Chapitre 42

163 22 41
                                    

Pressé, Félix pousse Yassen jusqu'au balcon de la maison, après s'être excusé auprès de la famille. Hakim est sonné de cette réaction rapide, il n'a pas eu le temps de le saluer proprement.

— Ne faisons pas attention, ils reviendront dans un instant, rassure Sarah.

Elle se demandait bien quand cela arriverait.

Félix ferme derrière eux, le sourire aux lèvres et va jusqu'au bout pour s'assurer qu'on ne les écoute pas. Cachés derrière un mur, enfin serein, le Sénégalais fixe Yassen droit dans les yeux. Son ami semble soulagé de de l'esquive.

— Merci de m'avoir sorti de là, dit-il sincèrement. Je ne m'attendais pas à le voir.

— Tu crois ? sourit l'albinos d'une drôle de façon.

— Euh... Ça va, mon frère ?

Sans crier garde, il se jette sur son cou et l'étrangle. Surpris, Yassen réagi tardivement en attrapant ses bras. Qu'est-ce qui se passe !?

— Espèce de sale con ! Tu croyais vraiment que j'allais te laisser respirer aussi facilement ??!

— Lâche-moi, se défend Yassen.

— Donc ça fait mal ? le lâche-t-il au bout du compte. Je ne savais pas que tu connaissais la douleur !

Effrayé, Yassen le foudroie de son regard confus.

— Qu'est-ce qui te prend ?!

Félix soupire en s'excusant qu'à moitié, selon lui, Yassen mérite pire.

— Quinze ans ! T'imagines ? J'ai attendu ce jour pendant quinze ans ! Tu n'as pas assisté à mon mariage, tu n'as pas été mon garçon d'honneur, tu n'as pas assisté à la naissance de mes princesses ! Putain, Yassen, tu m'as...

Floué par les émotions qui se bousculaient depuis leur retrouvaille à l'aéroport, l'albinos craque sous le regard stupéfait de son meilleur ami d'enfance, Yassen en frissonne.

— Quinze ans, murmure-t-il. Nous t'avons tous attendu... Nous avons été patient aussi longtemps que nous pouvions... Mais...

Non, non, non, le Malien n'a pas besoin de ça dès le premier jour ! Il ne voulait pas voir des larmes, bons sang ! La réaction de Félix l'égratine, ce n'est pas ce genre de choses qu'il attendait de son retour. Même s'il est très bouleversé, contrairement à son ami, Yassen se retient de montrer ses émotions. Il n'est plus ce type d'hommes, la sensibilité ce n'est pas pour lui. Le passé, c'est le passé, il ne sert à rien de retourner la terre. Les raisons n'ont plus aucune espèce d'importance.

Plus aucune.

En guise de réponse, il engouffre son ami pour une embrassade, mais ce dernier le rejette.

— Ce n'est pas une réponse.

Yassen soupire, heurté.

— Je n'ai pas d'autres réponses...

— Tu t'es marié et je n'étais même pas au courant. Ton fils aîné est plutôt âgé, tu l'as eu à quel âge ? Que faisais-tu pendant tout ce temps pour ne pas prendre ne serait que quelques jours de ton temps pour revenir nous voir ? Tu as cessé de répondre à mes messages seulement deux semaines passées au Mali, pourquoi ? Ta mère n'a pas voulu m'en dire plus que ce qu'elle a trouvé à me raconter.

— Félix ! le coupe-t-il sèchement. Je n'ai rien à ajouter à ce que tu sais déjà.

L'attitude de Yassen retient son attention. Celui-ci s'agrippe au balcon, le regard plongé sur l'horizon. Il n'y a rien de dramatique à son geste, mais il sent que l'homme face à lui... est très différent de celui qui l'a quitté. Et ce n'est pas juste une question de maturité.

Feutre vertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant