Chapitre 28

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— On doit lui en parler, ce n'est plus possible !

Jonathan tourne le dos à son petit ami dans l'intimité de leur chambre. Trois jours que leurs vacances idéales tournent au vinaigre. Il adore Félix, mais il déteste celui qui passe chaque soir pour « une soirée entre potes », il n'en peut plus. C'est la troisième nuit et il est hors de question qu'il ouvre à ce dernier.

— Mais bébé...

— Pas de bébé ! Je ne tiens plus.

Il se redresse pour s'assoir, mais dans l'obscurité de la pièce, seule sa silhouette est visible de Yassen.

— Nous n'avons plus besoin de lui cacher notre relation, Yass. Nous ne sommes plus des gamins et je pense qu'il est assez ouvert pour nous comprendre. Avant on ne disait rien pour ne pas le brusquer, mais ça c'est fini. Il est temps de mettre les choses à plats.

Yassen se lève lui aussi et allume la lampe de chevet à côté de lui. Jona porte un pyjama rose avec des motifs bananes, Yassen porte un simple tee-shirt et un short.

— Je comprends que tu t'emportes, seulement je crois que c'est encore un peu tôt.

— Pardon ?

— T'imagines ? Lui dire que nous sommes gays, juste comme ça. Il pourrait avoir un choc épileptique.

— Ou toi ?

— Quoi ?

— Dis plutôt que t'as peur de ce qu'il pourrait penser de nous. Moi, je te le dis tout de suite, je n'ai pas peur de ça ! Si mon propre ami ne peut pas accepter ma relation avec mon chéri, alors plus besoin de le rester.

— Tu es sérieux, Jona ? Félix est notre ami depuis la maternelle ! Tu veux juste le perdre comme ça ? Moi, non. Toi tu as Carmen ! Si moi je n'ai plus d'amis, je fais comment ?

— Ce n'est pas un concours, Rawy.

— Je sais, mais permets-moi des réserves, s'énerve-t-il. Je t'ai déjà dit que je lui dirais de vive voix quand je sentirais que c'est le bon moment et là ça ne l'est pas.

Il sort du lit et fait quelques pas pour se calmer.

— Je te demande d'être patient, c'est tout. Si jamais il vient nous faire chier ce soir, je lui fourre mon pied au cul. Ça te va comme ça ?

Cette conversation ne mène nulle part. Jonathan déteste se disputer avec lui, surtout pour un sujet aussi sensible que leur coming out. Ça fait déjà deux ans qu'il est prêt à se lancer. Une fois il était à deux doigts de le faire en plein repas familial, mais l'annonce de la grossesse de sa mère l'a retenu à la dernière minute. Il était bien trop heureux pour elle, voler la vedette ne lui aurait pas rendu justice.

Cependant, vivre dans ce monde de secret commence à lui peser.

— Bonne nuit, conclut-il.

— Jona.

Il se recouche et tire la couverture pour s'envelopper. Le mensonge devient insupportable.

Yassen se sent mal de s'être emporté comme ça.

— Bébé ?

Il revient s'asseoir à ses côtés.

— Je t'aime, c'est la vérité. Jouer à cache-cache commence aussi à me fatiguer. Je sais ce que tu ressens et j'aimerai vraiment avoir assez de courage pour te montrer que tu comptes plus que le regard des autres.

Sa poitrine est meurtrie par ce silence. Il tente une approche avec délicatesse. Il pose sa main sur son épaule, Jona esquive son touché. Yassen se rétracte, blessé.

Feutre vertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant