Chapitre 41

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— Félix, tiens correctement la main de ton petit frère.

Yassen récupère les bagages et les installe dans le charriot. Il ne sait pas si sa grande sœur est déjà là. Yaly s'amuse avec sa peluche en s'accrochant à la main de son grand frère. C'est la première fois qu'il voit des gens sans couleurs ! C'est effrayant !

— Féliz, où sont passés toutes les couleurs ? demande-t-il apeuré.

— De quoi tu parles ?

— Les gens... Ils sont blancs... Ils ne sont plus marrons.

Félix éclate de rire. Son frère ne regarde jamais la télévision à la maison, il préfère dessiner ou regarder des dessins animés choisis par son père. Et leur papa se rassure qu'il ne regarde que des dessins avec un univers afro et ses contes pour enfants sont des légendes africaines.

— Ce n'est pas Kirikou, ici. C'est normal, Yaly. Les gens en occident sont toujours comme ça.

Impressionné, le petit garçon écarquille ses yeux curieux.

— Ils ne sont pas malades ?

— Ben, non, petite tête d'âne.

— J'suis pas tête d'âne, je suis Yaly !

Félix se demande comment il a fait pour avoir un petit frère aussi naïf. Si ça dépendait de lui...

— Allons-y, j'ai tout récupéré. Vous avez vos sacs à dos ?

— Oui, pa', repondent-ils en chœur.

Ainsi la famille Rawy s'élance dans la foule. En voulant marcher au même rythme que son grand frère, Yaly trébuche.

— Papa, se plaint le tout petit.

Son frère l'aide à se lever.

— Qu'est-ce qu'il a ? gronde-t-il.

Félix devient triste, il n'a pas fait exprès.

— Ça va aller, papa, sourit Yaly.

— Tu pourrais faire attention, ton petit frère est fragile !

Le tout petit court rejoindre son père et attrape son pantalon pour ne plus tomber. Félix ne supporte pas ça ! Depuis que ce gosse est né, son père n'aime que lui ! Il faut toujours que tout soit de sa faute et jamais celle de Yaly ! Il n'aurait même pas du naître !!!

— Félix, reste près de moi, toi aussi.

Il s'avance.

Il aurait préféré rester au Mali, au village avec ses cousins. Il adore aller là-bas. Il peut s'amuser dans le sable, surveiller le bétail, nager et se battre avec ses cousins. Là-bas il est adulé et son père a souvent du temps à lui accorder quand il veut lui enseigner certaines choses. Yaly a tout gâché ! Tout !

Il leur a pris leur mère et maintenant il lui arrache son père !

— Pourquoi tu t'arrêtes, papa ? dit la petite voix.

Yassen est tétanisé.

Devant lui, alors que des voyageurs font obstacles à sa vision, il aperçoit une personne. Une personne qui sort du lot.

Un vent de stupeur le fait chavirer, il s'accroche obstinément au charriot pour ne pas perdre son équilibre.

La silhouette se détache en bougeant.

Ses doigts tremblent et ses yeux picotent. Il a l'impression de rêver.

L'individu se rapproche, pas après pas. Un sourire espiègle aux lèvres. Yassen croit rêver, c'est juste... Incroyable ! Malgré les signes de maturité sur son visage, il n'a pas changé.

Feutre vertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant