— Yassen ! Il y a Jonathan au téléphone ! hurle Samira.
Il sort en trombe de la chambre de sa mère pour lui arracher le téléphone, il retourne dans sa cachette et ferme en claquant derrière lui. Samira reçoit ses copines ce vendredi, il déteste ça. Ça papote de baccalauréat, professeurs chiants, mesquinerie sur le dos des autres élèves de leurs classes et surtout, ça chahute sur les mecs. Plus de quatre-vingt dix pourcents de leurs discussions tournent sur leurs mecs ou les stars masculins qui les font craquer.
En attendant qu'Hakim viennent le chercher pour aller jouer en bas, il préfère se terrer derrière des jeux fléchés. Sa sœur l'a initié à cette occupation, il l'aime bien. Surtout quand il faut qu'il triche dans le dictionnaire, il apprend de nouvelles choses. Il est obligé de faire une pause pour Jona.
— Allô ?
— Tu m'as menti ! se fâche l'autre, derrière le combiné.
Yassen recule l'appareil pour vérifier que le nom de l'appelant est bien celui de «doudou jaune», comme sa sœur l'a affectueusement enregistré.
— Euh... Ça va ? demande-t-il.
— Tu m'as dit qu'ils étaient succulents ! Pourtant c'était faux ! Ma prof de cuisine est tombée malade d'intoxication alimentaire et on dit qu'elle a avalé des chocolats empoisonnés ! Carmen dit que c'est les miens ! Elle pensait que je le savais !
Il a osé donner ces horreurs à sa prof ?
— Je vois.
— C'est tout ce que tu as à dire ? Gougat !
Jonathan raccroche. Yassen éloigne encore le téléphone pour vérifier s'il a osé lui raccrocher au nez, c'est bien ça. Il soupire, encore un malentendu qu'il faut régler tout de suite. Il ne sait pas si sa sœur a assez d'unités, son forfait vacille aussi vite que ses envies de régime. Ça ne tient jamais.
Il rappelle Bertholo en cherchant un mot dans son dictionnaire. Après trois sonneries dans le vide, la voix erraillée de son ami se fait entendre.
— Quoi ?
— La définition première de succulent est «Qui a une saveur délicieuse, qui flatte tout particulièrement le goût.».
— Et ?
— Alors oui je t'ai menti, c'était horrible !
Le silence de l'autre côté de l'appareil ne l'étonne pas.
— Tu es méchant, dit Jona d'une voix fluette toute basse.
Yassen a touché où ça fait mal.
— Toutefois, s'il fallait en remanger, je le ferais, mais juste deux. J'ai failli en mourir.
Un autre silence les recouvre.
— Jonathan, je sais que tu as mis beaucoup du tien à les confectionner, jamais je ne les aurais jetés. Si c'était à refaire, je n'hésiterai pas. C'est vrai qu'il te faut encore de la pratique, et je te promets que chaque fois que tu t'amélioreras, je serais ton goûteur attitré. Je ne manquerai jamais une de tes fournées, histoires d'être le premier à te dire d'arrêter ce massacre avant que tu ne tues quelqu'un. Faut être cinglé pour te proposer ça, mais pour toi, je suis toujours cinglé.
Le silence à l'autre bout du fil se solde en arrêt. Jona a encore raccroché. Bon, peut-être que Yassen a été un peu plus méchant que prévu, pourtant ça sonnait bien dans sa tête.
Je rappelle ou pas ?
Et s'il est en train de pleurer ?
Nan. Je crois qu'il fait déjà son plan destructeur pour que je devienne son esclave de goût.
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Feutre vert
RomansaYassen finit de colorier le soleil, il a besoin de vert pour colorier le gazon de la maison de ses rêves, où lui, sa grande sœur, son papa et sa maman pourront habiter quand ils auront beaucoup d'argent et plus de disputes. Jona cherche du feutre ve...