas naturel. Mon éducation ne m'y aidait pas non plus. Passer un certain âge, on m'avait demandé de me blinder. Je n'avais pas eu le choix. Après le meurtre de la petite fille, cela s'était renforcé. Puis, il y a eu cette nuit-là. Cela avait fini d'achever son éducation. Il avait fait de moi, une femme blindée, comme il l'avait souhaité. Une handicapée des sentiments.
Dans un soupir, je tentais de l'effacer de mes pensées. Je le ramenais toujours à mon présent. Cela était une chose qui m'énerver chez moi. Il était mort mais il continuait de me hanter.
Il avait encore un impact sur ma vie et cela était insupportable.
— à quoi penses-tu ?
Je me concentrais sur Sofia. Cela était une bonne solution. Elle était venue me rendre visite la veille et nous avions planifié une après-midi entre filles. Nous sortions de l'esthéticienne et nous avions rendez-vous chez le coiffeur un peu plus tard. En attendant, nous nous étions installé à la terrasse d'un bar pour boire une boisson fraîche. Cela était nouveau et rafraîchissant.
— Tu penses à ton homme, hmm ?!
Son air coquin m'amusa. Sofia était une femme positive et pleine d'entrain. Elle m'avait avoué ne pas l'avoir toujours été. Son passé avait été compliquer mais grâce à Léandro, elle avait pu rebondir et trouver un travail en ville, ainsi qu'un appartement. Elle avait quitté le quartier où elle vivait. Léandro était surprenant à bien des égards.
— Je pensais surtout au tournant qu'a pris ma vie. C'est étrange...
— Étrange ?
— Oublie, rigolais-je. Il est mauvais de se perdre dans son propre esprit.
— Je ne te le fais pas dire, soupira-t-elle.
Je lui pris la main.
— Ce qu'était nos vies, par le passé, ne comptent plus. Ce qui est important, c'est le présent.
Un sourire vint égailler son visage. Cette femme était solaire. Elle était ce que j'aurais pu être mais que je ne serais certainement jamais. Chaque personne développait son propre caractère. Il fallait que j'arrête de me comparer continuellement aux autres.
— Quelle coupe de cheveux as-tu décidé de faire? lui demandais-je afin d'en finir avec la morosité.
Elle prit son téléphone et chercha quelques minutes dans celui-ci avant de me le tendre. Une photo s'y trouvait. Je levais les yeux sur elle, catastropher.
— Tu n'y penses pas ?!
Son sourire s'évanouit et pour une fois, je m'en foutais. Sofia avait les cheveux aussi longs que les miens. Ils étaient magnifiquement ondulés, d'un châtain caraméliser. Je baissais une nouvelle fois les yeux sur la photo.
— Tu n'aimes pas ?
Il fallait que je me fasse violence pour réaliser que cela était ses cheveux, pas les miens. Malgré tout, je trouvais que cela était du gâchis.
— Tu veux avoir une coupe au carré et assombrir tes cheveux ? Pourquoi ?
Elle haussa les épaules.
— Besoin de changer de tête, certainement ! Une nouvelle vie, une nouvelle tête. En plus, ce sera plus facile à coiffer.
Sur ce dernier point, elle avait raison. D'autant plus que j'avais hérité des cheveux afro de mon père. Cela demandait un certain entretien. Malgré cela, je refuserais toujours de les couper.
— Et toi ? Tu as une idée de ce que tu veux ?
— Des soins en pagaille et redéfinir mes boucles. Cela suffira mais s'il continue à faire aussi chaud, j'y retournerais pour tresser mes cheveux.
Elle hocha la tête, sagement en détournant le regard. Je la voyais jeter des œillades derrière moi. Je pariais sur un homme au vu de ses joues rougissantes lorsqu'elle le faisait.
— Va le voir, ma belle. On n'a qu'une vie, me moquais-je.
— Non... Et si nous allions faire les boutiques avant notre rendez-vous.
Là, je me moquais plus franchement d'elle. Elle croyait vraiment pouvoir m'avoir avec cette histoire de fringues.
— Non, je pense que tu devrais aller voir cet homme qui te fait rougir comme une collégienne, plutôt. Tente ta chance ! Tu n'as rien à perdre ! Après ça, on ira chez le coiffeur.
— Mais...
— Pas de mais ! Vas-y ! Il ne va pas te mordre ! S'il le faisait... je suis sûre que ça te plairait, rigolais-je en lui lançant un clin d'œil.
Elle souffla en secouant la tête mais finit par se lever de sa chaise. Je ne me retournais pas pour voir l'homme qui lui avait fait perdre ses moyens. Je me contentais de prendre mon verre de jus de fruit et le portais à ma bouche.
Il était fou comme ma vie avait changé. J'avais deux amies merveilleuses. Une mère de substitution avec qui je garderais toujours contact, même si je ne me sentais plus sur la même longueur d'onde. Et pour finir, j'avais un homme dans ma vie qui prenait à cœur mon bien-être.
Il y avait quelques mois, je vivais à la rue, à l'affût de tout. J'étais en passe de reconstruire ma vie sous une nouvelle identité mais j'étais en permanence dans la fuite. Il avait fallu que je rencontre, par hasard, un homme plus dangereux qu'Omarosa pour trouver la paix. Pourrais-je dire que je suis heureuse ?
Oui, je l'étais totalement.
Pourrais-je dire que j'étais complètement en paix avec moi-même ?
Pas encore mais j'avais une nouvelle voie qui s'était ouverte à moi. Cette paix, elle devait se mériter. Il allait me fallait travailler dur pour l'obtenir. Léandro allait m'y aider. Sa présence seule avait déjà accompli des miracles. Et ce n'était que le commencement...
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Dance in the flames
RomanceLake était une jeune femme rebelle et tenace. Fuyant un passé insipide et froid, elle vivait au gré de ses envies et du chemin qui s'ouvrait devant elle. Solitaire, marginale, elle vagabondait de ville en ville de façon aléatoire jusqu'à voir ce qu'...