Chapitre 49

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— Alors comme ça, vous vivez au Mali. Ça doit être un beau pays, dit l'une des demoiselles accrochées à son bras.

— Oui, c'est un pays qui cache bien des mystères. Le climat est chaud, mais on s'y habitue sans problème.

— Et ça fait quoi de quitter la France aussi jeune ? Ça n'a pas dû être facile, dit une autre, tirant sur sa paille avec séduction.

Il se tend en émettant un rire plat. La dizaine de filles qui le harcèle de questions lui donne l'impression d'être dans un bain de foule. Elles rient à chacune de ses phrases, collent leurs seins sur ses bras et son buste, se jettent des regards de tueuses, il pense même voir des alliances sur quelques doigts. Il déteste attirer l'attention.

— Excusez-moi ?

Tout le monde se tourne sur Samira, qui se fraie un chemin jusqu'à son frère et libère ses bras de toutes ces mains possessives.

— Il doit s'occuper de la braise, les filles. Vous pouvez aller jeter un œil sur la table, je suis sûre que vous aimerez nos préparatifs.

Elles ont l'air déçu.

— Ne vous inquiétez pas, dès qu'il aura du temps, il vous reviendra. Il est juste très occupé.

Elles retrouvent leurs sourires et finissent par s'éloigner pour rejoindre les femmes plus âgées qui discutent au loin, autour de Sandrine. Reconnaissant, il serre sa sœur très fort.

— Mon héroïne !

— Ne sois pas dramatique, rit-elle. Elles sont inoffensives. Un peu désespérées, c'est vrai, mais inoffensives.

— À quoi ta mère pense quand elle me jette toutes ces étrangères dans les bras ?

— Tu connais la plupart d'entre elles.

— Ah oui ?

Elle éclate de rire en tapotant son buste.

— Tu devrais outrepasser la grosseur de leurs poitrines, car certaines sont des filles de notre ancien quartier. Maman a gardé de bonnes relations avec ses copines, et je crois qu'elle aspire à te marier avec l'une de leurs filles ou nièces. Vu qu'elle les a vus grandir et qu'elle connait la majorité de leurs défauts, elle est persuadée de gérer la situation. Quant aux voisines, elle veut juste frimer.

Il soupire en se massant la tempe.

— Elle aura ma peau un jour. Au-moins elle n'a pas changé en quittant le quartier. C'est bien ma mère.

— Justement, en parlant d'ancien quartier. Tu vas pouvoir remémorer les belles années, lui fait-elle un clin d'œil avant de pointer vers la porte qui mène à l'intérieur de la maison.

Il aperçoit Hakim qui se détache du mur d'où il l'observait depuis un moment. Les mains dans les poches, un sourire désarmant sur les lèvres, il le salut d'une main levée en approchant. Même s'il est tout seul, son aura prend tellement d'espèce que Yassen se sent oppressé au fur et à mesure qu'il avance vers lui. Malgré lui, il fait un pas en arrière.

— Je l'ai invité pour toi, tu ne t'ennuieras pas, petit frère, sourit-elle.

Elle lui fait une bise sur la joue, puis une bise à la joue de son beau-frère, et rentre à la maison pour finir la cuisine.

Enfin seuls, les deux hommes, face à face peinent à trouver leurs mots. Yassen ne lève presque pas le regard sur son invité et Hakim n'arrive pas à détourner les yeux de son visage, de cette sculpture qui le ramène quinze ans en arrière. Car pour lui, Yassen n'a pas changé, du tout. Il ne voit pas un adulte responsable en lui, mais bel et bien l'adolescent fugueux avec qui il faisait les quatre cent coups à l'époque. Même si le passé ne lui apporte pas toujours les meilleurs souvenirs de sa jeunesse, ceux qu'il a partagé avec Yassen restent les plus beaux.

Feutre vertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant