Chapitre 18

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— Êtes-vous prêts ?

— Oui, professeur.

— Parfait !

Aujourd'hui c'est la Saint-Valentin, Jona l'avait presqu'oublié à cause de ses déboires du week-end. Si Carmen ne lui avait pas fait remarquer cela hier soir, il aurait complètement raté sa classe de cuisine. Pour ce mercredi un peu spécial, l'enseignante a choisi de leur apprendre une petite recette de bonbon au chocolat dont elle a le secret. Elle s'en vante en leur disant que c'est grâce à cela qu'elle a réussi à appâter son mari ; discours qui fait vite son effet quand presque toute la classe court dans tous les sens pour attraper ustensiles et ingrédients. Jona se montre très incisif quand quelqu'un tente de lui prendre la farine des mains, il n'est pas d'humeur à rigoler. Les élèves de sa classe sont en duo et bien-sûr, ce dernier a choisi sa complice pour partenaire. Tablier jaune bien attaché et mine concentrée, il se met au fourneau en écoutant minutieusement les recommandations.

— À qui tu vas offrir les tiens ? interroge sa meilleure amie.

— Je ne sais pas encore. À ma cousine déjà, puis on verra. Tu peux mesurer la farine s'il-te-plaît ?

— Je vais les rapporter à la maison. Je n'ai pas d'amoureux, moi.

Jona sourit.

— Même pas un crush ?

— Les seuls crushs que j'ai sont gays. Je fais comment ? On dirait que tous les intellos de cette école ont décidé de ne pas aimer les filles, grince-t-elle des dents.

Il a failli verser trop de sucre dans le bol. Il souffle de soulagement.

— À t'entendre, on dirait que c'est toute l'école, alors que tu parles d'une poignée de personnes. Bref, Dany dans notre classe est plutôt mignon et intello, non ?

— Quoi ? Ce je-sais-tout ? Il est capable de me réciter tout le dictionnaire dès que je lui adresse la parole, non merci. Je préfère manger mes bonbons moi-même.

— Tu ne t'es jamais dit qu'il agit comme ça par nervosité ? Quand j'étais en primaire, une fille avait la mauvaise manie de me parler d'éléphants dès que je lui demandais quelque chose. Je pensais qu'elle n'avait pas toute sa tête, mais j'ai compris bien plus tard, après avoir rejeté sa confession, qu'elle devenait très bavarde quand elle était anxieuse, en plus la pauvre détestait les éléphants. Elle en a une peur bleu. Imagine que ce bon vieux Dany a le même problème.

Elle fait mine de réfléchir, Jona lui laisse le temps de digérer l'idée tout en remuant la pâte le chocolat qu'elle a oublié au bain-marie.

— Tu vas chercher le lait ? dit-il.

Elle y va à toute vitesse, puis revient avec du lait et des noisettes.

— C'est pour en incorporer à la fin, elle a bien dit qu'on pouvait le faire, non ?

— Mouais, mais je pense que je ne vais pas en mettre dans les miennes. Enzo est allergi...

Il se ferme la bouche en retard. Carmen ouvre grand la sienne, éberluée. Excitée, elle se met à sautiller avant de se rappeler qu'elle est en cours.

— Tu vas en offrir à Enzo ? chuchote-t-elle dans la confidence.

— Ne fais pas ton air pervers, c'est juste par amitié. Je compte en offrir aux triplés, pas juste à Enzo.

— Mais ça revient au même ! Des chocolats le jour de la Saint-Valentin ça symbolise le début de quelque chose ! Ohlalala !

— On avait dit d'arrêter les fantasmes irrationnels. Si tu veux tout savoir, je pensais leur en offrir bien avant ce cours. C'est juste que j'ai oublié, alors je profite de cette journée. Erxio à l'habitude de m'offrir des gâteaux qu'il fait lui-même, je veux lui rendre la pareille.

Feutre vertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant