Voilà un mois que j'avais retrouvé ma vie. Un mois où j'avais l'impression d'avoir fait une connerie mais cela était pour le mieux, pour elle. Pour la première fois de ma vie, j'avais fait la bonne chose. J'avais fait passer quelqu'un avant moi.
J'étais, après deux semaines, partie pour Amsterdam. Les affaires m'y attendaient. J'y prenais, également, du bon temps. Entre deux rasades de bourbon, je profitais de ces dames qui se donnaient allègrement et de bonne volonté. Toutes plus belles les unes que les autres, elles n'avaient rien qui m'attiraient au-delà de leur physique.
J'avais l'impression de chercher, quelque part, une part de mon ancienne prisonnière dans chacune d'elles. J'avais bien compris, après avoir appris son passé, que je m'étais trompé sur mes intentions envers elle. Cela expliquait la raison de son départ précipiter. Cependant, j'avais espéré qu'en la rendant à sa nourrice, elle me sortirait de l'esprit. Après tout, je n'étais pas homme sentimental. Je n'avais jamais eu aucune envie d'entamer une relation à ce point.
— À quoi penses-tu, mon ami ? Me demandait Lyam.
Lyam était le gérant du club où nous nous trouvions. Je côtoyais régulièrement son club lorsque j'étais de passage en ville. À mesure du temps, un lien amical s'était créé entre nous. Il était un homme secret et bien inspiré par sa discrétion. Il trempait dans des affaires louches. Chacun ne se mêlait pas des affaires de l'autre, ce qui nous avait permis de ne pas nous tirer dans les pattes. Son credo n'était pas ma came. Il suffisait de regarder autour de moi pour comprendre dans quel domaine il avait fait fortune. Des dizaines de filles chauffaient les hommes riches qui les dévoraient du regard en dégustant un des meilleurs alcools du pays. Se glorifiant de leur toute-puissance économique, elles n'avaient aucune valeur à leurs yeux.
Malgré mon manque d'intérêt pour les relations étroites, je n'adhérais aucunement à cela. Les femmes étaient des créatures qui méritaient du respect. C'était une femme qui m'avait mis au monde. Chacune de mes conquêtes savait où se situer auprès de moi. Je ne jouais pas avec elles. Même ainsi, je prêtais attention à celles-ci. Le regard de ses hommes n'avait aucune lueur de compassion. Elles n'étaient que des jouets qui leur permettaient d'assouvir leurs envies.
Je détournais le regard pour me concentrer sur Lyam.
— J'ai quelques préoccupations.
— Veux-tu que je fasse venir une fille pour toi ? Elles sont toujours ravies d'avoir affaire à toi.
— Pas envie.
— Est-ce que je peux t'aider d'une quelconque manière ?
— Non.
Je finissais mon verre, prêt à partir. Je me levais et pris la direction de la sortie avant que Lyam ne m'interpelle, une nouvelle fois.
— Je connais ce regard, Léandro. Je l'ai vu des milliers de fois dans le miroir, il y a cinq ans.
Dos à lui, les épaules tendues, je n'avais pas besoin de sa piqûre de rappel. Comment cela avait-il pu arriver ?
Je m'étais toujours fait un point d'honneur de ne jamais m'attacher à qui que ce soit. Il avait fallu qu'elle débarque dans cette ruelle, en pleine nuit, pour ne plus jamais quitter mon esprit. Cela était dérangeant. J'avais pris une décision, pour son bien. Il fallait m'y tenir.
Elle avait, enfin, la possibilité de récupérer sa vie. Elle avait trop longtemps cherché à disparaître de la surface de la terre pour échapper à son père. Elle avait droit à la paix, à présent. Pour cela, il fallait que je disparaisse, à mon tour.
Elle ne voulait aucun lien avec notre milieu, ce que je comprenais. Je me devais de respecter cela. Lake était une femme forte en tout point. Elle n'avait pas idée de la force qui l'animait. Elle avait survécu au pire. J'espérais l'avoir suffisamment aidé pour qu'elle puisse user de cette force et faire quelque chose de sa vie.
Quant à moi, il allait, de toute évidence, me falloir du temps mais j'allais l'oublier. J'allais reprendre complètement ma vie, et possession de mes pensées. Une femme telle qu'elle laissait des traces mais inutile de m'accrocher. Elle était inaccessible. Même pour moi.
Je ne répondis rien à la sentence de Lyam et poursuivis mon chemin en quittant le club. Mon séjour tirait à sa fin et j'allais retrouver mon pays, et le manoir.
Pourtant, ce n'était pas en Argentine que mes désirs me guidaient. Je luttais pour ne pas appeler mon pilote afin de changer nos plans. Je détestais aller aux États-Unis. Ce n'était un pays que j'affectionnais particulièrement mais l'idée de la voir, même de loin, m'entraîner sur une pente glissante que je ne devais surtout pas prendre. Cela serait la fin de mes bonnes résolutions.
Pour une fois, je n'avais pas fait un choix égoïste. Je devais m'y tenir.
Arrivé à mon hôtel, je me déchargeais de mes vêtements et glissais sous la douche en jurant. Cela s'apparentait à de la torture. Cette obsession était une punition pour la vie que je menais. J'en étais persuadé. J'avais toujours obtenu ce que je voulais, envers et contre tout. Je n'avais pas hésité à écraser tout le monde sur mon passage. À présent, je le payais. Cela ne changerait pas la personne que j'étais. Cependant, Lake avait éveillé quelque chose en moi, qui n'était accessible qu'à elle seule.
Les mains posaient sur le carrelage mural de la douche italienne, je décidais d'abandonner la lutte, pour le moment, et laissais son souvenir me traversait de part en part, les yeux fermés.
Lake était une femme intelligente. Elle avait vite compris qu'il y avait quelque chose qui clochait dans mes agissements envers elle. Je n'avais pas agi avec elle, comme je l'aurais fait avec les autres prisonniers. Elle avait eu suffisamment de caractère pour me tenir tête, même si je lui inspirais de la peur, elle n'avait pas cédé. Elle s'était débrouillé toute seule durant tant d'années qu'elle avait développé une résistance à celle-ci hors du commun. De plus, elle connaissait mon milieu. Elle en connaissait les règles. Elle aurait été la femme parfaite pour régner sur mon empire. Malheureusement pour elle, son père avait merdé dans les grandes largeurs. Elle exécrait ce monde, à présent, et ne voulait plus rien à voir avec celui-ci.
En y pensant, j'aurais dû garder Omarosa vivant, un peu plus longtemps. Cela m'aurait permis de passer mes nerfs sur lui. Peut-être aurais-je même proposé à Lake de se venger elle-même.
Mes mains se fermèrent en poing. J'aurais pu l'avoir s'il ne l'avait pas toucher de la plus ignoble des manières. Cet enfoiré avait pourri tout ce qu'il y avait de beau en elle. Son innocence lui avait été arracher.
Il fallait que je l'oublie. Elle avait suffisamment vécu dans le tourment. Je refusais d'être le prochain. Je refuserais qu'elle ait à en revivre à nouveau. Les gardes du corps que j'avais embauché, personnellement, s'en assureraient.
Lake ne serait plus jamais seule et en position de faiblesse. Je m'en étais assuré avant son départ. Cependant, elle avait emmené une chose avec elle. Une chose que j'aurais aimé récupérer. Cette part de moi qui demeurait auprès d'elle...
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Dance in the flames
RomanceLake était une jeune femme rebelle et tenace. Fuyant un passé insipide et froid, elle vivait au gré de ses envies et du chemin qui s'ouvrait devant elle. Solitaire, marginale, elle vagabondait de ville en ville de façon aléatoire jusqu'à voir ce qu'...