Gangnam station

Chapitre 51

Dans le district de Yongsan se situait un commissariat, pas très loin d'un musée d'art.

Il y avait de nombreuses enquêtes en cours mais la plus importante demeurait celle sur la famille Jang.

Au sein des locaux, une policière du nom de Yudan apportait des documents. Elle faisait équipe avec Bom. Âgée de quarante ans, elle avait des cheveux courts et une casquette. Le coin de sa bouche dessinait toujours un sourire malicieux. Les bureaux du commissariat exhibaient des surfaces vitrées et légèrement floutée. Yudan frappa discrètement à la porte de sa coéquipière.

— Madame Park ! J'ai de nouveaux dossiers pour toi.

— Dépose-les sur le meuble.

Bom afficha un écran tactile qui était projeté sur le mur. Elle étudia les zones des gangs rivaux et tenta de déterminer les prochaines intentions des truands. Son bureau désordonné était spacieux et montrait les signes d'un acharnement pour élucider le mystère. De nombreuses tasses de café surplombaient la table, des papiers déchirés recouvraient le sol et les volets des fenêtres restaient légèrement fermés. Détective embauchée par la famille Jang, Bom travaillait avec le commissariat. En parallèle elle suivait des cours à l'université nationale de police. La jeune femme préparait le concours officiel pour intégrer la police nationale. Très peu de personnes arrivaient à réussir les examens. Ceux admis avaient déjà l'expérience du terrain. La détective privée souhaitait faire ses preuves avant de recevoir son diplôme.

Yudan remarqua un tableau sur lequel figurait les portraits de la famille Jang et Aïssa au centre des images. Un point d'interrogation venait marquer son visage. Bom se posait la question. Quel lien avait-elle entretenu avec la famille Jang ? Pourquoi était-elle devenue une gangster ?

— Bom, fais attention avec cette enquête, conseilla sa partenaire.

— Eonni, je fais mon travail, lança la jeune femme sans la regarder.

— Je sais que tu fais ton travail mais personne n'ose tenter cette affaire, avoua Yudan, qui prenait place sur un siège. Dans les districts Ouest, les gens parlent d'un tyran qui arrive à faire taire les gens. Très peu de personnes citent le nom de celui qui règne à l'Ouest de Séoul.

— Tu veux dire que cette personne distribue des pots-de-vin ? soupira Bom qui posa enfin les yeux sur Yudan.

— Oui, on ne peut faire confiance à personne... tu risques de t'attirer des ennuis.

Bom se rapprocha d'elle avec un air menaçant.

— Nous sommes là pour appliquer la loi et protéger les innocents ! Je refuse de laisser ma ville entre les mains des gangs. Je n'aime pas les accusations sur nos confrères, donc fais gaffe à ce que tu dis !

Yudan lui demanda de baisser d'un ton.

— Bom, je suis sérieuse, expliqua la femme plus âgée. Tu idéalises la police mais il y a toujours des profiteurs parmi nous. Un ancien collègue a fourré son nez dans cette affaire, il y a dix ans. Tu n'étais pas encore adulte. Il a pourchassé le gang de l'Ouest et il a réussi à trouver quelque chose, mais des collègues ont dévoilé son enquête et après ça plus rien !

— Tu veux dire qu'on l'a assassiné ? demanda Bom, étonnée.

— On ne sait rien à ce sujet... Si jamais tu mets un visage sur le gang de l'Ouest tu risques fort d'y passer tout comme mon ancien collègue.

— Comment s'appelait-il ?

— Sangook Lee, énonça Yudan, à voix basse.

— Pourquoi tu me dis ça ?

— Parce que tu es jeune et tu as de l'avenir devant toi. Contente-toi d'arrêter la suspecte et demande-lui d'avouer pour le meurtre de Seongho Jang. Tu auras déjà gagné et tu auras ta place dans ce commissariat !

— Je dois aussi mettre en cellule le chef du gang de l'Ouest, je ne dois pas faire les choses à moitié. Je veux la paix point barre ! termina la jeune femme.

Au même moment, un policier débarqua dans le bureau de Bom.

— Détective, on tient la cheffe du gang de l'Est !

Bom et Yudan se fixèrent d'un regard et se dépêchèrent de sortir. Elles suivirent en courant le policier qui les accompagna dans le couloir principal. Elles virent Aïssa, menottée, qui semblait calme et déterminée. Les autres policiers l'avaient encerclée, curieux. Deux agents se tenaient aux côtés de l'accusée muette, afin de l'emmener dans une cellule.

Bom, perturbée, n'avait pas envisagé un tel scénario. Yudan regarda l'accusée partir et se tourna vers la jeune femme.

— J'ai l'impression qu'elle s'est rendue, non ?

— Qu'est-ce qu'elle mijote ? cogita Bom.

— Une cheffe de gang ne se rend pas comme ça... hallucina Yudan, perplexe.

La détective se prépara à la rejoindre. Les deux agents qui revenaient vers l'allée principale lui rappelèrent que l'accusée devait avoir un avocat avant de passer aux interrogations, mais la jeune femme insista pour aller la voir.

— Bom Park, deux minutes pas plus, déclara les deux agents.

— Je serai rapide, j'ai besoin de me faire une idée pour mon enquête.

Bom se rua dans les escaliers qui menaient aux cellules du commissariat. Elle se dirigea vers le fond du couloir et elle découvrit une femme debout collée au mur, sans émotions.

— Vous êtes Aïssa Tano, n'est-ce pas ? L'ancienne femme de Minseok Jang.

— Exact.

— Vous êtes la cheffe du gang de l'Est ?

— Tout dépend depuis quand, avoua la femme.

— Comment ça ? murmura, Bom.

— Je pourrai vous en dire plus mais j'attends que mon avocat vienne.

— Vous avez tué le PDG ?

Aïssa se rapprocha des barreaux et lança un regard sincère.

— En faisant cette enquête, vous risquez de vous exposer à un homme très puissant et dangereux. Je n'ai pas tué le PDG car je n'étais pas là lors de l'explosion et je n'en suis pas responsable. J'en étais d'ailleurs la cible !

— Il a été retrouvé dans la discothèque de Rose Jones que vous avez remplacée. Des témoins vous ont vu, avec des hommes de main, assiéger les lieux.

— Rose Jones était un nom de code... En réalité, une femme a bien été cheffe de gang. Elle est morte dans l'autre explosion qui se tenait pas loin du Gangnam Night en luttant contre le chef de gang de la partie Ouest.

— Vous devez me donner des noms ! s'impatienta Bom.

— Je suis innocente, dévia Aïssa. Ce meurtre ne vient pas de moi car je n'ai pas connu ce monsieur !

— Alors qui ? s'écria la jeune femme hystérique.

— Minseok de la famille Jang.

— C'est impossible ! Ce sont des accusations très graves !

— Je vous demande pour votre vie d'arrêter l'enquête sur les gangs car si vous cherchez à arrêter cet homme vous creuserez votre tombe. Il cherche à devenir le roi de Séoul. Je lui ai tenu tête en reprenant le flambeau de la fameuse Rose Jones.

— Quoi ?

— Vous pensez que me rendre était logique ? s'exclama Aïssa. Je n'ai aucun moyen de le prouver mais il détestait ses parents. Il avait besoin d'argent. Nous étions tous les deux en guerre pour l'avenir de notre fils. Vous pensez réellement que je serais capable d'une telle chose ? Tuer quelqu'un que je n'ai pas connu ? Minseok veut me voir tomber !

Bom tenta une nouvelle approche mais l'un de ses collègues lui ordonna de laisser la détenue. Aïssa recula et se terra dans un coin. La détective se sentit bouleversée et se dépêcha de regagner son bureau.