Gangnam station

Chapitre 57

18h39. Bom se rendit à l'hôpital de SCH la boule au ventre. Le meurtre de Seongho Jang était un mystère. Aïssa avait sorti le nom de Minseok dans cette affaire dès sa rencontre avec la détective. Il lui fallait du temps pour constituer les preuves. Cependant, Bokyung Kim persistait pour arrêter Aïssa. Cette dernière avait un bon alibi, elle était absente lors de l'explosion. De plus, elle ne connaissait pas la famille Jang, un élément qui devrait l'innocenter. Cependant, selon des témoins se présentant comme d'anciens hommes de main d'Aïssa, elle était cheffe de gang. Ce point la condamnait.

Arrivée dans les locaux, Bom se présenta à l'accueil.

— Je viens rendre visite à monsieur Park.

— Vous êtes ?

— Sa fille, voici ma carte d'identité.

La dame de l'accueil lui autorisa l'accès.

L'enquêtrice emprunta les escaliers qui menaient à la chambre de son père. En marchant, elle croisa Dongsun. Ce dernier passait un coup de fil.

J'arrive Davia, calme-toi, lança l'homme, en urgence.

Bom se contenta de rejoindre son père au plus vite. Il n'y avait personne à l'étage. Les derniers salariés se dépêchèrent d'aller aux autres niveaux comme si une annonce importante avait été faite.

La jeune femme ignora ce détail et se cramponna à la poignée de la porte. Doucement, elle la poussa et découvrit son père inconscient. Elle laissa quelques larmes tomber, déçue de voir l'homme qu'elle aimait toujours allongé et sans réaction. Depuis son accident, le père de Bom n'avait pas repris connaissance. Les frais médicaux demeuraient excessifs. Ses économies partaient dans les soins et dans l'espoir de le revoir en forme.

— Trois ans sans toi à la maison... partagea Bom à l'oreille de son père. C'est long. A chaque fois que je viens ici, je t'imagine debout en train de me recevoir, bras ouverts.

Bom se figea un instant. Elle entendit une inconnue fredonner une chanson dans le couloir. La détective se redressa, alerte et suivit l'air qui conduisait à la sortie de la pièce. Comme un chasseur, elle se déplaçait vers sa proie. Le cœur de la jeune femme accéléra de plus en plus. Elle posa sa main sur la porte et entendit une musique. Jolene de Dolly Porton. Les couloirs étant habituellement silencieux, cela alarma la détective. Au moment où elle tira la porte, une femme apparue avec un pistolet qu'elle colla sur son front.

— Pas de geste brusque mon sucre.

La femme était âgée d'environs trente ans. Elle portait un chapeau de cowboy et une veste épaisse avec les coudes en cuir. L'inconnue avait teinté ses cheveux en blond et dévoilait une manicure fantaisiste et très soignée. Elle serrait fermement son arme.

— Comment osez-vous ? murmura Bom.

— Retiens bien mon nom, je suis Jolene et je vais souvent rendre visite à ton papa.

— Vous avez été engagée par Bokyung ? Elle ne bluffait pas...

— Ma patronne te laisse un mois pour monter le dossier et accélérer le procès, dit-elle en caressant l'arme sur sa joue. Si tu ne fais pas ce qu'il faut, adieu papa !

— Je vous dénoncerai !

— A ta place, j'éviterais de parler de cette façon. Je suis un assassin de rang et nous sommes couverts. Fais attention, c'est mon dernier avertissement !

— Je...

— Si tu entends Jolene, ça veut dire que je ne suis pas loin.

La femme quitta les lieux en fredonnant. Bom se laissa tomber et respira un bon coup, comme si elle avait été privée d'oxygène. Les membres de son corps tremblaient. Ses yeux étaient remplis de larmes et son cœur rebondissait dans sa poitrine.

— Je n'ai aucun moyen de te protéger...

Bom se lova à son père. Elle refusait de le perdre. Le risque était élevé. La détective, perdue, devait trouver une solution.

— Je me bats honnêtement et je protège les honnêtes citoyens. Même une criminelle a le droit de se défendre, répéta en boucle la jeune femme.

Soudainement, son père eut une réaction. Elle pensait qu'il se réveillait mais se fut une fausse alerte. Bom afficha une expression triste. Dans ses souvenirs, son père refaisait surface.

Trois ans en arrière.

Une nuit d'été, le père de Bom rentrait de son travail. Il était fatigué et cherchait à boire un bon verre glacé.

Sa fille se trouvait dans sa chambre en pleine révision. Il y avait des feuilles et de l'encre un peu partout sur son bureau. La pièce dévoilait des posters de police et des paysages verts de la ville de Gwangju.

Le père de Bom tapa à la porte et entra en souriant.

— Tu devrais te reposer !

— Oui papa mais je dois tout donner.

— Tu donnes déjà tout, je n'en doute pas.

Bom s'arrêta et le serra dans ses bras.

— Si j'arrive à rendre un devoir construit, je pourrai accompagner des inspecteurs sur des enquêtes en cours. Je n'ai que de bons résultats ! J'enchaîne les concours de détective amateur en parallèle et je n'arrête pas de gagner.

— C'est extra ! sauta de joie le chef de famille.

— Il y a une enquête qui fait les médias : le voleur de diamants. Imagine si j'accompagne l'inspecteur sur cette affaire, ça serait incroyable ! Je dois encore tout donner pour y arriver.

— Je crois en toi !

— Merci pour ton soutien.

La mère de Bom les appela pour venir à table. Le plat venait de sortir du feu.

— Allons-y avant que maman ne pique une crise, ricana le père de Bom.

— Papa, tu penses que les criminels se rendent compte des dégâts qu'ils font ?

L'homme adopta une posture sérieuse et réfléchit. Après une bonne minute, plongé dans ses pensées, il confronta sa fille.

— Quand tu fais un crime, il y a une part de toi qui agit spontanément. Selon moi, tu sais très bien ce que cela implique mais tu vas quand même tenter le coup. Conclusion, ils sont égoïstes et ne se rendront jamais compte des dégâts qu'ils feront autour d'eux. Lorsqu'un détective élucide un mystère, il se doit d'être franc et juste, sinon il ne vaut pas mieux que les criminels.

— Un criminel peut être honnête et réduire les dégâts ?

— Il le peut si la démarche vient de lui. Cela voudrait dire qu'il n'est pas égoïste et qu'il n'est pas réellement un criminel.

La mère de Bom cria leur nom à travers l'appartement, agacée de ne pas les voir.

— Ma chérie, suis juste ton cœur et sois fidèle à tes principes. C'est ça qui fera ta force, conseilla le père fier. Maintenant, allons manger !

Les deux se dirigèrent vers le salon sous le regard sombre de la mère de Bom.

Dans la nuit, le père de la jeune femme sortit pour une course urgente mais jamais il n'arriva à destination. Piéton au moment des faits, une voiture ne l'avait pas vu. L'homme gisait au sol devant les témoins...