Chapitre 52

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En pleine nuit, Aïssa entendit depuis sa cellule la pluie tomber subitement. Cela lui berça le cœur le temps de réaliser ce qui lui arrivait. Dans son esprit tout se brouillait : la rencontre avec Minseok, les courses poursuites, les responsabilités de cheffe de gang, ses amis et sa famille. Depuis sa lutte acharnée contre son ex-conjoint, elle n'avait pas revu ses parents ni sa petite sœur.

A l'issue d'une réunion de famille sur un réseau social, Minseok avait pu mettre des visages sur sa belle-famille. Bidia, la petite sœur d'Aïssa, s'était déplacée une seule fois en Corée du Sud. Quand les problèmes de couple arrivèrent, Aïssa s'éloigna brutalement des siens.

Pendant un court instant, elle entendit des pas qui la ramenèrent à la réalité. Il y avait très peu de passage dans les couloirs à cette heure tardive. La lumière éclairait peu l'espace et rendait la visibilité mauvaise. Aïssa releva le buste et vit un agent se rapprocher des barreaux.

— Tu as de la visite, dit-il, d'un ton désagréable.

L'agent s'éloigna sans réaction.

Aïssa chercha des yeux le visiteur, curieuse.

Lorsqu'elle découvrit la mystérieuse personne, elle eut un sursaut. Son cœur se mit à battre fortement. Elle posa sa main sur sa poitrine. La colère bouillonnait en elle comme un volcan.

— Quel culot, déclara la femme qui n'en revenait pas.

Minseok se présenta à elle. Il paraissait détendu.

— On m'a dit que tu t'étais rendue et je dois t'avouer que ça ne m'arrange pas.

— Minseok, tu es un sale connard ! vociféra la femme. Comment as-tu réussi à venir ici ?

— La ville est entre mes mains, ne l'oublie pas !

— Arrête ce jeu avec moi ! stoppa Aïssa à bout. Tout ce temps, tu n'as rien dit sur ta vraie vie. Ton père est le fondateur du groupe JangAéro. J'aurais dû m'en douter ! A chaque fois tu étais mal à l'aise lors de ses apparitions à la télé. Tu l'éteignais ! Je ne sais pas si tu te rends compte mais nous n'aurions pas galéré à ce point. Je ne serais peut-être pas partie...

Minseok montra du mépris et répondit aussitôt.

— Je préfère monter mon propre empire que toucher à cet argent.

— Mais c'est aussi ton héritage ! Là tu as décidé de créer ton empire sur du mensonge, du sang et de la tricherie. L'argent sale n'a aucune valeur.

L'ancien partenaire d'Aïssa donna des coups contre les barreaux. La femme de cinquante ans bondit de peur et recula.

— Il n'a jamais été là pour moi et donc je ne le serai jamais pour lui. Tu comprends ?

— Donc, c'était plus simple de l'envoyer mourir dans cette explosion que tu as toi-même commandité et de me faire porter le chapeau pour récupérer Kel ? Belle stratégie.

— C'est vrai que ça aurait pu être un très beau plan mais je n'ai pas envoyé mon père à la morgue. Quelqu'un a déguisé le crime pour m'atteindre.

— Quoi ? s'arrêta net Aïssa.

— Pourquoi je viendrais te rendre visite ? Mon objectif est de devenir le roi de Séoul dans les règles de l'art. Tu as décidé de m'affronter, alors faisons-le et celui qui gagne reprendra Kel.

Il sortit de son blouson la main de Sastuki qui avait été conservée dans une boîte en verre étrange. Le liquide à l'intérieur permettait de la garder intacte et de gérer la conservation. Aïssa sanglota et tenta de l'étrangler depuis sa cellule.

— Je compte la garder comme trophée et comme une victoire. Tu as tué l'effaceur et moi j'ai retiré l'outil de travail de ta femme de main. On est quittes !

— Tu finiras par le payer, menaça Aïssa.

— Je t'aimerai peu importe ce qui se trouvera en travers de mon chemin. Je pense qu'on a ce point commun de faire passer nos projets avant l'amour. Au fond de tes yeux, je la vois encore cette flamme pour moi, elle ne s'éteindra jamais. Tu aurais pu me dénoncer pour mes crimes, mes actions etc... mais tu n'as rien dit quand nous étions face aux tribunaux ! Donc, je vais faire pareil pour éviter que tu te retrouves face à ma famille pour le meurtre de mon géniteur. Je suis débordé mais je trouverai un moment, promit Minseok, en faisant un clin d'œil.

— Quelqu'un finira par faire tomber ton masque !

Minseok esquissa un sourire.

— Je suis juste venu te dire que je ne t'ai pas mis le meurtre sur le dos. Ce type qui a fait ça avait de nombreuses raisons de le faire. J'ignore qui mais quelqu'un a fait rentrer Seongho dans la boîte et savait ce que je préparais.

— C'est forcément un des tes gars !

— Peut-être, hocha de la tête Minseok. Mes hommes, le jour de l'explosion, ont pris le temps de tout piller et de descendre les survivants. Personne n'a parlé du PDG, son corps n'y était pas.

Aïssa ne réagit pas. Elle se posa sur le banc, silencieuse sous les yeux de Minseok. Soudain, elle souffla un bon coup et s'exprima une dernière fois.

— Minseok. Tu fais tout ça pour Kel et la fortune de ton père te propulserait si jamais tu récupérais l'héritage. Je n'ai pas connu ta famille et donc je n'ai pas le profil de l'assassin. Tu es le seul capable de faire ça. Je n'ai aucun moyen de le prouver mais j'ai la forte intuition que ce crime vient de toi.

L'homme gloussa de rire. Il se rapprocha des barreaux et lui envoya un baiser.

— Je pourrais t'innocenter mais je ne le ferai pas. Trouve une solution pour t'échapper de ce pétrin, tu la trouveras. Que le meilleur gagne ! formula Minseok qui suivit l'agent.

Aïssa l'entendit quitter les lieux sans rien dire davantage. Seules les larmes montèrent et descendirent sur son visage. La femme de cinquante ans se noya dans son chagrin. Qui avait commis le meurtre ? Pour quelle raison ? Aïssa se sentait perdue et abandonnée. Pendant un bref instant, elle repensait à Minjae. Elle aurait pu tout dire à Minseok mais elle préférait laisser œuvrer Fati. Cette dernière trouverait peut-être un indice. Kel venait balayer ses mauvaises pensées, même si sa soif de vengeance l'étouffait.

— Maman te sortira de cet enfer, murmura Aïssa.

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