Chapitre 32

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Arrivés à Séoul, le chauffeur accompagna Aïssa à Gangnam Night. Un de ses hommes avait une nouvelle importante à lui annoncer. La patronne accepta de faire un tour à la discothèque avant de se rendre à l'appartement.

En se présentant dans la loge rose, elle découvrit un jeune homme mal en point. Il ressemblait à un Thaïlandais. Satsuki, qui ne lâchait pas sa patronne d'une semelle, écouta avec intérêt l'annonce de son coéquipier.

— Ce petit merdeux a violenté l'une des danseuses. Non seulement il a consommé une quantité importante d'alcool, mais en plus de ça il a provoqué une bagarre dans le personnel.

— C'est la première fois qu'il vient ici ? demanda Satsuki.

— Non. confirma l'associé, le regard sombre.

— Ce tatouage... je le reconnais ! formula Satsuki qui venait de dessaper le bras du garçon. C'est la bande des jeunes qui vient de s'installer dans le quartier. Leur boss est très âgé, ça lui arrive de les commander à distance ! Il se nomme Boris. C'est la nouvelle mode, plus ils sont jeunes, plus ils sont faciles à contrôler !

Aïssa examina le garçon dans les moindres détails. Il avait sûrement l'âge de Kel.

— On a souvent des problèmes avec ces petits, appuya l'homme d'Aïssa. Ils sont juste là pour foutre le désordre dans notre business. Un de ses associés n'a pas payé l'une des dernières caisses de drogue. On a contacté Boris mais il n'a jamais réagi. Cela fait déjà trois semaines.

Satsuki prit Aïssa à part et lui expliqua la procédure à suivre.

— Giulia laisse à ses clients une à deux semaines pour régler leur note. Avec les clients réguliers et très proches, elle s'arrangeait à sa façon. Par contre, elle n'a jamais sympathisé avec les petits de ce type.

Aïssa cogitait.

— Tu dois instaurer la peur sinon les autres membres vont nous gêner ! Notre objectif est de rivaliser avec Minseok et surtout de le vaincre, conclut Satsuki.

Aïssa stressait à l'idée de prendre une décision. Giulia a imposé la terreur pendant de nombreuses années. Si Aïssa n'allait pas dans ce sens, les affaires risquaient de mal tourner. Devant les hommes de Giulia, il fallait avoir du sang froid, montrer qu'une femme portait plus que des testicules.

La femme de cinquante ans se rapprocha du jeune homme, le visage neutre.

— Tu parles coréen ? interrogea-t-elle dans la langue locale.

Il ne répondit pas, cependant, il se contenta de rire.

— Je pense qu'il connaît la langue, s'interposa l'homme d'Aïssa, il veut juste faire le malin.

Satsuki attendait une réaction franche de la part de sa patronne. Cette dernière n'hésita pas une seconde de plus.

— Je veux dix hommes postés aux alentours de leur base. Satsuki, tu vas venir avec moi, nous allons passer par l'entrée principale avec ce jeune homme.

— Il ne va pas nous montrer le lieu facilement, s'étonna l'associé des deux femmes. Boss, vous risquez gros si vous vous pointez comme ça.

Aïssa afficha un air détendu et se tourna vers sa femme de main.

— Satsuki, Giulia avait une salle, un coin spécial pour faire parler ses clients indisciplinés ?

— Oui, il y a une sorte de « grotte » en bas du club.

— Un sous-sol, précisa Aïssa, prépare un bain d'acide, s'il en existe.

— Exact, affirma la Japonaise, surexcitée.

— Nous allons le faire parler et je pense qu'il finira par céder.

La femme de main passa la tête à l'extérieur de la loge et se chargea d'exécuter les ordres de sa patronne.

Aïssa se rapprocha du jeune homme et lui caressa doucement les cheveux.

— C'est dommage, marmonna Aïssa, en remuant la tête.

Son associé serra le bras du jeune homme et le colla contre lui. Il reçut un message de Satsuki qui l'invitait à la rejoindre au sous-sol. L'homme tira le jeune adulte avec violence et l'embarqua.

Aïssa ferma la marche.

Lorsqu'ils arrivèrent au sous-sol, un grand tonneau d'acide figurait au milieu de la pièce. Aïssa découvrit des armes et des taches de sang sur les murs. Elle se doutait qu'ici il y avait eu des exécutions.

Satsuki resta à côté du gros baril et dessina sur ses lèvres un air enjoué.

L'homme d'Aïssa approcha le garçon devant le grand récipient. Satsuki se tenait à côté, attentive.

— Tu ne veux pas parler, c'est très courageux, clarifia Aïssa, impressionnée. Tu ne me connais pas mais Giulia si, n'est-ce pas ?

L'otage ne répondit pas. Aïssa soupira et perdit patience. Elle prit le bras du jeune homme violemment et le plongea dans la cuve. Le prisonnier se mit à hurler et à se débattre. Satsuki reprit le relais et l'incita à parler.

— Je vais parler ! supplia le jeune homme.

— On t'écoute, déclara Aïssa, neutre.

— Notre base la plus proche se situe à quelques kilomètres d'ici, je vais vous y conduire ! Il y a deux grands accès : la porte principale et la porte arrière qui fonctionnait pour les employés de l'ancienne entreprise.

— Ce n'est pas un piège ? s'assura Aïssa.

— Non ! Pitié !

Aïssa fit signe à son homme de main de préparer la voiture. Elle répéta le plan qu'elle avait mis en place au départ. Dix hommes devaient l'accompagner. Elle demanda à Satsuki une arme. La Japonaise exauça son souhait.

L'homme de main paraissait admiratif. Il n'envisageait pas une telle réaction de la part d'une novice. Il se pressa et emmena le jeune adulte avec lui tout en échangeant un air sérieux avec sa patronne.

Discrètement, Aïssa s'isola quelques secondes dans une salle de maintenance qui se trouvait à l'étage. Elle se mit à trembler et à régurgiter. L'odeur de l'acide remontait encore dans ses narines. Elle s'essuya la bouche avec le bout de sa manche, tétanisée. Je dois me reprendre, pensa Aïssa. Son corps ne cessait de frissonner. Elle repensait encore à ce jeune visage qu'elle venait de condamner. Elle réalisait qu'elle devrait répéter ces gestes barbares au quotidien. Se faire pourchasser par les hommes de Minseok, c'est plus simple. Je ne faisais pas le sale boulot, se remémora-t-elle.

Soudain, elle se mit une claque et reprit ses esprits. La mine serrée, elle suivit la voie de la sortie.

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