Chapitre 46

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— Tu es très mal placé pour me poser ce genre de questions ! J'avais raison de faire cela !

— Voilà qu'il est évanoui ! Ça ne serait jamais arrivé si tu m'avais dit la vérité tout de suite !

— La vérité ? Tu veux rire j'espère ! Tu refuses de me parler de la tienne et tu penses que je vais juste céder à ça !?

— Ce n'est pas de moi qu'il est question !

— Tout tourne autour de toi, si tu ne le sais pas !

La vision encore floue, Jona émerge lentement. Il entend des voix et tente de les identifier, mais sa tête encore sonnée l'en empêche.

— Oh mon Dieu, il se réveille ! dit Sarah en apparaissant dans son champ de vision.

— Tu en es sûr ? dit une des voix masculines.

Félix apparaît à son tour. Jona cligne des yeux pour s'ajuster à la lumière.

— Oui, il est réveillé, comfirme-t-il.

Après quelques secondes, une troisième personne penche au-dessus de lui. L'individu protège son visage de la lumière, enfin il peut détailler leurs traits. Entre Sarah et Félix, tout va bien, mais quand ses prunelles croisent celles du troisième larron, son cœur enfle.

— Jona, ça va, tu as besoin d'eau ? demande son amie.

— Vas-y, ma chérie, va chercher un verre d'eau, je vais lui en donner.

Elle disparait de sa vue et il entend une porte se fermer. Il ne reste plus que les deux autres. Malgré ça, il reste focalisé sur cet homme. Cet homme dont les traits se dessinent à lui dans un voile de nostalgie. Les dernières heures lui reviennent brutalement, des retrouvailles avec sa famille et ses meilleurs amis, puis cette rencontre étrange dans le couloir, ce petit garçon qui pleure et maintenant ça. Cette vision étrange, presque surnaturelle qui enveloppe l'homme qui le surplombe. Jona sent sa tête valsée dans tous les sens.

— Tu t'es évanoui, tout-à-l'heure, raconte Félix. Nous t'avons porté jusqu'à notre chambre pour que tu sois à l'aise. Ta petite sœur et martin attendent dehors, ils sont très inquiets. Je dois les avertir pour qu'ils se calment, tu veux quelque chose ?

La réponse ne vient pas.

— Bon ben, j'y vais. Je reviens tout de suite. Ne bouge pas.

Il hésite en fixant Yassen, mais vu que Jona est couché et ne dit rien, tout semble normal. Il s'esquive rapidement, il ne veut pas rester trop loin de ces deux là, il faut faire très vite.

Restés seuls, les deux étrangers se dévisagent. Mal à l'aise, Yassen ne sait pas quoi faire. Lysef Jon, comme tout le monde l'appelle aujourd'hui, l'un des artistes préférés de son fils, le lorgne d'un regard vide. Après toutes ces années, il n'avait plus songé à ce que pourrait être leurs retrouvailles, car à ses yeux, ce scénario n'était plus probable. Comme si l'univers se jouait de lui et de ses certitudes, le garçon qui a souvent hanté ses rêves durant son adolescence est sous ses yeux. Toujours aussi beau et plein de surprises.

Pourquoi ?

Pourquoi l'univers s'acharne-t-il ?

N'est-ce pas déjà trop difficile pour moi ?

Jona se contente de le regarder attentivement, impressionné par sa propre capacité à rester calme. Il se redresse sur ses coudes.

— Tu ne devrais pas te lever trop vite, tu risques d'avoir des vertiges.

Sa voix est si profonde que Jona peine à croire qu'elle est bien à lui. La dernière fois qu'il l'a entendu, elle était colorée et prenait en maturité. Cette différence est si violente, si agressive, si brutale qu'il en a le cœur serré.

Feutre vertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant