Chapitre 2

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Le jeune homme revint au comptoir et proposa à Aïssa d'aller à la cuisine. Elle se leva discrètement pendant que l'employé encaissait les derniers clients.

Elle suivit ses indications et se dirigea, comme prévu, vers la cuisine. La pièce était la plus éclairée du restaurant. Les cuisiniers, d'origine étrangère, faisaient la plonge sans se soucier de la présence d'Aïssa.

Soudainement, une femme de cinquante ans débarqua. Elle était brune et marquée par l'épuisement. Elle était très fine et portait une tenue décontractée. Une seule chose se distinguait sur son visage : une plaie au niveau de la bouche. Une brûlure qui partait de la bouche jusqu'au nez. La femme tenait à la main un couteau qu'elle planta violemment dans une planche à découper. Elle avait l'air en colère.

— Toi ! grimaça-t-elle.

— Juhee, j'ai besoin de ton aide, affirma Aïssa.

Les employés de cuisine continuaient de travailler.

Sous les bruits des couverts et des ustensiles, Juhee fit signe à Aïssa de parler en coréen. Les employés étrangers ne connaissaient pas encore la langue.

— Je t'avais dit de ne plus revenir ici !

— Je sais mais la situation me pèse, je dois savoir où il se trouve ! Sinon je n'arriverai pas à passer à autre chose, avoua Aïssa, peinée.

— Aïssa, je t'en prie ! s'insurgea Juhee. Cela fait plus de vingt ans que tu le cherches désespérément. On a pris des risques, regarde mon visage !

— Je suis navrée, je...

— Arrête ! la stoppa Juhee, en rogne.

Les deux femmes s'échangèrent un regard sérieux et déterminé.

— Je suis sincèrement désolée, Juhee... poursuivit Aïssa, mon intuition me le dit tous les jours, il se trouve dans un des quartiers de Séoul. La dernière fois, on n'avait pas anticipé certaines choses et nous n'étions pas préparées. Aujourd'hui, j'ai une nouvelle approche et je pense que ça va fonctionner.

— De quoi parles-tu ? s'impatienta Juhee.

— J'ai de nouveaux contacts.

Juhee soupira et se caressa les cheveux. Elle tourna sur elle-même, agacée.

— J'ai juste besoin de toi, insista Aïssa.

— Tu sais très bien que je risque gros ! Chaque citoyen de cette ville représente un témoin oculaire. Si un membre de son gang est informé, c'est tout le réseau qui l'est !

— Je sais mais...

— Laisse-moi finir, menaça Juhee en se rapprochant d'Aïssa de plus près, il faut que tu saches quelque chose, bordel ! Il n'a pas qu'un seul réseau mais plusieurs ! La police ferme les yeux et nous, citoyens, on prend des risques. J'ai deux filles, je ne peux plus jouer l'oiseau siffleur !

— Tu faisais un bon duo avec Arsh, que je dois aller voir, il a d'autres informations à me donner.

— Tu as entendu ce que je t'ai dit ? Je ne veux plus être mêlée à ça ! Je protège mes deux filles ! Il exerce une influence trop importante. En voulant le retrouver, tu creuses ta tombe !

Aïssa observa l'horloge sur le mur et serra les dents. Il était 23h59.

— Je dois y aller, s'exprima Aïssa, déconcertée.

— Si jamais tu pars voir Arsh, tu lui diras de ne plus jamais donner mes informations personnelles. Tu n'étais pas censée savoir que je tenais un restaurant ici.

Aïssa promit de ne plus jamais revenir mais avant de partir elle s'adressa une dernière fois à Juhee.

— Tous les jours je pense à lui et j'espère au plus profond de moi qu'il ne manque de rien.

— Il faut que tu te mettes en tête que le lien a été rompu depuis sa naissance, répondit Juhee sèchement.

— Ce n'est pas facile lorsqu'on a porté un enfant pendant 9 mois. Tu sais de quoi je parle...

— Il s'agit d'un enfant que tu n'as pas vu grandir et donc ce lien est défait depuis très longtemps, conclut Juhee.

Aïssa sourit nerveusement et quitta l'établissement vide de Juhee.

Cette dernière la regarda partir sans émotion.

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