Gangnam station

Chapitre 9

Giulia confia son manteau à Aïssa pour qu'elle l'enfile. Cette dernière grelottait et demeurait sous le choc.

L'Italienne indiqua le chemin à son chauffeur privé qui démarra la voiture. Il mit une musique d'ambiance nommée Più Bella Cosa d'Eros Ramazzotti.

Son appartement secret se trouvait à trente minutes en voiture du club. Sur le chemin, la pluie s'intensifia.

Giulia avait de nombreux appartements et quelques bases secrètes. L'héritage de sa famille était la source de sa richesse mais la vente d'armes et de drogues lui rapportait encore plus. Elle avait des clubs privés qu'elle achetait et revendait. Sa richesse personnelle était méconnue mais très élevée. Le fait de revoir Aïssa lui rappela de bons souvenirs.

— Je suis soulagée, murmura Giulia qui posa sa main sur celle d'Aïssa.

— Moi aussi, marmonna Aïssa en la serrant dans ses bras.

— Désolée pour tout ça, surtout pour la « formule ». Satsuki peut parfois utiliser des mots codés lors des missions. Ça lui arrive car c'est plus efficace.

— Un peu tiré par les cheveux, le mot « Épaule », j'ai pensé à soutenir et j'ai compris.

— La plupart de nos ennemis parlent couramment japonais, c'est normal d'agir de cette façon. Il faut faire vite et espérer que la personne en face pige.

Giulia serra la main d'Aïssa pour se rassurer.

— Le moustique m'a dit que tu avais revu Juhee et qu'elle a refusé de t'aider...

— Elle a des enfants, je comprends... et arrête de dire moustique quand tu parles d'Arshneel, on n'est plus des gamins.

Un silence régna.

— L'époque de la fac me manque, soupira Giulia qui essayait de se justifier. J'ai tout fait pour te séduire mais tes yeux étaient rivés sur Minseok...

— Je suis désolée, je regrette, avoua Aïssa en larmes.

Giulia la réconforta avec un baiser sur le front.

— Il m'a pris Kel, mon seul et unique enfant... Je ne sais pas ce qu'il est devenu et ce qu'il fait... Je ne l'ai pas vu grandir. Minseok est un monstre et la loi lui a donné raison.

— J'ai beaucoup de déguisements et j'ai essayé de remonter la piste de sa base principale mais c'est impossible. Même avec mes contacts, je n'ai jamais pu trouver ton fils. A force de trifouiller, deux de mes bases ont été démantelées par Minseok. Il commence à connaître mes tours de passe-passe. Je risque aussi gros.

— Tu as fait beaucoup pour moi, même quand je n'ai pas pu revenir en Corée. Je repense encore à ton intervention à Itaewon. Te faire passer pour une policière avec tes hommes, c'était sensas !

— Puis moins sensas quand Minseok a débarqué ! Il a tué pas mal de mes hommes et j'ai dû me replier. Je prends des risques pour toi car tu es importante à mes yeux.

— Je te remercie du fond du cœur... je sais que tu n'aimes pas Juhee mais tu as pu la sauver à temps.

— Ne me remercie pas ! l'apaisa Giulia. C'est Arshneel qui m'a dit que tu avais donné l'ordre. En temps normal, je ne l'aurais pas fait.

— C'est étrange, je suis persuadée de ne lui avoir rien dit...

— C'est l'habitude, t'en fais pas ! rassura l'Italienne. Minseok est mon rival depuis très longtemps et son affaire aussi prend de l'ampleur, je ne veux pas qu'il m'écrase ! On est ici sur son terrain, mais je compte élargir mon réseau dans les quatre coins du monde et te protéger.

Giulia rejoignit le groupe d'Aïssa quand elle arriva à Séoul au deuxième semestre. A cette période, Arshneel faisait partie de son entourage. Comme il avait de très bons résultats, il organisait des sessions de révisions pour aider ses amies. Il appréciait beaucoup Aïssa. Quand il pouvait, il l'invitait au restaurant. Parfois, il lui offrait des goodies de son chanteur préféré, G-Dragon. Aïssa était gênée mais Arshneel insistait.

Giulia n'était pas très bosseuse mais elle était brillante. Elle mémorisait les cours très facilement rien qu'en y participant. Ses airs de rebelle impressionnaient les gens. Son franc-parler effrayait ses camarades. Pourtant, elle était attachante.

Juhee n'aimait pas trop Giulia, surtout à cause de ses manières. Elle disait souvent à Aïssa que son attitude était irrecevable. L'Italienne pouvait se permettre d'insulter gratuitement et de faire des réflexions insupportables sur le physique des gens. Arshneel en faisait les frais ; elle aimait l'embêter.

En rencontrant Aïssa, Giulia essaya de changer et de l'impressionner mais elle était maladroite. Elle lui lançait des propos comme « Tu sais que t'es délicieuse ? » puis, lorsqu'Aïssa fronçait les sourcils de manière déconcertée, elle se rattrapait en lui disant « Euh, je voulais dire mignonne ! ».

Une fois, avant d'aller en vacances au Japon, Juhee et Aïssa faisaient des courses pour préparer leur voyage. Giulia s'incrusta à la dernière minute.

— J'ai pris mon billet ! s'écria-t-elle, surexcitée.

— On en a déjà parlé, soupira Juhee, on va faire des activités que tu n'aimes pas !

— Je viens juste pour profiter du moment avec Aïssa, je m'en fiche des activités, s'exclama Giulia, menaçante.

— Mais ça sert à quoi, idiote !

— Répète pour voir, s'approcha Giulia, en colère.

— Les filles, calmez-vous ! Si vous n'êtes pas capable de vous entendre, je n'irai pas au Japon, conclut Aïssa à bout en les laissant seules.

Juhee souffla en la regardant partir.

— T'as vu ? s'agaça-t-elle, à cause de ton immaturité, elle risque d'annuler le séjour !

— C'est à cause de toi, tu es trop jalouse et possessive ! Stronzo!

— Pas du tout, tu veux te la taper ! Je refuse de voir ça, surtout avec une fille qui n'a pas une bonne attitude !

— Que ce soit en amour ou en amitié, on aime toutes les deux Aïssa ! Tu ne m'empêcheras pas de l'aimer et de venir profiter de ce voyage avec vous.

— Je te déteste, lâcha Juhee, exaspérée.

— Pour elle, on va devoir s'allier et, crois-moi, ça ne m'enchante guère ! Sache que si un jour tu étais en danger de mort, je ne viendrais te sauver que si Aïssa me le demande !

Ce jour-là, les deux filles firent le serment d'être amies seulement en présence d'Aïssa.